BoostAeroSpace : « Tout le monde a conscience de l’interdépendance de toute la filière »
Benoit Molard, CEO de la plateforme BoostAeroSpace, explique comment toute la filière aéronautique a fait progresser les relations clients fournisseurs en développant des outils communs, à l’initiative d’Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales. Il sera grand témoin du dîner du Club Planète Sourcing du 13 mars à Paris sur le thème : « Entreprise étendue : comment faire de vos fournisseurs stratégiques des partenaires ? »

Comment la société BoostAeroSpace est-elle née ?
BoostAeroSpace a été créée par Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales sur l’idée de moderniser et de digitaliser la Supply Chain aéronautique, spatial et défense en assurant une continuité numérique entre OEM et fournisseurs sur les grands services de coopération, en conception, ou encore dans le procurement. Nous ambitionnions en particulier, numériser les flux de commandes en créant un portail fournisseur unique.
Cette digitalisation a apporté de la standardisation et de la compétitivité pour tout le monde
BoostAeroSpace est né en 2008, à un moment où - face aux montées en cadence - la nécessité de se doter d’un outil digital s’est imposée pour gagner en rapidité et en fiabilité dans les échanges. Les acteurs de BoostAeroSpace avaient déjà abordé cette question à travers des initiatives individuelles et ont décidé de mettre leur force en commun. Cette digitalisation a apporté de la standardisation et de la compétitivité pour tout le monde et a permis d’accélérer la mise à jour des besoins et des capacités de livraison des fournisseurs.
Au-delà des quatre grands constructeurs, comment le reste de la chaîne a-t-il été associé au projet ?
Des quatre premiers partenaires initiaux, 33 grands donneurs d’ordres européens utilisent aujourd’hui ce portail fournisseur Air Supply, auquel sont connectés 10 000 fournisseurs.
La simplicité apportée par la digitalisation a été extrêmement bien perçue, ainsi que les niveaux de fiabilité et sécurité garantis
Comment cette initiative a-t-elle été perçue par les fournisseurs ?
La simplicité apportée par la digitalisation a été extrêmement bien perçue, ainsi que les niveaux de fiabilité et sécurité garantis. Le fait de donner le sentiment d’imposer un outil unique a en revanche suscité des réticences et nous a contraints à prendre des dispositions juridiques rigoureuses pour ne pas être soupçonnés de créer un monopole.
Quels sont les outils développés par BoostAeroSpace ?
L’outil d’origine est le portail fournisseur unique, AirSupply, destiné à gérer le flux opérationnel autour des commandes : commandes, plans d’approvisionnement (forecasts), qualité, facturation… Nous avons spécifié l’outil, nous animons la communauté et nous gérons les modifications produit. AirSupply est édité par la société Supply On.
Nous avons ensuite développé une solution baptisée AirConnect, commercialisée depuis trois ans, pour permettre aux fournisseurs de se connecter en EDI via AirSupply depuis leur ERP jusqu’à l’ERP du client. Cette première solution est plutôt adaptée aux PME, les sociétés de taille plus importante se connectent directement à Air Supply. Au même moment, nous avons développé AirCyber un outil pour aider les ETI et PME à monter en maturité en termes de cyberprotection.
Elle permet d’ouvrir un espace de collaboration au sein de ces flux numériques
Qu’est-ce que l’initiative BoostAeroSpace a changé aux relations clients fournisseurs ?
Cela a standardisé les process achats opérationnels entre les différents donneurs d’ordres. Chacun avait son histoire et sa manière de gérer ses fournisseurs. Le fait de créer un portail fournisseur commun et d’avoir une seule approche de la gestion des commandes, a aligné les donneurs d’ordres et les fournisseurs. Opérationnellement, cela a permis à tout le monde d’avoir une vision concrète sur la réalité des forecasts, au-delà des grandes annonces. Enfin, elle permet d’ouvrir un espace de collaboration au sein de ces flux numériques.
A travers le GIFAS, nous avions déjà développé une culture de transparence sur les contraintes de chacun et de recherche d’arbitrage. Tout le monde a conscience de l’interdépendance de toute la filière, des plus grands aux plus petits. Cela se traduit dans nos outils. Il est notable que des sociétés concurrentes comme peuvent l’être Airbus et Dassault Aviation sur les avions de combat ou encore Thales et Safran, aient créé et financé ensemble une société à but non lucratif pour le bien collectif.
Comment le tissu des fournisseurs de l’aéronautique a-t-il évolué ces dix dernières années ?
La filière aéronautique souhaitait que des acteurs plus importants se développent entre les grands donneurs d’ordres et le tissu de PME avec lesquels ces grands groupes avaient tendance à être en relation directe. La mobilisation du fonds Aerofund a permis de restructurer la supply chain, de faire monter en compétences le tissu industriel et de susciter des regroupements. Ces ETI intermédiaires qui sont désormais une vingtaine en France travaillent pour leur part avec des PME. En deçà, toute la filière travaille avec de très grands groupes internationaux producteurs de composants et de matières premières envers lesquels tous n’ont pas suffisamment de pouvoir de négociation. Les difficultés d’accès aux ressources lors du CoViD, suivi par une forte inflation, ont incité toute la filière à retravailler sur ce point.
Quels sont les autres initiatives au sein de la filière qui vont dans le sens collectif ?
L’association SPACE Aero a été créée pour aider les fournisseurs à monter en capacité et être plus efficaces, en travaillant notamment sur le Lean et la performance industrielle. Le programme Aeroexcellence a ainsi été lancé avec le GIFAS. Les PME en particulier bénéficient de cet outil pour avoir accès à des diagnostics, des consultants, des formations à des tarifs préférentiels et peuvent s’appuyer sur une communauté qui partage les bonnes pratiques.
Nos outils communs ont aidé à opérer ce redimensionnement rapidement
Ces initiatives ont-elles démontré leur efficacité dans les moments de crise ?
Cette culture a fait ses preuves dans la période CoViD, à travers trois types de mesures. Ainsi, alors que très peu d’avions volaient, tout le monde a conservé de l’activité pour être capable d’être au rendez-vous quand les commandes repartiraient. En conséquence, toute la filière a également accepté de se redimensionner autour de ce nouveau flux d’activité. Nos outils communs ont aidé à opérer ce redimensionnement rapidement. Enfin tous les acteurs ont accepté d’investir pour être plus efficaces lorsque l’activité reprendrait.
Avez-vous des projets de développement de nouveaux outils ?
Jusqu’ici, nous avons numérisé des activités transactionnelles mais, aujourd’hui il nous reste à traiter les sujets de la donnée et des opportunités qu’elles représentent pour toute la filière, ainsi que l’IA. Nous voulons passer au travail sur la donnée et à l’exploitation du potentiel de l’IA. Nous ambitionnons de créer un data space. Ce qui pose la question de l’évolution et de la modernisation de nos outils actuels qui produisent eux-mêmes de la donnée.