Jean-François Clervoy : « Les astronautes sont formés à accepter que des imprévus se produisent »
Par Guillaume Trecan | Le | Contenu sponsorisé - S2p
Ancien astronaute et PDG de la société Novespace, Jean-François Clervoy était l’invité d’honneur du dîner organisé à Paris au restaurant Le Cheval Blanc pour une trentaine de directeurs et directrices achats et supply chain. Il a inspiré son auditoire en partageant son expérience du management et de la gestion des risques.
Qu’avez-vous voulu transmettre aux directeurs supply chain et directeurs achats réunis par GEP ?
Ayant été président directeur général de la société Novespace, propriétaire et opérateur de l’Airbus A310 Zero G, je connais un petit peu le monde de l’entreprise. Ce que j’en retiens, de même que de ma carrière dans l’aérospatiale, c’est qu’il est important de bien savoir où l’on va. Il faut avoir une bonne idée du but et du plan pour atteindre le but : une vision. Sans vision, on ne pourra pas entraîner une équipe. Dans l’armée, on dit que commander est l’art de faire de son but personnel un idéal pour les autres, ou, comme le dit Antoine de Saint Exupéry « si tu veux construire un bateau, fait naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer ».
C’est le rôle du leader, du manager à tous les niveaux, de bien expliquer le but. Ainsi, si jamais les événements extérieurs, ceux sur lesquels on n’a pas prise, nous obligent à faire évoluer notre objectif, nous le feront évoluer.
Ensuite, il faut que, au sein d’une équipe, les gens se fassent confiance, aussi bien entre collègues d’un même niveau qu’entre niveaux hiérarchiques. C’est quelque chose qui est difficile à obtenir. Les astronautes passent des centaines d’heures en simulateur à s’entraîner sur tous les cas de panne possibles et imaginables. Cela leur permet de repérer les forces et faiblesses de chacun. Si l’on montre aux autres et à soi-même que l’on est compétent, on gagne la confiance.
Il faut imaginer tous les problèmes possibles qui peuvent arriver. Ainsi, lorsqu’un problème surgit, même s’il ne fait pas partie de ceux qui ont été imaginés, on est préparé mentalement
Dans votre carrière, vous avez dû déployer des qualités d’agilité et de résilience. Comment transposer cet art de la gestion du risque dans le domaine économique ?
Il faut imaginer tous les problèmes possibles qui peuvent arriver. Ainsi, lorsqu’un problème surgit, même s’il ne fait pas partie de ceux qui ont été imaginés, on est préparé mentalement à ce que les choses ne se déroulent pas comme prévu. On est conditionné pour se focaliser sur la recherche de solutions. Quelle que soit leur origine professionnelle, dans leur formation, tous les astronautes sont conditionnés à résoudre des problèmes. Les astronautes sont formés à accepter que des imprévus se produisent et à rechercher des solutions.
La variété des profils et des origines dans les équipes spatiales est-elle un élément important dans leur capacité à trouver des solutions ?
C’est ce que nous enseigne la biodiversité : si le vivant n’était pas diversifié, il ne serait pas pérenne. Cela fait une quarantaine d’années que l’on a cherché à diversifier les profils des équipes spatiales pour enrichir la capacité du groupe à trouver des solutions innovantes à de nouveaux problèmes. Si vous travaillez avec des personnes qui viennent de la même école et ont le même formatage, c’est confortable, mais c’est une erreur parce que vous ne vous enrichissez pas. Vous ne développez pas votre capacité à vous adapter à des gens de cultures différentes de la vôtre et vous ne donnez pas le maximum de chance à l’équipe d’être innovante quand il faut chercher des solutions.
Pour innover, il faut pouvoir autoriser la prise de risque. Comment le faire tout en restant dans un cadre ?
Toute la difficulté de la gestion de risque consiste à savoir évaluer le risque, c’est à dire quel est le niveau de gravité d’un événement que l’on redoute et quelle est sa probabilité d’occurrence.