Renault : « Nous devons être à la fois plus compétitifs et plus agiles »
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier Spécial HA Indirects - Grands groupes, ETI et startups ne laissent plus rien au hasard
Claire Romain, directrice achats indirects de Renault depuis avril 2024, décrit sa feuille de route dont l’ambition consiste à faire participer les achats indirects au plan de « RENAULUTION » au même titre que les achats directs. Elle sera Grand Témoin lors des HA ! Days indirects des 7 et 8 octobre à Deauville, sur le thème : « crises : bien acheter dans un monde à risques ».
Quel est le périmètre de la direction achats indirects dont vous avez pris la tête en avril dernier ?
Les achats indirects de Renault représentent tout ce qui n’est pas acheté dans le véhicule. Nous couvrons le marketing, l’IT, les services généraux, les services d’ingénierie, les services RH, ainsi que la supply chain, l’énergie, les biens d’équipement et tous les investissements capex nécessaires à nos usines. Cela représente une masse achat d'environ 7 milliards d’euros d’achats par an gérés avec plus de 300 personnes réparties sur onze pays.
A quel stade du plan de transformation du groupe s’inscrit votre prise de poste ?
Ma feuille de route s’inscrit dans la continuité du plan stratégique de transformation « RENAULUTION » démarré en 2021. « RESURRECTION », la première phase de ce plan, dont l’objectif était de mettre Renault à un bon niveau de compétitivité, a notamment permis de générer plus de 3 milliards d’euros d’économies sur les coûts fixes. En 2023, la deuxième phase, « RENOVATION » avait pour objectif de renouveler et d’enrichir notre mix produits autour de cinq entités spécialisées et complémentaires : Horse (pour le powertrain), Ampère, Alpine, Mobilize et The Future is Neutral. La dernière phase du plan, « REVOLUTION », lancée en parallèle, dès 2023, consiste à accélérer dans un environnement concurrentiel complexe et volatile. Nous devons être à la fois plus compétitifs et plus agiles. Cela doit se traduire par une accélération de nos temps de développement et l’exploitation de nouveaux relais de croissance dans la chaîne de valeur complète de la mobilité.
Il est fondamental pour les Achats de trouver les bons partenaires, d’innover et d’accompagner nos clients internes au quotidien pour aller plus vite chaque jour
Dans ce contexte, il est donc fondamental pour les Achats de trouver les bons partenaires, d’innover et d’accompagner nos clients internes au quotidien pour aller plus vite chaque jour. Cela concerne évidemment les achats indirects au même titre que les achats directs. François Provost, le directeur achats, partenariats et affaires publiques du groupe, auquel je suis rattachée, a d’ailleurs la volonté de renforcer la dimension stratégique des achats indirects. Nous avons un rôle clé à jouer dans cette transformation de l’entreprise pour accompagner nos clients internes dans la maîtrise de leur frais fixes, dans l’accélération de leurs projets mais aussi dans notre capacité à accompagner l’innovation.
Quels sont les grands axes de votre feuille de route ?
Quatre missions sont assignées à la direction des achats indirects : améliorer la profitabilité ; répondre à la satisfaction des clients internes et à leurs nouveaux besoins ; accompagner notre transformation RSE et nos projets d’innovation ; accélérer la digitalisation des achats indirects. Pour cela nous nous appuyons sur cinq piliers : la maîtrise de la dépense ; la continuité des démarches de réduction de coûts, notamment à travers les leviers négociation et massification ; le renforcement de la relation avec nos fournisseurs en choisissant les partenaires qui vont pouvoir nous accompagner dans la durée ; un travail sur l’efficience de l’organisation, des process et des outils ; et enfin la gestion des talents.
Dans quel état d’esprit allez-vous aborder le levier réduction des coûts ?
Nous allons travailler nos coûts fixes dans un état d’esprit consistant à acheter au bon endroit, à bon escient, aux bonnes conditions, plutôt que de réduire nos coûts de façon drastique. Cela passe par un travail sur le juste besoin, sur la valeur de ce qui est acheté avec le bon partenaire. Dans les achats indirects, nous gérons aussi une part des coûts variables à travers par exemple la logistique. Là, notre objectif est clair : revenir sur les conditions d’achats pré-crise inflationniste.
Que voulez-vous faire évoluer dans la relation de l’équipe achats indirects aux clients internes ?
Nous voulons être en mesure de co-construire avec eux, de renforcer notre position dans la stratégie de nos métiers pour répondre mieux à leurs besoins, d’accompagner le développement de nouveaux business avec des propositions opérationnelles et commerciales disruptives. Pour intervenir de façon stratégique et pas seulement en mode support, nous devons proposer une expertise dans leur domaine. Pour cela, nous devons adopter une vision à 360° incluant les fournisseurs, d’autres secteurs d’activité, d’autres géographies. Nous venons d’ailleurs de mener une enquête de satisfaction auprès de nos clients internes pour comprendre nos forces et nos faiblesses et ceux sur quoi ils nous attendent.
L’innovation venant de nos fournisseurs d’achats indirects, quelles que soient les catégories d’achats, contribuera aussi à accroître notre productivité et notre agilité
Comment associez-vous les objectifs RSE et innovation ?
C’est un pilier clé, en particulier la phase « REVOLUTION » du plan de transformation marquée par la création de The Future is Neutral et une recherche d’innovation. Nous devons donc combiner recherche de décarbonation et de compétitivité. Pour progresser dans notre recherche d’innovation, nous devons être plus ouverts sur l’extérieur mais aussi co-construire, co-innover avec nos fournisseurs. J’invite les acheteurs à travailler leur base fournisseur afin de leur permettre d’être éligibles à des POC, comme le sont nos fournisseurs d’achats directs. L’innovation venant de nos fournisseurs d’achats indirects, quelles que soient les catégories d’achats, contribuera aussi à accroître notre productivité et notre agilité dans cette phase de rénovation.
Que contient votre projet de digitalisation des achats indirects ?
Nous implémentons la suite Source to Pay d’Ivalua avec une mise en production de notre MVP depuis juillet. Là encore, l’objectif consiste à mieux contrôler nos dépenses, aller plus vite et faire en sorte que les équipes achats gagnent en efficacité. Nous l’avons ouvert à 1 200 fournisseurs en France avec l’ambition de déployer cet outil dans tous les pays entre 2025 et 2026.
C’est aussi en ayant une relation de proximité plus forte avec un nombre restreint de fournisseurs que nous serons plus à même de les connaître et d’anticiper d’éventuels risques
Comment la gestion des risques, dont nous débattrons ensemble lors de nos HA ! Days indirects s’inscrit-elle dans vos objectifs ?
Mieux piloter nos fournisseurs, notamment sous l’angle de la conformité, est un des attendus de notre nouvel outil S2P. Nous intégrons aussi la gestion du risque dans l’axe renforcement de la relation avec nos fournisseurs. Nous ferons systématiquement des analyses de risques dans nos business reviews. Nous pouvons mettre en place des outils pour faire de la veille automatique sur les risques fournisseurs, mais c’est aussi en ayant une relation de proximité plus forte avec un nombre restreint de fournisseurs que nous serons plus à même de les connaître et d’anticiper d’éventuels risques. Travailler avec des partenaires de long terme dont nous visitons les sites et sur lesquels nous avons des reportings réguliers permet de sécuriser la relation. Pour limiter les risques, il faut s’assurer que nous travaillons avec des fournisseurs dont la stratégie est alignée avec la nôtre.