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Club Planète Sourcing : refonder la relation fournisseur dans un monde d’interdépendances


« Comment faire de ses fournisseurs stratégiques des partenaires ? », c’était le thème du dernier du Club Planète Sourcing et une question à laquelle a répondu par l’exemple le directeur général de Boost Areospace, plateforme commune à une trentaine d’acteurs de l’aéronautique. Une vingtaine de directeurs achats issus de secteurs variés - agroalimentaire, restauration, énergie, assurances, logistique… - ont également illustré leurs relations d’interdépendance avec leurs propres fournisseurs.

Club Planète Sourcing : refonder la relation fournisseur dans un monde d’interdépendances
Club Planète Sourcing : refonder la relation fournisseur dans un monde d’interdépendances

S’il est une filière pour qui la compréhension des mécanismes d’interdépendance entre clients et fournisseurs est une évidence, c’est bien la filière aéronautique. Les grands avionneurs ont pris l’habitude de s’organiser pour faire le dos rond lors collectivement et serrer au maximum les coudes avec leurs fournisseurs lors des trous d’air, de sorte qu’ils soient capables de saisir les opportunités lorsque l’activité redémarre. C’est de cela qu’est venu témoigner Benoit Molard, le directeur général de Boost Aerospoace, lors du dîner du Club Planète Sourcing du 13 mars, en rappelant le parcours de Boost Aerospace.

Notre solution va désormais de la collaboration client fournisseur en phase d’industrialisation des nouveaux produits jusqu’à la facturation

Cette entreprise à but non lucratif financée par sa trentaine de partenaires, unis derrière les quatre fondateurs - Safran, Thales, Airbus et Dassault Aviation - a été créée en 2008 dans l’objectif d’aider l’ensemble de la filière à digitaliser ses transactions et de permettre aux fournisseurs de disposer d’un canal unique de communication avec leurs donneurs d’ordres. « Nous avons créé une plateforme pour digitaliser les commandes entre les clients et les fournisseurs dont les fonctionnalités ont augmenté au fil des années. Notre solution va désormais de la collaboration client fournisseur en phase d’industrialisation des nouveaux produits jusqu’à la facturation », explique Benoit Molard.

Nous n’avons d’autre choix que d’organiser une forme de coopération construite autour d’intérêts communs, du business de la transparence et une convergence stratégique

Pour le président du Club Planète Sourcing et directeur achats groupe de Sodiaal, Yasser Balawi créer une situation de coopération avec ses fournisseurs est devenue une nécessité guider tant par la sécurisation à long terme de la chaine d’approvisionnement que par la recherche d’innovation. « Si nous voulons développer, sécuriser et assurer une croissance et une pérennité de l’activité, nous n’avons d’autre choix que d’organiser une forme de coopération construite autour d’intérêts communs, du business de la transparence et une convergence stratégique », rappelle-t-il.

Selon les secteurs d’activité, la démarche est plus ou moins évidente à mettre en œuvre et le marché fournisseurs n’est pas nécessairement prêt à monter sur un tel niveau de relations. Ainsi, évoluant dans un marché très volatile pour ses achats directs, un directeur achats tente avec beaucoup de difficulté d’apporter plus de formalisme et de contractualisation long terme à ses relations fournisseurs. Mais il a su chercher les bons interlocuteurs, produits par produits, susceptibles de fédérer ses fournisseurs afin de trouver une oreille attentive à ses arguments.

Nous avons tous de gros enjeux de captation et d’alignement de la data avec nos fournisseurs et c’est au fond un investissement

Alors que la réglementation, notamment en termes de RSE lui impose de collecter de plus en plus d’informations auprès de ses fournisseurs, il avoue son intérêt pour la démarche de Boost Aerospace. « Si l’on considère la CSRD, nous avons tous de gros enjeux de captation et d’alignement de la data avec nos fournisseurs et c’est au fond un investissement », relève-t-il. Un investissement qu’il pourrait en effet être conçu collectivement comme l’a fait la filière aéronautique.

Nous avons travaillé à livre ouvert de manière à décomposer le prix de l’ensemble de nos matériels

Le directeur achats d’un grand groupe énergéticien rappelle pour sa part comment il s’est saisi de la période inflationniste pour instaurer une relation plus transparente avec ses fournisseurs afin d’arriver à plus d’équité dans les prix. « Nous avons travaillé à livre ouvert de manière à décomposer le prix de l’ensemble de nos matériels pour évaluer la part de la matière première qui rentrait dans la composition de chacun de nos matériels », raconte-t-il, expliquant avoir abouti à une couverture indicielle à 60 % dans les contrats qui permet de répercuter à la hausse à la baisse les variations de prix des matières premières. Cette démarche lui a non seulement permis de gagner en transparence dans ses relations avec ses fournisseurs, mais aussi de détecter les nouveaux entrants susceptibles de faire du dumping.

La directrice achats d’un grand groupe d’assurances a, quant à elle, extrait les achats locaux de sa recherche de synergies pour préserver son indispensable tissu de prestataires de services aux assurés tels que les garages ou encore les experts.

Nous les aidons aussi à se structurer, à faire de la qualité et à bien gérer

Le directeur des achats d’un spécialiste de la livraison dernier kilomètre a la même approche et va jusqu’à soutenir l’électrification de leurs flottes en leur offrant de l’électricité ou en soutenant leur crédibilité vis-à-vis des financeurs. « Nous les aidons aussi à se structurer, à faire de la qualité et à bien gérer », ajoute-t-il. Reste à se prémunir des situations de dépendance en limitant à 40 % de leur chiffre d’affaires.

« Aujourd’hui, les fournisseurs choisissent leur client. C’est à l’acheteur d’être attractif, de développer un discours sur le positionnement stratégique de son entreprise, d’être capable d’expliquer en quoi il est différent d’un autre client et de construire dans la durée une gouvernance créatrice de valeur avec son écosystème », complète Yasser Balawi.

Nous gagnons beaucoup plus en valeur par ce type de démarche que par la simple négociation commerciale

Pour le directeur achats d’un grand groupe industriel dans un secteur particulièrement réglementé, il ne s’agit pas seulement d’être le client préférentiel de ses fournisseurs stratégiques mais aussi de les inviter à rechercher de nouveaux leviers de performance dans le cadre d’une collaboration constructive. Cet industriel n’a pas hésité à convier ses fournisseurs à des ateliers pour qu’ils lui fassent des propositions de simplification de ses designs ou encore de ses process industriels ou contractuels. « Nous gagnons beaucoup plus en valeur par ce type de démarche que par la simple négociation commerciale », reconnait ce directeur achats.