Bouygues Immobilier source des matériaux durables et modulables
Par Mehdi Arhab | Le | Environnement
En concluant des nouveaux partenariats stratégiques, la direction des achats de Bouygues Immobilier permet au promoteur de réinventer sa proposition de valeur, à travers une nouvelle démarche de logements plus durables, confortables et configurables baptisée « Cœur de vie ».
Alors que 98 % de son empreinte environnementale (précisément la tonne de CO2 au mètre carré de produit livré) est liée à sa production - laquelle est totalement sous-traitée, Bouygues Immobilier repense en profondeur depuis quelques années la conception de ses appartements. Cela pour les rendre plus modulables et, plus particulièrement, écoresponsables. Une réflexion qui commence peu à peu à se matérialiser sur le terrain, avec la construction de ses nouveaux habitats. Leur production sera « digitalisée et industrialisée ».
Aux côtés de la direction de l’ingénierie, de la direction du Climat et de la direction RSE, les Achats ont largement participé à cette démarche. Le sourcing s’est ainsi tourné vers des matériaux biosourcés, réutilisables ou réemployés, élaborés autour de nouveaux modes constructifs ainsi que de sources d’énergie renouvelable. Dernier atout recherché, des matériaux approvisionnés en circuits courts pour stimuler le tissu économique local.
L’immobilier et la construction sont des vecteurs importants d’émissions de gaz à effet de serre. Il est logique de mener une transformation profonde de notre business model et de reconsidérer nos opérations
Un travail collaboratif de tous les instants, destiné à proposer aux architectes de piocher des solutions sur étagère, pensées comme des « briques de Lego » et, qui plus est, plus respectueuses de l’environnement. Parmi ces solutions on retrouve par exemple : béton vert et durable, revêtements de sol recyclés, panneaux de façades, balcons…
« L’immobilier et la construction sont des vecteurs importants d’émissions de gaz à effet de serre. Il est donc logique de mener une transformation profonde de notre business model et de reconsidérer nos opérations à travers une stratégie de décarbonation sérieuse et réfléchie compte tenu de la détérioration du climat », illustre d’entrée Olivier Villard, directeur des achats groupe de Bouygues Immobilier.
Réduction de plus de 30 % de l’empreinte carbone d’ici sept ans
En ce sens, il y a quelques semaines, à l’occasion du salon de l’immobilier bas carbone, le promoteur immobilier a dévoilé quelques-uns de ses partenariats : avec le producteur de ciment zéro carbone Hoffmann Green Cement, avec Ecocem France (béton décarboné), avec Algo Paint et Unikalo (peinture biosourcée à base, respectivement, d’algues et de résine végétale), avec le géant Saint-Gobain Glass France (verre bas carbone) et avec CCB Greentech (béton de bois).
Autant de coopérations qui contribuent et contribueront à bâtir la nouvelle gamme de logement du groupe, baptisée « Cœur de vie » et qui participeront à l’atteinte de l’objectif plus global de l’entreprise, annoncé fin 2020, de réduire de 32 % ses émissions de CO2 à l’horizon 2030, versus 2020. « Nous serons en bonne position pour y parvenir et nous serons même, selon toute vraisemblance, en avance sur nos prévisions initiales à ce sujet », commente Olivier Villard.
Nous avons choisi d’en finir avec les chaudières à gaz et de se tourner vers les pompes à chaleur pour réduire encore plus sensiblement l’empreinte environnementale de nos logements
Autre nouveauté : l’installation systématique de pompes à chaleur réversibles chaud-froid dans les appartements du groupe, qui disposeront par ailleurs tous d’un balcon. En plus d’être plus économes en énergie que les chaudières à gaz, elles améliorent le confort d’hiver et d’été, permettent aussi de supprimer les radiateurs et de faciliter l’aménagement des espaces. « Nous avons choisi d’en finir avec les chaudières à gaz et de se tourner vers les pompes à chaleur pour réduire encore plus sensiblement l’empreinte environnementale de nos logements », explique Olivier Villard. Un choix parmi d’autres qui montre que le département des achats avait pris le parti de revoir son sourcing sur de nombreux corps d’états architecturaux, opérant une présélection par lots de fournisseurs potentiels sur l’ensemble du territoire français.
