Club Planète Sourcing : IA et Achats… beaucoup de questions et pas mal d’hésitations
Par Guillaume Trecan | Le | Décisionnel
Le 16 Janvier, le Club Planète Sourcing a réuni une vingtaine de directeurs et directrices achats avec l’apport des experts Eric Decarpentries (Oalia) et Vincent Martegoutte (Axys Consultant) pour faire le point sur leur expérience déjà riche de l’IA. A ce jour, les multiples cas d’usage confirment bien d’énormes bénéfices potentiels, mais soulève également pas mal de contraintes en ce qui concerne la maîtrise de la data.
Chaque année depuis trois ans, le Club Planète Sourcing met au menu des débats de l’un de ses dîners le sujet de l’impact de l’IA sur les Achats et, chaque année, le chemin parcouru par rapport au précédent débat est énorme. Cette fois, le jeudi 16 janvier, tous les convives sont venus avec des cas d’usage, pour certains des projets à court terme, pour la plupart des outils déjà éprouvés.
Une multitude d’applications éprouvées
Citons pêle-mêle un chatbot intégré à l’outil d’e-procurement, une IA pour aider à la rédaction de cahiers des charges d’achats de prestations intellectuelles, pour capter des données non structurées dans le domaine de la RSE, pour faire du data crunching sur le web de signaux faibles avant-coureur de risques fournisseurs, une IA qui favorise l’expression de besoin par les métiers, une IA appliquée à l’analyse de données, au sourcing de nouveaux fournisseurs, à la rédaction de documents accompagnant un cahier des charges…
Un ROI à trouver
Mais, ne nous y trompons pas, cette profusion d’exemples ne signifie pas pour autant que les directions achats sont en avance ou convaincues. L’heure est encore aux tests, aux hésitations, voire aux renoncements, notamment pour des questions budgétaires. Un directeur achats explique ainsi ne pas avoir donné suite à l’essai d’une IA destinée à enrichir les informations RSE sur ses fournisseurs face aux coûts - lors de la transformation de l’essai à grande échelle - du développement du prompt et du travail sur la donnée, pas assez structurée.
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Je suis à la recherche d’exemples concrets que je puisse aller défendre auprès de ma direction
Au-delà de cette question du coût, le fait est que, pas plus que pour leurs outils transactionnels, les directions achats n’obtiennent facilement des budgets pour l’IA. « Je suis à la recherche d’exemples concrets que je puisse aller défendre auprès de ma direction qui est assez concrète sur ces sujets », confirme un directeur achats.
Comme dans tout cycle de vie, il y a les pionniers, des gens qui tentent, ceux qui attendent de voir si ça marche et il y a encore beaucoup de frileux
Vincent Martegoutte, associé du cabinet Axys Consultant, co-sponsor de la soirée, confirme l’engouement modérée de ses clients pour l’IA. « Il y a énormément d’expérimentations. Comme dans tout cycle de vie, il y a les pionniers, des gens qui tentent, ceux qui attendent de voir si ça marche et il y a encore beaucoup de frileux », constate-t-il.
Dans un de nos appels d’offres, certains de nos fournisseurs ont utilisé l’IA générative pour rédiger leur réponse
Une déferlante inévitable
Pourtant tout le monde comprend que la vague déferle et qu’il vaut mieux la surfer qu’attendre qu’elle casse. L’IA est déjà partout pour le meilleur et pour le pire. « Quand nous avons fait de l’IA un projet d’entreprise au niveau du comité de direction, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de salariés l’utilisaient déjà », note un directeur achats. « Dans un de nos appels d’offres, certains de nos fournisseurs ont utilisé l’IA générative pour rédiger leur réponse », raconte ainsi une directrice achats mi amusée mi consternée qui concède toute de même : « Ne pas y aller c’est une façon de prendre du retard sur tous les autres ».
Vous ne pouvez pas faire d’IA sans stratégie parce que cela implique plein de sujets qu’il faut équilibrer
Y aller, bien sûr mais en conscience, conseille le PDG de l’éditeur Oalia, Eric Decarpentries. « Vous ne pouvez pas faire d’IA sans stratégie parce que cela implique plein de sujets qu’il faut équilibrer : les risques, les bénéfices, les coûts, l’architecture, la souveraineté… », liste le fondateur d’Oalia, ingénieur de formation, convaincu de l’intérêt de l’IA mais résolu à garder la tête froide.
Eric Decarpentrie propose une première approche au ROI évident : « Une stratégie consiste à dire : débarrassons les acheteurs, mais aussi les fournisseurs, de tâches laborieuses pour qu’ils aient du temps pour analyser les offres. »
La problématique de risque semble majeure dans l’usage de ces outils d’IA
Mesurer les risques et investir dans la data
Deux sujets clés, en particulier doivent être abordés avec attention : la data et les risques. « La problématique de risque semble majeure dans l’usage de ces outils d’IA », déclare, quelque peu refroidi, un directeur achats après une heure de débat à l’écoute de ses pairs. Le fait est que la France et l’Europe ont pris un retard considérable, notamment sur les géants américains en la matière et que la souveraineté des données confiées à l’IA est problématique.
Si l’on ne met pas de données disponibles, on ne profite pas de la puissance de l’IA
« Nous n’avons pas tant de données sensibles que cela », tente de rassurer le directeur des achats d’un grand groupe du BtoC qui utilise de longue date l’IA sur son CRM. « Si l’on ne met pas de données disponibles, on ne profite pas de la puissance de l’IA », rappelle-t-il.
Le même témoin pointe l’investissement nécessaire dans le travail sur la data. « Quand l’IA travaille sur des données structurées, préparées, le taux de fiabilité des réponses se situe entre 80 % et 85 %. Mais si les données ne sont pas organisées, on constate des divergences sur les réponses », met-il en garde.
Une de ses homologues directrice achats abonde dans son sens. « On parle de l’IA qui est la face visible, mais, derrière, le sujet c’est celui de la data », insiste-t-elle en pointant un nécessaire investissement, notamment dans les compétences. « L’IA permettra d’abord de gagner du temps, mais très vite, ensuite, il va falloir qualifier de la data », conclut-elle.