Colas : « La RSE doit être concrète et s’intégrer notamment dans les Achats »
Muriel Voisin et Albane Coquelin de Lisle, respectivement directrice RSE et responsables achats et RSE du groupe Colas décryptent les ressorts de leur collaboration et détaillent leurs chantiers communs. Elles ont témoigné lors des HA ! Days - Achats responsables les 4 et 5 mars derniers sur l’atelier « #Gouvernance : la direction des achats est-elle le meilleur allié de la direction RSE ? ».

Comment la collaboration entre direction achats et direction RSE s’est-elle construite chez Colas ?
Muriel Voisin : A mon arrivée en 2020, la notion de scope 3 était moins sensible qu’aujourd’hui. Mais le directeur achats de l’époque, avait déjà réfléchi à une feuille de route achats responsables et n’avait pas encore dédié une personne sur le sujet. L’engagement achats responsables est un axe fondamental du projet plan ACT qui porte les 8 engagements RSE de Colas. J’estime particulièrement important d’intégrer la RSE dans les Achats pour impulser des actions concrètes. Le profil et l’expérience d’Albane Coquelin de Lisle, qui a pris les fonctions de responsable achats durables en 2022 avec près de sept ans de terrain dans le groupe aux Achats, est particulièrement adapté.
Albane Coquelin de Lisle : La gouvernance RSE n’existant que depuis quatre ans. Nous avons fait beaucoup en peu de temps. Mon rôle consiste à être le relais de Muriel Voisin sur tous les aspects achats et RSE et animer toute la filière achats pour intégrer les aspects RSE dans le quotidien des acheteurs. Etant convaincue de l’importance de ma mission et connaissant les difficultés de terrain, j’essaie d'amener la RSE comme un jeu plus que comme une obligation.
La RSE ne se limite pas à la décarbonation, y compris dans les Achats
L’importance prise par le scope 3 a-t-elle fait des Achats le partenaire numéro un de la RSE ?
MV : Je ne fais pas ce genre de distinction parce que je suis aussi très attachée à l’idée que la RSE ne se limite pas à la décarbonation, y compris dans les Achats. Nous avons huit engagements RSE, avec à chaque fois un pilote au niveau Comex de Colas et un pilote plus opérationnel - la fonction qu’exerce Albane pour les Achats - avec qui je travaille.
Avec les Achats nous menons par exemple en ce moment un énorme travail sur le devoir de vigilance, avec une cartographie des familles d’achats à risques. Nous déclinons, pays par pays, les cartographies des risques aussi bien sur les activités que sur la supply chain. Quand nous aurons cartographié suffisamment de pays, il faudra ensuite prioriser des actions. Nous ne voulons pas un plan d’action à une échelle trop macro parce que nous savons que les actions se déclinent sur le terrain. Nous avons ainsi défini 23 risques liés au plan de vigilance et nous déclinons les scénarios de risques en fonction des particularités de chaque pays.
ACdL : Je partage cette position au niveau des Achats où je travaille avec d’autres filières qui portent d’autres engagements, par exemple avec le réseau Santé Sécurité pour mettre en place des actions de prévention des accidents du travail avec nos sous-traitants.
Quels sont les principaux sujets inscrits sur la feuille de route des achats responsables ?
ACdL : Le principal sujet de 2025, c’est la question des droits humains, de la santé et de la sécurité. Notre dépense en France étant de 10 % des activités de sous-traitance, l’amélioration de la sécurité de sous traitants sur nos chantiers est une de nos priorités. Cela couvre par exemple nos critères de sélection en intégrant leur performance en sécurité. Aussi, Nous commençons également à réfléchir à intégrer la biodiversité dans les discussions avec nos fournisseurs pour voir comment ils peuvent mieux gérer l’impact environnemental sur leurs sites de production.
Quels sont vos instances de partage sur ces sujets ?
MV : Je peux m’appuyer sur le réseau des pilotes dont Albane fait partie, nous échangeons en permanence et nous nous réunissons trois fois par an sur les sujets transverses. Chaque pilote doit définir les standards de sa feuille de route suivis dans un outil par la direction RSE. Ils contribuent à la conception des différentes publications émanant de la direction RSE. Nous avons également un réseau d’animateurs RSE dans le monde entier.
ACdL : Pour compléter ce maillage, je dispose pour ma part de mes relais au sein de la filière achats qui, en plus de leur travail d’acheteurs endossent des missions transverses pour leurs BU sur les sujets achats responsables.
Quelles sont vos lignes hiérarchiques respectives ?
MV : Mon patron, membre du Comex de Colas, est à la tête d’une importante entité transverse, la Direction responsable et innovation qui regroupe, hormis les Achats et les RH, tout ce qui fait la mayonnaise de la RSE : en amont, avec la R&D et en aval avec les solutions du futur en matière d’innovation sur la route. La direction RSE est chef d’orchestre dans un pôle Stratégie responsable où se trouvent également les questions d’environnement et de santé sécurité.
Notre Directeur Général chez Colas nous demande d’intégrer la RSE dans les Achats, pas à n’importe quel prix, mais afin d’apporter un caractère différenciant à l’offre de Colas
Voyez-vous des contradictions entre vos priorités respectives ?
ACdL : Il y a une contradiction en apparence, dans la mesure où nous devons faire du business tout en faisant de la RSE une priorité. Mais cette contradiction est résolue par le fait que notre Directeur Général chez Colas nous demande d’intégrer la RSE dans les Achats, pas à n’importe quel prix, mais afin d’apporter un caractère différenciant à l’offre de Colas. La filière achats est d’ailleurs constituée de beaucoup de jeunes acheteurs qui ont une vision bien équilibrée entre RSE et business. Ils sont énormément sollicités pour challenger les fournisseurs afin qu’ils nous proposent des solutions innovantes avec des coûts complets inférieurs aux anciennes offres. Nos plus grandes avancées en matière de RSE viennent d’innovations.
MV : L’économie et le business sont des priorités pour toutes les entreprises, mais je ne trouve pas cela contradictoire avec la RSE. Si l’on n’intègre pas la RSE dans le business, si l’on va trop loin ou que cela coûte trop cher, ça ne marchera pas. La RSE doit être concrète et s’intégrer notamment dans les Achats.
Comment cette vision est-elle déclinée dans les incentives des acheteurs ?
ACdL : Les collaborateurs de la filière achats de Colas n’ont pas de part variable. En revanche, depuis 2024, les 300 acheteurs de Colas ont pour objectif de partager une idée bas carbone par an mise en œuvre sur un chantier. La première année de cette mesure, nous avons récolté ainsi une centaine d’idées, sachant que l’acheteur Colas n’est qu’un apporteur de solution mais nullement décisionnaire de la solution qui va être appliquée par l’exploitant.
MV : Cette mesure contribue au cercle vertueux de l’échange de bonnes pratiques entre les différents pays et les différents métiers de Colas.
Avez-vous un outil pour structurer votre collaboration ?
MV : Nous avons mis en place un outil unique pour tout le groupe et pour tous les pilotes qui permet d’avoir une vision globale à une échelle macro de ce qui se fait sur tous les sujets. Cela nous aide maintenant pour la CSRD. Reste encore à trouver les bons indicateurs spécifiques pour les achats responsables.