Upsa : « relocaliser le paracétamol en Occitanie et en Rhône-Alpes nous apporte un gain énorme »
Emmanuel Bellanger et Laure Lechertier, respectivement directeur supply chain et directrice de la RSE, de l’accès au marché, de la communication et des affaires publiques du laboratoire pharmaceutique UPSA décryptent les incidences en matière de gestion de sa chaine d’approvisionnement de l’aspiration au 100 % Made in France du laboratoire. Le groupe soutient la naissance de deux nouveaux fournisseurs du principe actif en France.

UPSA a désormais les plus grands sites industriels de production des médicaments à base de paracétamol en France. Comment cet ancrage national se traduit-il dans la gestion de votre supply chain ?
Laure Lechertier : Notre singularité dans l’industrie pharmaceutique est de fabriquer à 100 % nos médicaments en France dès la réception de nos matières premières à Agen, tout en étant une entreprise avec une forte activité à l’international. Nous exportons 57 % des boîtes que nous fabriquons, vers l’Europe, l’Afrique francophone et l’Asie. Nous avons récemment ouvert de nouveaux marchés : la Chine et l’Arabie saoudite. Nous avons des filiales à l’étranger en Belgique, en Suisse, en Italie, au Royaume-Uni, en Chine et en Espagne. Travailler à l’export nous permet d’améliorer notre rentabilité, dans un contexte où nous avons dû absorber 14 millions d’euros d’inflation en deux ans.
Nous sommes un acteur clé de la souveraineté sanitaire et industrielle en France
La clé de voûte de notre stratégie repose sur nos sites industriels et de distribution sur lesquels nous innovons en continu et investissons. Chaque année ce sont entre 15 et 17 millions d’euros de capitaux propres que nous mobilisons pour les moderniser, les verdir et augmenter nos capacités de production. Nous sommes un acteur clé de la souveraineté sanitaire et industrielle en France. Nous participons aux projets de relocalisation du principe actif du paracétamol en France. Nous avons investi dans la chaîne de production d’un acteur de la chimie basé en région Rhône Alpes, Seqens, auprès de qui nous nous sommes engagés sur des volumes. Nous sommes également rentrés au capital de la startup toulousaine Ipsophene auprès de qui nous nous fournirons en principe actif de paracétamol dans une logique de diversification de nos sources d’approvisionnement. Ces deux acteurs vont produire du paracétamol tricolore à l’horizon fin 2026-2027. Ils doivent nous permettre de couvrir notre besoin en paracétamol pour toutes les références que nous produisons en France pour la France. Ce paracétamol est aujourd’hui sourcé en Chine, en Inde et aux Etats-Unis.
Un tiers de nos fournisseurs est localisé en Nouvelle Aquitaine ou en Île de France
Quelle est actuellement la part de vos fournisseurs localisés en France ?
Emmanuel Bellanger : Cette démarche de relocalisation est un axe fort dans le choix de nos fournisseurs. Un tiers de nos fournisseurs est localisé en Nouvelle Aquitaine ou en Île de France, notamment beaucoup de fournisseurs de packaging qui représentent une grande part de nos achats. Du fait de notre périmètre international, nous avons une grande diversité de packagings, déclinés en fonction des langues et des contraintes réglementaires locales. Nous n’avons pas seulement relocalisé mais avons aussi internalisé une activité d’impression au Passage, en périphérie d’Agen, où se trouvent nos deux usines, pour imprimer 70 % des notices de nos boîtes de médicaments.
Quels bénéfices attendez-vous de cette démarche de relocalisation ?
EB : Le fait de relocaliser le paracétamol en Occitanie et en Rhône-Alpes nous apporte un gain énorme. Au lieu de faire venir le paracétamol par conteneur d’Inde, de Chine ou des Etats-Unis, ce qui prend des semaines et provoque une inertie terrible dans la réactivité, nous aurons, en 2027, un fournisseur à une heure et demie de camion. La relocalisation a un fort impact environnemental mais aussi opérationnel. Le prix est évidemment parfois un peu plus cher, mais le coût in fine sur l’ensemble de la chaine de valeur est intéressant à la fois pour UPSA et pour le fournisseur.
