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Club Planète Sourcing : Comment rapprocher startups / PME et directions achats ?

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Lors du dernier Club Planète Sourcing de l’année 2024, une vingtaine de directeurs et directrices achats grands groupes ont échangé sur leur manière d’appréhender leurs relations avec les startups, PME et TPE. Compte-rendu non exhaustif.

Club Planète Sourcing : Comment rapprocher startups / PME et directions achats ?
Club Planète Sourcing : Comment rapprocher startups / PME et directions achats ?

Dans un contexte économique et technologique en constante évolution, les directions achats des grandes entreprises font face à de nouvelles attentes en termes d’agilité, d’innovation, et de responsabilité sociale et environnementale. Les startups, TPE et PME possèdent souvent des solutions de niche, une capacité d’innovation et une agilité qui peuvent répondre aux besoins des grandes entreprises. Mais il existe aussi des défis à ce rapprochement.

D’un côté, les directions achats de grands groupes sont souvent structurées pour traiter avec des fournisseurs établis, avec des critères d’évaluation rigoureux et des processus d’approbation parfois longs et complexes. De l’autre côté, les petites structures doivent composer avec des ressources limitées, ce qui peut rendre difficile l’adaptation à des exigences parfois contraignantes de grands comptes.

Malgré ces obstacles, les partenariats entre grandes entreprises et startups ou PME représentent une opportunité de mutualiser des compétences, de promouvoir l’innovation, et d’accroître la compétitivité des deux parties. La question est, pour chacune des parties, de savoir comment créer un cadre d’échanges et de collaboration, capable de s’adapter aux spécificités de la structure qui lui fait face. Voilà le défi central à explorer.

Des relations à parfaire

Les directions achats sont des acteurs fondamentaux dans l’intégration des fournisseurs dans le référentiel de l’entreprise. Or, comme l’a fait remarquer Margaux Boullier, responsable communautés corporate au sein de Bpifrance Le Hub, elles sont souvent oubliées dans les discussions qui entourent les startups. « À la suite de nos nombreux échanges avec des directions de l’innovation de grandes entreprises, nous avons constaté que les directions achats manquaient aux discussions avec les startups identifiées. Elles n’étaient appelées pour venir autour de la table qu’au moment de la contractualisation ».

Voilà qui est évidemment problématique. Si les directions achats regorgent de compétences et d’expertises pour identifier les acteurs susceptibles de répondre aux besoins de leurs prescripteurs et pour structurer des partenariats solides, beaucoup ne parviennent pas (encore) à travailler et « capter » des startups dans leur giron. L’Observatoire des relations entre grands comptes et start‐ups, piloté par le Médiateur des entreprises et qui s’inscrit dans le cadre du programme « Je choisis la French Tech », a toutefois indiqué dans son premier rapport que 41 % des donneurs d’ordre qui lui ont répondu ont bénéficié́ des services des start-ups et 14 % s’apprêtent à franchir le pas dans les 12 prochains mois.

En somme, la collaboration entre startups et grands comptes se démocratise. Les grandes entreprises sont de plus en plus à se laisser tenter et de moins en moins à craindre de faire appel aux services d’une startup. Mais que manque-t-il à celles qui n’ont pas encore atteint le cap ? Certains convives évoquent le manque de ressources (humaines), de temps également donc, de méthode ou alors des enjeux d’entreprise auxquels les Achats ne peuvent évidemment se soustraire.

Beaucoup autour de la table ont jugé par exemple que, parfois, les délais entre l’expérimentation et l’industrialisation sont beaucoup trop importants. « Nous avons travaillé avec la direction de l’innovation de notre entreprise pour façonner un processus achats plus souple et accessible à l’endroit des startups. Nous avons ces dernières années multiplié les initiatives avec plusieurs d’entre elles, alors que nous avons pour habitude de travailler sur avec des entreprises établies sur des contrats que l’on peut qualifier de très lourds. Il y a quelques promesses qui en sont ressorties, mais lorsqu’il faut passer à l’échelle après le POC, certaines ont calé malheureusement », a exposé l’une des convives.

Assouplir ses process pour travailler avec des structures encore en construction, accepter le risque sans se renier

Réconcilier directions achats des grands groupes français et startups les plus créatives du territoire, apporter de la diversité au panel fournisseurs de ces mêmes grandes entreprises, voilà les missions que s’est fixées Bpifrance Le Hub en imaginant le programme DAPI (directions achats pour l’innovation). L’objectif : leur apporter des méthodes et outils pour mieux intégrer ces jeunes structures en pleine construction. Un changement culturel sur tous les plans, puisqu’il s’agit de faire de la fonction achats un acteur engagé de l’innovation, aidant l’entreprise à gagner des points de compétitivité pour qu’elle s’intègre sur son marché à long terme.

