TotalEnergies : « La transformation de la compagnie est massive et se fait à l’échelle industrielle »
Par Guillaume Trecan | Le | Environnement
Cet article est référencé dans notre dossier : Économie circulaire, décarbonation & risques ... Ou quand acheter de façon responsable fait sens
Grand Témoin des HA Days Responsables des 7 et 8 mars 2024, Stéphane Cambier, le directeur des achats groupe de TotalEnergies, détaille sa feuille de route achats responsables qui accompagne le repositionnement du groupe sur les énergies renouvelables. Elle repose sur quatre piliers : réduction des émissions carbone, bien-être des personnes, protection de l’environnement et partage de la valeur.
A quand remonte la structuration de la démarche achats responsables de Total Energies ?
Les principes fondamentaux des achats responsables sont présents dans notre politique achats depuis 2010 mais, en 2018, nous avons désigné une personne dédiée au pilotage de nos objectifs achats responsables. Elle a élaboré une feuille de route présentée en 2020 pour la période allant jusqu’en 2025. Cette feuille de route comprend quatre piliers : réduction des émissions carbone, bien-être des personnes, protection de l’environnement et partage de la valeur.
Nous avons à ce jour engagé 500 fournisseurs représentant plus de 70 % des émissions liées aux achats
Pouvez-vous communiquer sur quelques cibles inscrites dans ce programme ?
Nous contribuons à l’engagement du groupe de réduire de 40 % ses émissions de CO2 sur les scopes 1 et 2. Au niveau du scope 3, nous avons lancé un programme d’engagement des fournisseurs autour de la réduction de leurs émissions et avons à ce jour engagé 500 fournisseurs représentant plus de 70 % des émissions liées aux achats de biens et de services.
Sur la partie bien être des personnes, nous avons audité plus de 740 fournisseurs employant près de 200 000 personnes. Lorsque c’est nécessaire, nous accompagnons ces fournisseurs dans la mise en place de plans d’amélioration dont les résultats sont vérifiés via un deuxième audit. Ce travail a permis d’améliorer les conditions de travail de plus 60 000 travailleurs. Il s’agissait auparavant d’audits de droits humains. Depuis 2023, ils ont été élargis pour inclure les enjeux de biodiversité, pollution, climat etc…
Quels sont vos moyens de contrôle et d’audit ?
Nous allons au-delà des audits réglementaires avec des sociétés telles que SGS et Intertek, qui effectuent des audits de terrain chez nos fournisseurs. La majorité de ces audits est déléguée, mais nous nous imposons d’en conduire un minimum chaque année nous-mêmes, d’une part pour s’assurer de la qualité de ces audits et d’autre part pour qu’il n’y ait pas de déconnexion entre la réalité du terrain et les retours que nous avons de ces audits. Trois personnes au sein de l’équipe achats responsables se chargent de cette tâche. Depuis 2023, nous avons également commencé à travailler avec Ecovadis pour disposer d’audits documentaires en complément de nos audits sur site.
TotalEnergies a pris des engagements en matière de décarbonation. Comment cela se traduit-il en termes d’investissements ?
Total Energies investit entre 14 et 16 milliards d’euros par an, dont un tiers est dédié aux énergies renouvelables. Cela comprend des actifs d’énergies renouvelables tels que des fermes solaires et des éoliennes et également les nouvelles molécules bas carbones telles le Carburant aérien durable, le Biocarburant et l’hydrogène. De plus, TotalEnergies a également annoncé un investissement massif d’un milliard de dollars dédié à l’efficacité énergétique et économie d’énergie sur les deux prochaines années au périmètre monde.
Il y a quelques années, nous n’avions aucun actif renouvelable. Aujourd’hui, cela représente déjà près de 23 gigawatts dans le parc de Total Energies, soit l’équivalent de plus de quinze tranches de centrales nucléaires. L’objectif étant d’atteindre 100 gigawatts en 2030.
Il ne s’agit pas seulement d’acheter des équipements, mais c’est toute une chaine de valeur à construire
La transformation de la compagnie est massive et se fait à l’échelle industrielle. Il ne s’agit donc pas seulement d’acheter des équipements, mais c’est toute une chaine de valeur à construire, incluant de nouveaux fournisseurs, de nouvelles technologies et d’anciens fournisseurs qui se transforment pour arriver sur ces nouveaux marchés que nous devons accompagner.
Cette transformation inclut-elle une transformation du périmètre achats et, partant, de l’organisation achats ?
Nous avons vocation à soutenir les business unit opérationnelles, nous nous adaptons donc à cette transformation. Depuis trois ans, tous les ans, nous créons de nouvelles catégories achats : équipements renouvelables (panneaux solaires, transformateurs…), Eolien offshore, nouvelles mobilités… Cela implique également l’évolution en compétence de nos collaborateurs et le recrutement de nouveaux profils.
