Club Planète Sourcing : la tension sur talents fragilise les organisations Achats
Par Guillaume Trecan | Le | Rh ha
Lors du dîner du Club Planète Sourcing du mardi 28 mai, le témoignage de la directrice achats du groupe La Poste, Laurence Laroche sur le thème « comment faire face à la pénurie de talents aux Achats » a libéré la parole : plus attractifs, les acheteurs sont aussi plus volatiles ce qui complique grandement le management des organisations achats.
Avant même de se poser la question de la pénurie de talents dans leurs équipes, la vingtaine de directeurs et directrices achats réunis autour du témoignage de leur consœur du groupe La Poste Laurence Laroche ont tous constaté l’attractivité en hausse des profils d’acheteurs, qui les rend très mobile, lors du Club Planète Sourcing du mardi 28 mai.
« Nous voyons des personnes d’autres fonctions qui passent par les Achats parce qu’ils considèrent les Achats comme une fonction sur-apprenante, au moins sur deux sujets, l’aspect juridique et contractuel et l’aspect gestion du risque », explique le président du Club Planète Sourcing, le directeur des achats du groupe Sodiaal, Yasser Balawi, qui vient de recruter une opérationnelle du Marketing pour les achats marketing communication. Un de ses confrères confirme la tendance, constatant lui-même le débauchage de ses acheteurs IT par la DSI.
Les organisations sont de plus en plus horizontales et la capacité des acheteurs à engager des personnes qui ne sont pas dans la structure est un talent rare
Au-delà de leur compétences dures, ce sont les compétences comportementales des acheteurs qui en font des perles rares et notamment leur capacité à travailler en réseau. « Les acheteurs sont des chefs de projets. Les organisations sont de plus en plus horizontales et la capacité des acheteurs à engager des personnes qui ne sont pas dans la structure est un talent rare », estime Vincent de Poret responsables business development EMEA du sponsor du Club Planète Sourcing, SAP Ariba.
Nous avons beaucoup travaillé à défragiliser ce type de problématiques en ayant plus de polyvalence entre acheteurs et en faisant bouger les gens
La capacité de mobilité que ces qualités apportent aux acheteurs, tourne parfois à de la volatilité et fragilise les organisations achats. Le dîner-débat s’anime d’ailleurs à la question « à quel niveau votre direction achats est-elle la plus à risque si l’un de vos acheteurs vous quitte ? ». Les acheteurs IT, transport, énergie sont les plus cités mais aussi des acheteurs en poste depuis de longues années, grands et uniques connaisseurs d’un process particulier, d’un outil ou de l’historique d’un sujet pointu. « Nous avons beaucoup travaillé à défragiliser ce type de problématiques en ayant plus de polyvalence entre acheteurs et en faisant bouger les gens », se félicite pour sa part Laurence Laroche.
Yasser Balawi remarque de son côté que cette fragilité peut être liée à un problème de strcturation de l’organisation achats. « Moins l’entreprise est équipée en SI, plus le niveau de dépendance et de fragilité est important », estime-t-il. De fait le responsable SI achat est un pilier indispensable de tous les convives du débat.
Les organisation achats sont fragilisées par leur dépendance à certains profils, mais tous conviennent qu’elles sont loin d’être les seules. Si les acheteurs IT sont une ressource rare, que dire alors de la difficulté que rencontrent à beaucoup plus grande échelle les DSI ? Au-delà du sujet de la pénurie ou non des ressources, plusieurs directeurs achats veulent poser la question de leur capacité à répondre aux défis de l’attraction et de la rétention des talents.
Aujourd’hui, un acheteur qui passe 12 à 18 mois sur une catégorie, cela lui paraît très long
Les absents ont toujours tort, dit-on ? En l’occurrence, c’est la direction des ressources humaines qui est mise en cause. « Il faut que les politiques RH soient plus agiles », clame les participants au débat. « Aujourd’hui, un acheteur qui passe 12 à 18 mois sur une catégorie, cela lui paraît très long, il y a dix ans si l’on passait trois ans c’était court. Il faut que les politiques RH s’adaptent à ces nouvelles générations », clame Jean-Pierre Vignes, président du cabinet Jicap, sponsor du Club Planète Sourcing.
Le rythme n’est pas assez rapide. Entre le moment où un acheteur est contacté, le moment où on lui fait passer des entretiens, le moment où on lui fait une offre, c’est trop long
Pour Laurence Laroche, il y a en effet un problème de rythme à mettre au niveau des attentes de réactivité des collaborateurs. « Le rythme n’est pas assez rapide. Entre le moment où un acheteur est contacté, le moment où on lui fait passer des entretiens, le moment où on lui fait une offre, c’est trop long. Il faut que les choses aillent plus vite sur tous les aspects », s’inquiète la directrice achats du groupe La Poste.
Reste la question incontournable de la rémunération. Peut-elle permettre d’attirer les meilleurs eet de les faire rester. Pour un des directeurs achats présents autour de la table, la chose est entendue : « un salaire ne fera jamais rester quelqu’un mais fera partir quelqu’un ». Si aucun des invités de ce dîner n’a donné de fourchette de salaire, le sujet de l’intéressement et des bonus a en revanche donné lieu à un vif débat et de nettes différences. Pour certains, la part variable de leurs acheteurs se situe entre 0 et 15 % pour un autre à 30 %, mais avec 100 % d’objectifs collectifs ; pour une troisième personne, entre 7,5 % et 15 % mais en grande majorité sur des objectifs individuels.
Bien sûr ce levier de la rémunération ne fait pas tout. La reconnaissance passe aussi par un mode de management susceptible de permettre à chacun de s’épanouir. Un directeur achats souligne notamment ce point, qui l’incite à laisser ses acheteurs aller présenter leurs projets au comex ou aux instances directionnelles du groupe.
Il y a des programmes filière de talents, mais il faut voir comment ils sont suivis en termes de perspectives
La formation continue est aussi un outil de promotion et de fidélisation des meilleurs profils. A condition que les programmes de formation soient gérés avec constance et cohérence, comme le souligne Guillaume Geudin, directeur des pôles performance achats du cabinet de conseil en achats software et cloud Elée, lui-même passé par ce genre de programme par le passé. « Il y a des programmes filière de talents, mais il faut voir comment ils sont suivis en termes de perspectives », note-t-il.