Pour que les directions achats accompagnent l’innovation, il nous faut accompagner leur montée en puissance sur les enjeux d’achats d’innovation, peu importe le fournisseur. C’est une nécessité

Mais les startups ne sont pas les seules structures à ne pas être toujours très bien « interceptées » par certaines directions achats de grands groupes. Si les PME représentent parfois l’immense majorité de la base fournisseurs d’entreprises, beaucoup d’autres ne les sollicitent pas alors qu’elles pourraient leur apporter de la valeur ajoutée. « Pour que les directions achats accompagnent l’innovation, il nous faut accompagner leur montée en puissance sur les enjeux d’achats d’innovation, peu importe le fournisseur. C’est une nécessité », a soutenu Margaux Boullier.

Pourquoi donc ? Un manque d’adaptation et de souplesse dans les processus achats sans doute, des critères de sélection qui ne les favorisent pas toujours, l’absence de programmes d’incubation et d’accompagnement … Comme il l’a expliqué dans nos colonnes et lors de ce débat sur lequel il intervenait, Aziz Senni, président de l’association Quartiers d’affaires, organisateur du Forum économique des banlieues, le « Davos des banlieues », les PME, notamment celles situées dans les quartiers prioritaires de la ville, « doivent chercher le business beaucoup plus que les autres ». Ces entreprises, qu’il nomme « Griffon » (en référence à la mythologie grecque et égyptienne », œuvrent pourtant dans des secteurs clés : transport, BTP, services à la personne, l’IT … « Elles sont confrontées à des problématiques auxquelles les autres entreprises ne sont pas confrontées », regrette-t-il.

C’est finalement dans leur manière de démarcher qu’elles se révèlent particulièrement agiles et innovantes, quand bien même leur produit ou leur service ne l’est pas forcément car déjà existants. Mais s’il ne l’est pas toujours, il est plus qu’essentiel pour assurer la bonne santé économique du territoire en général. Le « réflexe startup et PME », n’est pas encore systématique, mais avec l’audace de prestataires imaginatifs, il tend à se développer au sein des grandes entreprises. Aux directions achats des grandes entreprises maintenant de collaborer davantage avec elles et les invités sont d’ailleurs unanimes : leur entreprise doit sauter le pas.

Quand on s’intéresse à la situation financière de certaines startups, des réticences peuvent voir le jour de façon naturelle et logique

Dans son rapport, l’Observatoire des relations entre grands comptes et start‐up, les startups répondantes avaient pointé la longueur des délais entre la prise de contact avec un grand compte et la prise de décision, que cela concerne le secteur public (77 %) ou le secteur privé (71 %). Mais ces dernières font surtout face à des barrières à l’entrée très strictes. L’une d’elle et peut-être la plus importante rappelle un directeur achats d’une grande banque française : « le taux de dépendance ». « Quand on s’intéresse à la situation financière de certaines startups, des réticences peuvent voir le jour de façon naturelle et logique », poursuit-il. Comme toujours, en matière de risques, les directions achats ne laissent pas (ou très peu) de place au doute.

C’est évidemment dans leur ADN, mais certains autour de la table appellent à en prendre davantage, de façon contrôlée toujours. La prise de risque inhérente à l’innovation doit être selon eux en partie permise. « Selon l’importance du volume d’achat, le risque peut être pris car il est gérable », assure l’un des invités. « Il nous faudrait des process dédiés pour travailler avec davantage de startups et PME. On ne peut évidemment traiter des entreprises de ce type comme nous le faisons avec des grands fournisseurs », poursuit et clame l’un des convives, lui aussi directeur des achats groupe de son entreprise. La fonction achats doit surtout rester vigilante à ne pas mettre en danger son interlocuteur, notamment lorsqu’il vit les premières années de sa vie. Certains autour de la table rappellent l’importance d’avoir des pratiques de paiement solides et respectables. « Le risque financier peut être piloté en commençant par-là », assure l’un des directeurs achats autour de la table. Un autre affirme que le soutien des grandes entreprises, via des fonds dédiés, peut se révéler plus qu’utile pour consolider la relation avec les startups et PME.

Dépasser les préjugés et changer de culture

In fine, beaucoup de grandes entreprises très implantées dans le territoire ont veillé ces dernières années, sous l’impulsion de leur service achats notamment, à multiplier des partenariats avec des acteurs économiques locaux. Une manière de faire vivre le territoire et de s’ancrer dedans en développant diverses expérimentations avec de jeunes pousses peu connues. Mais les préjugés persistent encore et doivent être défaits. Sans quoi, il sera parfois difficile d’avancer. Toute entreprise est évidemment marquée par son territoire. Cela joue sur ses relations fournisseurs, ses relations bancaires, l’accessibilité des collaborateurs, leur visibilité … Et certains, du fait de leur localisation, en souffrent

Pour remédier à cela, l’association Quartiers d’Affaires a créé et déployé un outil construit sous la forme d’un annuaire, pensé en termes de bassin d’emploi. Quelque 250 000 entreprises y ont été référencées et les directions achats peuvent, en quelques clics seulement, identifier des acteurs susceptibles de répondre à leurs cahiers des charges. Bpifrance a également déployé un outil digital, « Le Hub Digital », qui permet aux directions achats de sourcer tout un vivier de startups. Les outils sont là, aux résultats de surgir désormais.

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