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Sweep : « Les Achats sont le bras armé de la décarbonation »

Par Guillaume Trecan | Le | Contenu sponsorisé - Environnement

Renaud Bettin, VP Climate Action de la plateforme de gestion des données de durabilité, Sweep, appelle à une prise de conscience de la part des directions achats du rôle éminent qu’elles peuvent jouer dans la décarbonation, sachant que pour neuf entreprises sur dix, le scope 3 représente 90 % de l’impact. Un rôle qui ne doit pas se limiter à optimiser, mais peut aller jusqu’à remettre en cause les modèles d’affaires.

Renaud Bettin, VP Climate Action. - © D.R.
Renaud Bettin, VP Climate Action. - © D.R.

Dans quelle mesure le Scope 3 est-il un sujet majeur pour les directions achats ?

Cela fait précisément vingt ans qu’existe la méthodologie bilan carbone, qui consiste à mesurer l’impact des entreprises sur le climat en intégrant les émissions directes - les scopes 1 et 2 - et indirectes - le scope 3. Pour 9 entreprises sur 10, ce scope 3 représente 90 % de l’impact. Pour trouver les principales sources d’émissions dans le scope 3, il faut regarder ce qui se passe en amont et en aval de la chaîne de valeur. En aval, les deux principales sources d’émissions sont la fin de vie des produits que l’on vend et l’usage de ces produits. En amont on retrouve les transports, les immobilisations et surtout les achats qui concentrent tout l’enjeu de l’amont.

Si l’on cherche à optimiser sans changer le modèle, on ne réduira ses émissions que jusqu’à -10 à -20 %

Le scope 3 s’avère un redoutable révélateur de la compatibilité des entreprises avec un monde neutre en carbone. En effet, quand le scope 3 aval d’une entreprise est important, cela signifie que l’usage de ses produits implique de fortes émissions de gaz à effet de serre. Cette typologie d’entreprise va probablement devoir changer de modèle et donc se transformer en profondeur. Les expériences passées montrent que si l’on cherche à optimiser sans changer le modèle, on ne réduira ses émissions que jusqu’à -10 à -20 %. Mais SBTI impose une trajectoire à -90 %.

Quel type d’entreprises ont un scope 3 aval et un scope 3 amont élevé ?

Parmi les entreprises au scope 3 amont élevé, on retrouve en particulier toute l’agro-industrie, qui génère tout de même un quart des émissions mondiales. Elle concentre également d’autres enjeux planétaires comme la déforestation, ou encore les émissions de méthane et le packaging. Des entreprises au scope 3 aval élevé sont par exemple les constructeurs d’avion ou de voitures, dont l’usage des produits vendus représente un enjeu majeur en termes d’impact sur le réchauffement climatique.

Le défi qu’il faut relever revient à définir le « puzzle climatique » pour 2050 : fera-t-on encore voler des avions, rouler des voitures, si oui, combien, etc ? Il faudra soit faire moins, soit faire mieux, en se déterminant par rapport à ce que la science nous dit des limites planétaires. Faire moins impose de faire des choix radicaux, de changer de modèle, faire différemment pour se mettre au service de la décarbonation et faire mieux signifie chercher plus de granularité de la donnée.

Du point de vue des Achats, le défi le plus intéressant à relever consiste à construire la résilience de l’entreprise

Quel rôle peut jouer la fonction achats pour faire bouger les lignes ?

Du point de vue des Achats, le défi le plus intéressant à relever consiste à construire la résilience de l’entreprise. En 2023, le réchauffement climatique de la planète a dépassé 1,5 degré. Si l’on en croit les engagements des pays, c’est + 3,1 degrés à la fin du siècle. La chaîne d’approvisionnement va nécessairement être impactée par un réchauffement de cette ampleur. Au-delà de la mission visant à décarboner l’entreprise, l’enjeu est donc d’identifier les risques qui pèsent sur le business et sa dépendance vis-à-vis des sources fossiles, parce qu’elles vont coûter de plus en plus cher et seront de plus en plus rares. Il est indispensable d’identifier les risques physiques liés au changement climatique pour être plus résilients. Et le bilan carbone est un outil pour y parvenir.

