Euroapi : « Notre ambition est de bâtir une fonction achats moderne et contributive »
Maohua Wang, directeurs des achats indirects d’Euroapi, revient sur les grands moments du plan de transformation des achats entamé en 2022. Rapporté ici plus spécifiquement au périmètre des achats indirects, ce projet commence peu à peu à porter ses fruits. Simplification des process, augmentation du taux de couverture, gains achats … les résultats sont encourageants. Ce plan de transformation vient de surcroît rappeler l’importance des achats indirects, lesquels contribuent directement à l’amélioration des résultats opérationnels dans une industrie qui s’inscrit dans un cycle particulièrement long.

Quel a été le point de départ du plan de transformation des achats d’Euroapi ?
Ce plan de transformation des achats s’inscrit dans la droite ligne du plan stratégique, “Focus-27”, qui vise notamment à améliorer la rentabilité du groupe. Comme l’avait indiqué notre directeur général en mars lors de la publication de nos résultats financiers annuels, cette transformation doit notamment générer des économies sur les achats directs et indirects.
Comment se décompose ce plan ?
Nous l’avons décomposé en trois phases. Nous avons d’abord, en 2022, construit une organisation décentralisée de manière à nous imprégner des réalités locales et des enjeux industriels locaux, de les comprendre et d’instaurer une culture achats solide. S’en est suivi au cours de l’année 2023 une phase de structuration que l’on peut qualifier d’hybride, avec la mise en œuvre de stratégies communes sur les catégories clés des achats indirects. Certaines - comme l’IT, le transport, la R&D, les services professionnels, pouvaient faire l’objet d’une forte consolidation et de synergies. Nous avons jugé que nous pouvions en tirer des gains rapides et importants. La confiance de nos parties prenantes, internes comme externes, n’en a été que renforcée d’ailleurs.
Nous avons généralisé ces démarches de synergies et de mutualisation, tout en préservant les singularités de nos sites
La bascule a été faite en fin d’année dernière, avec le déploiement de ce que l’on peut nommer une « centralisation agile », connectée au terrain et pilotée par un Master Plan aligné sur la stratégie du groupe. Nous avons généralisé ces démarches de synergies et de mutualisation, tout en préservant les singularités de nos sites. Cette évolution du modèle opérationnel et de l’organisation a été imaginée pour gagner en efficience et harmoniser ce qui peut l’être. Notre structure achats mêle aussi bien une ligne verticale centralisée que des organisations terrain. Ce modèle vise moins à un parallélisme parfait des organisations achats locales, qu’à sortir les équipes locales de leurs silos et à favoriser la curiosité et la collaboration. Notre structure est construite de façon à agir de manière coordonnée.
Euroapi en quelques mots :
Issu d’un spin-off de Sanofi, Euroapi s’attache à réinventer des solutions de principes actifs pour répondre durablement aux besoins des clients et des patients dans le monde entier. L’entreprise, cotée à la bourse Paris (Euronext Paris) emploie près de 3 700 personnes et est présente dans cinq pays d’Europe (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Hongrie). Pas moins de 80 pays sont couverts par ses ventes. Dans un contexte difficile, Euroapi a enregistré un chiffre d’affaires en recul de 10,0 % à 911,9 millions d’euros en 2024, en raison notamment de la baisse des volumes destinés à Sanofi. Si ses pertes s’établissent à 130,6 millions d’euros, l’entreprise a tout de même fait preuve de résilience opérationnelle et profite d’une forte hausse de la génération de trésorerie avant financement dans un contexte morose.
De quelle manière fonctionne votre modèle plus précisément ?
Notre modèle est inspiré d’un système vivant et interconnecté. Si je devais prendre une image, notre organisation achats fonctionne comme une ruche. Elle se compose d’un centre stratégique actif, entouré de cellules locales autonomes, mais non moins solidaires, partageant savoirs et énergies pour créer de la valeur ensemble. Nous partageons tous un seul et même objectif. Chaque cellule est la porte-parole d’un sujet donné pour l’ensemble. Cela renforce l’esprit d’équipe, sa cohésion et le partage de bonnes pratiques.
Qu’espérez-vous de tous ces changements ?
Nous voulons simplifier nos process, tout en renforçant la responsabilisation des équipes locales
Nous voulons simplifier nos process, tout en renforçant la responsabilisation des équipes locales. La centralisation ne vient pas les brider ; elle vise à produire des effets positifs sur l’optimisation des coûts, la sécurisation de nos approvisionnements et l’accroissement de la valeur apportée par nos fournisseurs à l’ensemble du portefeuille achats.
A-t-il été facile de convaincre vos équipes ainsi que vos prescripteurs ? Comment avez-vous appréhendé la dimension conduite du changement ?
Un tel projet peut faire l’objet de résistances. Les réduire demande beaucoup d’écoute. Notre méthode participative, « Keep, Improve, Stop, Start », a permis d’améliorer les processus et de fixer les priorités.
