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ManoMano : « Il était essentiel de définir le tail spend au sein de l’entreprise  »

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Philippe Piotrowski, patron des achats indirects de ManoMano, nous décrit pour quelles raisons il a décidé de mettre sous contrôle les tail spend et pourquoi une solution de P-Card, portée par Spendesk, a été déployée. Il sera Grand Témoin de l’atelier « #Tailspend : redonner de l’autonomie aux prescripteurs, cartes d’achats, marketplaces, catalogues… », lors des HA ! Days Indirects et Sauvages des 7 et 8 octobre à Deauville.

Philippe Piotrowski - © D.R.
Philippe Piotrowski - © D.R.

Quel est le périmètre d’intervention de la direction achats indirects de ManoMano ?

Les achats indirects dans le groupe sont pilotés par un collaborateur et moi-même. Les dépenses adressées s’élèvent à plus de 100 millions d’euros. Nous avons commencé par couvrir les achats « tech » du fait de la criticité de cette catégorie pour l’entreprise. Il nous faut en effet un certain nombre de logiciels et une infrastructure digitale robuste pour faire vivre correctement notre marketplace.

Les Achats ont ensuite peu à peu étendu leur périmètre sur les catégories communication, marketing, logistique et real estate/moyens généraux, car elles sont des sources de dépenses importantes. Dans l’absolu, la tech, la logistique et les prestations de communication et de marketing représentent aujourd’hui l’immense majorité de nos dépenses annuelles.

Et que représentent les tail spend dans toute cette masse ?

Du fait d’une forte concentration, 95 % de nos dépenses sont couvertes par 100 fournisseurs. Les tail spend représentent chez ManoMano environ 5 % des dépenses. Toute dépense de moins de 100 000 euros entre dans cette catégorie.

Pour les achats dont la dépense est comprise entre 500 et 100 000 euros, nous avons mis à disposition des opérationnels ce que l’on appelle le « ManoMano Procurement toolkit ». Chaque employé du groupe qui fait des achats dispose de cette boîte à outils qui répertorie les process, la méthodologie, les bests practices et guidelines à suivre, ainsi que de nombreux conseils quant aux techniques de négociation à mettre en œuvre. L’objectif est de les aider à réaliser des actes d’achats de façon professionnelle afin de limiter les risques. Ils ne sont pour autant pas livrés à eux-mêmes. S’ils en ressentent le besoin, ils peuvent nous solliciter afin que nous les appuyions dans leur démarche.

Pour toute dépense qui ne dépasse pas 500 euros, le collaborateur engage nécessairement l’utilisation d’une carte de paiement digitale Spendesk, lesquelles sont déployées dans toutes nos implantations

Pour toute dépense qui ne dépasse pas 500 euros, le collaborateur engage nécessairement l’utilisation d’une carte de paiement digitale Spendesk, lesquelles sont déployées dans toutes nos implantations. À la suite d’une analyse Pareto, nous avions remarqué que nous comptions de nombreuses dépenses qui ne dépassaient pas ce montant auprès de plusieurs centaines de fournisseurs.

Or, le coût de processer un bon de commande ou une facture, et ce dans les règles de l’art de notre système, n’est pas négligeable. Le service comptabilité n’était plus en mesure de suivre la dynamique et il nous fallait trouver un moyen de le désengorger et de l’alléger ; sans oublier le fait que nous ne voulions pas encombrer notre base fournisseurs. C’est donc pourquoi nous avons défini ce seuil.

Quand avez-vous décidé de mettre ce sujet sur la table et pourquoi l’avoir mis à l’ordre du jour de la direction achats indirects ?

il était essentiel de définir le tail spend au sein de l’entreprise ; d’identifier ce qui pouvait être considéré comme tel et, ensuite, le mettre sous contrôle le plus rapidement possible

Nous avons déployé il y a un peu plus d’un an la solution P2P de Proactis. Dans le même temps, il nous paraissait important de fluidifier nos dépenses de faible valeur. En ce sens, nous avons décidé de rendre obligatoire l’utilisation de P-cards comme le propose Spendesk pour tout achat de 500 euros. Cela pour une raison : il était essentiel de définir le tail spend au sein de l’entreprise ; d’identifier ce qui pouvait être considéré comme tel et, ensuite, le mettre sous contrôle le plus rapidement possible. La carte virtuelle Spendesk nous paraissait tout à fait adaptée, d’autant que, selon les montants dépensés, elle nous permet de définir différents niveaux d’approbation. Pour des raisons évidentes de respect budgétaire et afin d’éviter des dérapages, l’acte d’achat doit évidemment toujours être approuvé par une figure managériale.

Il n’en demeure pas moins que les opérationnels devaient gagner en autonomie et pouvoir acheter quand ils en ont besoin. Nous ne sommes que deux au sein de la direction et le groupe compte un peu plus de 1 500 fournisseurs actifs. Nous nous devons donc de prioriser ce qui doit l’être et lâcher du lest sur certaines choses qui ne revêtent que très peu d’enjeux.

Il était de ce fait vraiment impératif de fluidifier et faciliter la manière de conduire les achats de faible valeur et sans grand intérêt stratégique, d’autant que les prestations qui en découlent sont proposées par des fournisseurs et prestataires qui souhaitent le plus souvent être payés rapidement. En plus de redonner un peu d’autonomie à nos donneurs d’ordre donc, il était aussi important de gagner en fluidité avec un certain nombre de fournisseurs et prestataires à qui l’on peut faire appel de façon occasionnelle.