La CSRD aide également à aller dans ce sens, en imposant la nécessité de faire un mapping des impacts risques et opportunités (IRO) dans la chaîne de valeur. Pour définir ces IRO, les entreprises doivent déterminer quels seront les impacts du changement climatique sur leur business. En ce sens, les acheteurs sont en première ligne.

La fonction achats vous semble-t-elle avoir une capacité d’influence suffisante pour faire bouger les lignes ?

Les acheteurs sont tiraillés par des paradoxes. Ils doivent avoir une vision moyen ou long terme, alors que leurs contrats sont sur du court terme et qu’ils doivent tirer les prix vers le bas. Il est donc indispensable qu’ils développent une nouvelle culture de l’achat. Mais ils disposent, de fait, d’une très grande capacité à influencer la chaîne de valeur. Il est particulièrement difficile d’aller convaincre son utilisateur à l’autre bout du monde - l’aval du scope 3 - de recycler un produit. En revanche, la capacité d’une entreprise à influencer l’amont et à embarquer la chaîne de valeur est énorme.

La COP29 n’a pas été un franc succès et l’actualité récente envoie d’autres signaux négatifs tels que l’élection de Donald Trump. Assiste-t-on à une forme de retour de bâton en matière de décarbonation ?

Il ne faut pas oublier que la CSRD vient des investisseurs et la transition bas carbone peut en effet réserver des opportunités business. C’est le cas par exemple pour Bonduelle qui vend des protéines végétales, ou encore pour EDF qui vend du kilowattheure bas carbone.

Chez Sweep, nous ne parlons que de ROI, c’est-à-dire de la valeur d’un business durable, au sens d’un business qui dure

S’occuper de notre environnement, ne pas dépasser les limites planétaires, éviter de détruire la santé des populations et leur offrir une vie digne, tout cela est forcément « rentable ». Chez Sweep, nous ne parlons que de ROI, c’est-à-dire de la valeur d’un business durable, au sens d’un business qui dure. Les énergies fossiles aujourd’hui sont peut-être encore rentables, mais si le patron d’Exxon lui-même demande à Donald Trump de ne pas sortir de l’accord de Paris, pour ne pas remettre en cause les investissements qu’a déjà consenti son groupe, c’est bien qu’une tendance de fond est à l’œuvre. Il faut envisager un capitalisme responsable, qui est forcément mieux régulé.

Les Achats peuvent-ils initier un changement de modèle ?

Il est du ressort des dirigeants de rediriger les modèles d’affaires. Mais les Achats sont le bras armé de la décarbonation, la fonction achats est en première ligne pour décarboner une entreprise. Certains se contentent d’être au service de l’optimisation du business, d’autres sont au service de la transformation. C’est par exemple ce qu’on fait les acheteurs de l’industrie automobile lorsqu’ils ont participé à amorcer son virage vers l’électrification.

Jusqu’ici, achats responsables et achats durables semblent être synonymes. Je pense judicieux que l’on distingue désormais les deux appellations. Un achat responsable consiste à faire attention à minimiser l’impact de son achat. Des achats durables correspondent au déploiement d’une stratégie à moyen long terme qui permet à l’entreprise de survivre. Cela consiste à faire en sorte que son entreprise soit résiliente dans un monde contraint par la régulation, contraint par les limites physiques du changement climatique, par les chocs du changement climatique et probablement aussi par la volonté de chacun d’entre nous de garder une planète vivable.

La position des Achats change-t-elle dans les entreprises qui ont mis en œuvre cette démarche ?

Je commence à constater dans certaines grandes entreprises industrielles, le passage de la RSE sous l’égide de services qui pilotent la chaîne de valeur. Cela prouve bien que la chaîne de valeur est en train d’intégrer les standards de la durabilité dans son métier. On commence également à voir apparaître des Chief Value Officer, dont la responsabilité consiste à réfléchir à la valeur extra-financière qu’apporte l’entreprise.