Nous avons organisé de nombreux ateliers pour présenter le projet dans son ensemble, multiplié les visites sur sites pour comprendre les enjeux, les contraintes, le contexte local de chacun, répondu aux questions… Une fois ces informations récupérées, nous avons adapté notre plan de façon pragmatique et veillé à répondre au maximum aux spécificités de nos six sites pour les embarquer autour d’un objectif commun. C’est un travail qui demande des compromis, des ajustements. Tout a été fait dans l’ensemble pour que cet objectif ne vienne pas contrarier leurs particularités. Ainsi, nous leur avons démontré que nous sommes tous dans le même bateau et que nous devions avancer main dans la main.
Qu’implique le repositionnement des Achats sur le plan de la gestion des compétences ? Ce plan de transformation a-t-il été l’occasion de créer de nouveaux rôles en interne ?
L’équipe commence à intégrer du category management pour les parties les plus importantes, notamment l’énergie, les capex - en complément de l’IT, des transports, de la R&D - afin de capitaliser à long terme sur des savoir-faire précieux.
Nous avons ensuite profité de ce plan pour mettre en place des référents transverses sur des sujets structurants (SRM, contrats, performance fournisseurs, gestion des risques, etc.), au-delà du rôle classique des acheteurs. Ce leadership partagé a été très bien accueilli. La gouvernance n’est pas simplement assurée par les patrons des achats ; les référents achats des sites ont intégré le comité de direction pour renforcer leur influence. Le niveau de responsabilité de chacun s’en trouve ainsi largement renforcé et c’est gratifiant pour les équipes.
Cette approche a permis de développer les talents, de renforcer la cohésion et de soutenir une dynamique collective. Il ne faut pas oublier que nos collaborateurs sont notre actif le plus important.
Agilité, flexibilité … selon vous, ces compétences associées au changement sont-elles les valeurs premières d’un acheteur ?
la simplification est ce que nous recherchons.
Ce sont certaines des compétences de l’acheteur, assurément. Il doit endosser ce rôle de simplificateur car la simplification est bel et bien ce que nous recherchons. Nous devons construire avec nos parties prenantes des outils méthodologiques simples, des leviers d’harmonisation et c’est ce que nous sommes en train de faire à travers ce plan.
Le fait que le directeur général du groupe cite publiquement les achats indirects renforce-t-il votre position dans l’organisation ?
Ce plan de transformation est vu comme un élément décisif. La direction générale a bien saisi l’importance de la fonction achats au sein du groupe. Le sponsoring dont elle bénéficie au Comité exécutif en témoigne.
Ceci s’explique très simplement au demeurant : une grande part des achats indirects d’Euroapi se caractérise par une forte composante technique et scientifique ; une caractéristique propre aux industries de process. Le périmètre des achats indirects de l’entreprise couvre tous les achats hors matières premières. Outre les familles plus conventionnelles, ils regroupent les produits et services techniques, MRO, les investissements industriels, l’énergie ainsi que les achats de transport et de logistique. De fait, les achats indirects contribuent directement à l’amélioration des résultats opérationnels, dans le contexte d’une industrie des principes actifs pharmaceutiques qui s’inscrit dans un cycle long.
Quels sont les KPI de réussite que vous vous êtes fixés ? Avez-vous des résultats à nous communiquer ?
Ils sont évidemment liés à notre contribution à l’amélioration des résultats financiers. À cela s’ajoutent d’autres données importantes : la simplification des process, l’efficacité opérationnelle, la performance et les gains achats ainsi que le taux de couverture achats.
Nous sommes en train de déployer des scorecards fournisseurs, du risk screening ainsi que des plans de progrès avec nos fournisseurs les plus importants
Les premiers résultats sont encourageants. Le taux de couverture est plus important qu’il ne l’était il y a deux ans, et nous avons fait des économies. En outre, nous intégrons désormais, et c’est une autre fierté, des critères ESG dans chacune de nos décisions achats. Nous sommes en train de déployer des scorecards fournisseurs, du risk screening ainsi que des plans de progrès avec nos fournisseurs les plus importants. La contribution des achats en la matière s’est largement développée.
Quelle est la feuille de route des Achats désormais ?
Notre ambition est de bâtir une fonction achats moderne et contributive, au service de la performance économique mais aussi des enjeux de durabilité, avec une plateforme commune qui mobilise les équipes autour d’un objectif commun. Notre plan répond à des besoins précis, aux enjeux de l’entreprise dans le temps. Euroapi est une société encore jeune, qui a du potentiel. Nous allons tâcher une nouvelle fois de livrer les résultats, en matière d’ESG, de performance financière et opérationnelle, que nous avions identifiés. Et si nous pouvons aller au-delà, pour bien préparer les deux années à venir, nous ne nous en priverons pas.
En matière d’achats responsables, nous accélérons le pas. Nous adoptons une approche progressive qui commence à porter ses fruits et nous allons poursuivre nos efforts. Nous adaptons nos panels fournisseurs à nos besoins et exigences.
La force de l’intelligence collective et la contribution de chacun sont les atouts les plus importants de ce plan de transformation
In fine, le cap donné par la direction est clair. La proximité du management avec le terrain est un atout de taille. Chacun a son rôle pour faire avancer le navire, et je suis intimement persuadé que cette réorganisation des équipes achats donnera de bons résultats. La force de l’intelligence collective et la contribution de chacun sont les atouts les plus importants de ce plan de transformation.