Qu’en est-il pour les achats qui dépassent ce montant de 100 000 euros ?

Les Achats sont mis obligatoirement dans la boucle de chaque projet de ce type. Nous conduisons toutes les manœuvres classiques de l’acte d’achat. Ce type de dépense est adressé quasi-exclusivement à nos 100 fournisseurs les plus stratégiques.

Quels avantages et opportunités tirez-vous de la mise sous contrôle de vos tail spend ?

À terme, nous souhaitons regrouper ces tail spend par catégories d’achats. Il nous faut également identifier si la dépense est effectuée auprès d’un fournisseur dit transactionnel, auprès de qui l’on achèterait qu’à une seule reprise ou alors auprès d’un fournisseur auprès de qui l’on achèterait de façon répétitive. À ce stade, nous avons par exemple identifié des axes d’optimisation sur les dépenses de team building.

C’est ainsi que nous pourrons alors engager une démarche de rationalisation et de massification et ainsi engager des négociations.

Je suis convaincu que la collaboration étroite avec plusieurs partenaires sur les catégories d’achats liées aux tails spend apportera plus de valeur que des relations transactionnelles avec des centaines de fournisseurs

Ce projet, qui avance vraiment comme nous le souhaitions, s’inscrit sur plusieurs années. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire. Je suis convaincu que la collaboration étroite avec plusieurs partenaires sur les catégories d’achats liées aux tails spend apportera plus de valeur que des relations transactionnelles avec des centaines de fournisseurs. La mise sous contrôle nous permettra de réduire les risques, dégager des savings et également adresser des problématiques RSE, ce qui est impossible à faire de facon individuelle avec chacun des fournisseurs « spot ».

Qu’attendiez-vous d’une solution de gestion de tail spend ?

L’un des critères de choix les plus importants était relatif à la simplicité d’utilisation. Et déployer un outil de paiement de ce type répondait parfaitement à ce besoin, car il permet d’améliorer grandement la réactivité de nos achats de faible montant et complète convenablement notre environnement administratif.

Comptez-vous en déployer d’autres ?

C’est une question que nous nous posons et que nous envisageons pour l’année 2025. Nous avons d’ores et déjà déployé une solution de tracking de nos achats de software, cela parce que certains fournisseurs n’acceptent que la carte bancaire.

Il n’est pas impossible que nous déployions prochainement au sein de notre outil des catalogues fournisseurs interne, punch out ou encore via la marketplace Proactis. Rien n’est encore acté pour le moment mais le déploiement du P2P et de la politique de NO PO, NO PAY nous aidera à coup sûr à identifier les catégories d’achats sur lesquelles travailler.

À mon sens, l’utilisation de petits agrégateurs se prête aussi parfaitement à certains de nos besoins en matière de gestion des achats de petits matériels. Le tout étant que pour nos achats les plus répétitifs auprès de petits fournisseurs, il nous faudra les cataloguer pour mieux les massifier.

Le changement a-t-il apporté son lot d’inquiétudes ?

Il en apporte toujours, forcément. Imposer des restrictions, si tant est qu’elles le sont, inquiète. Néanmoins, le fait que la solution soit facile à déployer, simple d’utilisation et à administrer a été un atout. Le changement s’est finalement opéré de façon assez naturelle et a été bien accepté.

En outre, l’équipe Finance nous a accompagné tout du long sur ce projet pour limiter les résistances. Ils ont conduit le déploiement de la solution de P-Card et proposé diverses sessions de formations. Ils ont proposé également des toolkit et organisé des FAQ pour aider les collaborateurs à s’imprégner de cette nouvelle façon de faire.

Qu’espérez-vous d’autre en mettant sous contrôle vos tail spend ?

Dépolluer, si je puis dire, notre base fournisseurs est un objectif. Nous comptons, à mon sens, beaucoup trop de fournisseurs. Nous estimons, par observation, que notre base ne devrait pas en compter plus de 1 000 pour la maintenir à jour de façon qualitative sans faire exploser les coûts d’administration. Ne pas passer par l’étape d’émission de bons de commande nous permet déjà de ne plus encombrer la base. Et c’est déjà une victoire.

Nous avons bien entendu d’autres objectifs : recueillir davantage de données et déployer des stratégies achats sur la base du panel existant

Nous avons bien entendu d’autres objectifs : recueillir davantage de données et déployer des stratégies achats sur la base du panel existant. D’autre part, en plus de massifier nos petites dépenses redondantes sur les fournisseurs référencés, nous voulons comme je vous le disais fluidifier nos relations avec eux. Et cela passe par le fait de leur assurer les meilleures conditions de paiement. L’objectif reste de le payer dans les meilleurs délais. Il ne faut pas omettre que certains ne sont pas rompus à l’exercice du purchase order ainsi qu’à tout l’administratif lié, et il faut les aider.

Quels conseils donneriez-vous à l’un de vos pairs qui souhaiterait s’emparer du sujet ?

Le sujet est complexe et doit être appréhendé différemment selon la structure dans laquelle on se trouve. Les enjeux ne sont pas les mêmes. Il me paraît important d’identifier et de déterminer en amont ce que l’on considère être des tail spend. C’est ainsi que l’on peut mettre en place une méthode rigoureuse pour les cadrer et faire converger les petites dépenses vers la massification. S’éparpiller sur de trop nombreuses relations fournisseurs n’est en rien souhaitable et reste énergivore. Le plus important est d’éviter de multiplier les dépenses et de se disperser.

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