Avez-vous des outils pour piloter votre démarche achats responsables ?
La démarche achats responsables est suivie au niveau du Codir achats mais aussi par le top management de la Compagnie. Ensuite, c’est du pilotage de projet classique et nous affichons tous ces résultats dans les publications au niveau de la compagnie dans les rapports URD et le Sustainability and Climate Report disponibles pour les actionnaires. TotalEnergies est classée dans les différents indices investisseurs, CDP, ou encore Dow Jones Sustainability Index, nous leur communiquons toutes ces informations et nous constatons une évolution de notre classement. Nous sommes passés leader sur le CDP. Cette évolution nous sert aussi de pilotage.
Le Codir du groupe et la direction financière accordent donc une attention plus importante aux Achats.
Effectivement, d’où l’importance de ces indicateurs non-financiers. Nous sommes également en train de travailler pour avoir des indicateurs le plus réalistes possibles afin de disposer d’indicateurs pilotables et mesurables.
Comment les acheteurs perçoivent-ils les tâches supplémentaires que nécessitent ces reportings ?
C’est en effet une préoccupation en interne mais aussi en externe, vis-à-vis des fournisseurs. Beaucoup de demandes se sont additionnées progressivement concernant la durabilité, le climat, la biodiversité, ou encore la cybersécurité. Cela contribue à faire remonter l’acheteur dans la chaine de valeur en élargissant son action au-delà du rôle de négociateur et du seul champ transactionnel. Il devient un acteur incontournable au niveau de la Compagnie. Cela dit, tous les acheteurs ne sont pas forcément friands de cela et nous avons un travail à faire pour qu’ils montent en compétences sur ces aspects.
Nous devons pouvoir disposer d’un système plus intégré afin de capitaliser sur les données que nous adressent les fournisseurs
Nous avons également le souci d’éviter un phénomène de mille-feuille qui impose un travail supplémentaire à nos acheteurs et nos fournisseurs. Nous devons pouvoir disposer d’un système plus intégré afin de capitaliser sur les données que nous adressent les fournisseurs ainsi que sur celles qui sont déjà disponibles en ligne. Pour cela nous avons besoin de nous appuyer sur des outils et solutions digitales robustes.
Comment abordez-vous la notion d’achats inclusifs sur l’ensemble des géographies que couvre le groupe ?
Nous avons signé en novembre le Manifeste pour une économie plus inclusive qui nous engage, de même que 29 entreprises du CAC40, à augmenter nos achats inclusifs de 30 % à l’horizon 2025. L’ensemble des achats inclusifs des entreprises de ce collectif doit ainsi atteindre 200 millions d’euros en 2025. Cette notion d’inclusivité élargit le périmètre au-delà du seul secteur du handicap sur lequel nos achats étaient jusqu’ici exclusivement orientés pour intégrer les achats auprès du secteur de l’insertion par l’activité professionnelle.
A l’international, nous abordons cette question à travers notre pilier création de valeur pour les communautés locales. Nous faisons toujours en sorte d’avoir un pourcentage de nos achats tourné vers l’économie locale, via un travail de mapping des fournisseurs locaux, pour connaître le tissu industriel local afin de pouvoir y recourir, en vue d’un bénéfice mutuel. Cela peut en effet nous prémunir contre des problématiques de rupture de chaine d’approvisionnement et cela fait participer les locaux à la création de valeur.
Pour aller plus loin sur ces questions d’amélioration de la connaissance de vos fournisseurs avez-vous tendance à élargir votre écosystème de partenaires à des acteurs tels que des ONG, voire d’autres grands industriels ?
Nous avons essayé en Asie de capitaliser sur nos audits en ayant une démarche commune avec d’autres grands industriels. Cela n’est aujourd’hui pas forcément simple. D’autres industries ont montré qu’il est possible et bénéfique de s’associer sur ces sujets, c’est pourquoi TotalEnergies participe à diverses initiatives collectives comme l’IPIECA, l’OGCI.
Nous et nos fournisseurs devons être capables de transformer en avantages compétitifs nos investissements consentis dans ce domaine
Avec qui partagez-vous le plus sur ces sujets au sein du comité de direction ?
Avec toutes les fonctions et tous les comités de direction. Nous et nos fournisseurs devons être capables de transformer en avantages compétitifs nos investissements consentis dans ce domaine et en faire un facteur différenciant. C’est nécessaire notamment pour justifier un achat chez un fournisseur qui a fait plus d’efforts qu’un autre.