Le fait d’avoir des fournisseurs de packaging à quelques centaines de kilomètres au maximum nous apporte énormément de réactivité. Nous avons une forte croissance avec un besoin de nouveaux packagings pour nos nouvelles géographies ou de nouveaux produits tels que les compléments alimentaires pour lesquels nous continuons à développer nos gammes et lancer de nouveaux produits.
S’approvisionner en France a un coût : le paracétamol français sera 50 % plus cher par rapport au cours mondial
Comment intégrez-vous le surcoût du Made in France dans votre équation économique ?
LL : La question du prix est fondamentale et nous demandons à ce que la production Made In France soit prise en compte par l’Etat dans la revalorisation de nos prix. S’approvisionner en France a un coût : le paracétamol français sera 50 % plus cher par rapport au cours mondial. Pour que l’équation soit tenable, nous devons le répercuter sur notre prix fabricant hors taxe qui devrait pouvoir être réévalué et disposer d’un cadre fiscal qui valorise la production Made In France.
EB : Le Made in France est inscrit dans l’ADN d’UPSA. Nous irons aussi loin que possible dans cette démarche de relocalisation et d’internalisation. D’autant plus que cela sécurise notre production et la continuité d’accès de nos médicaments aux patients. Il ne faut pas confondre le prix et le coût. On peut toujours trouver un prix inférieur plus loin mais, lorsque l’on prend en compte l’ensemble des risques, des assurances qu’il faut prendre en termes de niveaux de stocks, de délais etc… il vaut parfois mieux acheter à proximité un peu plus cher que gagner quelques pourcents en achetant à l’autre bout du monde.
Nous ambitionnons de réduire nos consommations en eau de 20 % et de nos déchets de 25 % d’ici 2030
Quelle place occupe la décarbonation dans vos axes stratégiques ?
EB : La décarbonation est un point important dans la stratégie supply chain. C’est un sujet très présent dans les questions d’infrastructure et que nous abordons à travers le déploiement de panneaux solaires et une meilleure gestion de l’eau. Le Pacte durable inclus dans notre plan stratégique comprend des investissements sur la décarbonation et des ambitions chiffrées : atteindre la neutralité carbone en 2030. Nous ambitionnons de réduire nos consommations en eau de 20 % et de nos déchets de 25 % d’ici 2030. Nous travaillons aussi sur l’éco-conception de nos produits.
Pouvez-vous citer un exemple d’initiatives ayant un rôle majeur sur l’empreinte environnementale ?
EB : Nous avons réduit la taille des comprimés effervescents Efferalgan et Dafalgan, avec comme conséquence une diminution immédiate du plastique consommé pour le bouchon et le tube et des centaines de palettes en moins à stocker en amont et en aval de la production. Ce projet a des conséquences positives énormes d’un point de vue environnemental et supply chain. Nous avons ainsi réduit de 20 % la quantité de produits sur les palettes. Ce projet a mobilisé l’ensemble de la chaine et impliqué de revoir le sourcing, travailler avec les fournisseurs, la logistique, la production, les affaires réglementaires, la qualité …
Avez-vous subi des ruptures d’approvisionnement pendant la période du Covid ?
EB : UPSA a pris le parti de développer des relations de partenariat avec ses fournisseurs. Nous entretenons en particulier de fortes relations avec nos fournisseurs locaux. Le prix est un élément important dans nos choix mais il n’est pas le seul critère, nous prenons aussi en considération la localisation du fournisseur, sa réactivité, etc. Cela nous a permis, pendant la période Covid, de ne jamais être en rupture de paracétamol permettant la continuité d’accès à nos médicaments essentiels.
En chiffres
Chiffre d’affaires : 500 M d’€
Production : 350 millions de boites de médicaments par an, dont 300 millions de boîtes de paracétamol
Sites : Deux sites de production et deux centres de distribution à Agen (47)
Emplois directs et indirects en Nouvelle Aquitaine : 5 000 emplois
Nombre de fournisseurs locaux : 254