Un suivi rigoureux
Cela pour resserrer le tout au fur et à mesure et mener à bien des appels d’offres sur près de 60 nouveaux contrats. Une action longue, d’un peu plus d’un an, dans laquelle cinq commodity managers, dont un à temps plein, ont été impliqués ; sans oublier la vingtaine de responsables achats projets dispatchés sur les terres de France et de Navarre. Cette refonte a conséquemment poussé la direction des achats à modifier un grand nombre de ses contrats-cadres, avec l’ajout de clauses bas carbone et de critères commandant le recours à des produits recyclés, biosourcés et issus de l’économie circulaire.
Veillant à ce que ses exigences soient respectées, Bouygues Immobilier réclame des fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). Elles sont établies sous la responsabilité des fabricants du produit, qui présentent les résultats de l’analyse de cycle de vie dudit produit, ainsi que des informations sanitaires dans la perspective du calcul de la performance environnementale et sanitaire du bâtiment pour son éco-conception.
La satisfaction client à entretenir
Une approche globale volontariste et assumée, qui ne doit néanmoins pas en définitive rimer avec perte d’usage au quotidien, ni avec un surcoût excessif pour sa la future clientèle du promoteur. Le groupe table pour l’heure sur un surcoût estimé entre 5 et 7 % pour les clients finaux. Des prévisions qui ont imposé à la direction des achats de s’associer différemment à ses partenaires pour limiter les coûts et surcoûts ; afin, in fine, de favoriser l’accès à la propriété pour tous et, en premier lieu, à la population primo-accédante.
« Si les clients sont de plus en plus attentifs au thème de la décarbonation, ils sont néanmoins encore attirés par d’autres paramètres, comme la localisation du logement et son prix. Ils sont malheureusement étranglés par la hausse du foncier et la hausse des taux d’emprunt. Et si à cela nous ajoutions un coût important lié à la verdisation, nous ne pourrions pas permettre un accès juste à nos logements », rappelle Olivier Villard.
S’engager sur des volumes et jouer sur la durée des contrats sont des axes sur lesquels nous ne nous appuyions pas auparavant. Cela nous permettra de lisser les surcoûts dans le temps
Si ces hausses de prix sont induites par la valeur des produits et services achetés, elles le sont également par le contexte inflationniste et pénurique pressant. Un paramètre supplémentaire pour les Achats, qui se sont ainsi engagés à comptabiliser des volumes supplémentaires pour pouvoir absorber dans le temps les surcoûts. Une originalité, qui ne manque pas d’avantage, bien au contraire. « S’engager sur des volumes et jouer sur la durée des contrats sont des axes sur lesquels nous ne nous appuyions pas auparavant. Cela nous permettra bien entendu de lisser les surcoûts dans la durée et, surtout, de pérenniser les relations que nous entretenons avec nos partenaires », pointe le directeur des achats. En parallèle, les Achats gèrent les anciens contrats cadres liés aux opérations entamées du groupe et la frustration des fournisseurs écartés.
Un projet à valoriser
Une difficulté supplémentaire pour Olivier Villard donc, mais un passage obligatoire ; car, à ses yeux, les projets de construction bas carbone seront dans quelques années avantageux d’un point de vue financier et constitueront, inévitablement, la norme. Une conviction partagée également par l’actionnariat et le président du groupe, Bernard Mounier, ainsi que l’association de l’association BBCA, qui délivre un label du même nom - pour Bâtiment bas carbone.
« Nous voulons que le business soit équilibré et équitable pour toutes les parties prenantes. La décarbonation n’est pas neutre d’un point de vue économique ; le béton décarboné, par exemple, vaut plus cher. Nous avons donc travaillé d’arrache-pied pour que cette démarche soit la plus indolore possible économiquement. Mais à terme, il me paraît évident que les bâtiments bas carbones auront un coût optimisé », décrit Olivier Villard.
Reste désormais à Bouygues Immobilier à faire connaître davantage son action auprès du grand public. Un travail de communication impératif, pour sensibiliser le client final d’une part et le rassurer d’autre part sur la qualité des matériaux adoptés dans les logements « Cœur de vie ». Une problématique bien ciblée par Olivier Villard et la direction de Bouygues Immobilier.
« Nous anticipons un mouvement de marché, plus que nous répondons à une demande client pour le moment. S’ils sont assez sensibles et séduits par l’utilisation de peintures biosourcées et l’installation de pompes à chaleur, la décarbonation de nos opérations n’est pas encore quelque chose qui parle aux clients, note Olivier Villard. D’ailleurs, ils sont plus souvent inquiets qu’autre chose sur l’utilisation de produits recyclés dans leur logement. Le tout est maintenant de les rassurer sur la qualité de ces produits et de leur expliquer leurs avantages, tout en garantissant leur résistance. Nous allons nous y employer. »