Rhenus : « Nous voulons accompagner nos fournisseurs dans une démarche d’achats responsables »
Le | Environnement
Morgane Chalamel Morin est à la tête, depuis bientôt cinq ans, des Achats de l’entité française du spécialiste allemand de la logistique Rhenus. En binôme avec la direction RSE, elle a élaboré une charte d’achats responsables qui a été communiquée il y a quelques semaines à ses 300 principaux fournisseurs. Elle nous dresse son plan d’action et ses perspectives.
Rhenus France en chiffres
30 sites
Chiffre d’affaires : 200 M d’€
Montant des achats : 100 M d’€
Quels sont les enjeux de la charte des achats responsables que vous avez commencé à déployer et à présenter à vos principaux fournisseurs ?
Cette charte s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus globale de Rhenus France autour de la RSE. Une feuille de route a été construite l’année dernière pour l’entreprise, avec dix enjeux prioritaires, dont les gaz à effet de serre, les conditions de travail et donc les achats responsables.
L’ambition de la charte est d’avoir une base, un support pour sensibiliser et engager le maximum de nos fournisseurs
En ce qui concerne les Achats, nous avons décidé de formaliser ces engagements via une charte afin de faciliter les échanges avec nos différentes parties prenantes : les fournisseurs évidemment mais aussi nos clients et nos salariés. Nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas tout révolutionner en un claquement de doigts, l’ambition de la charte est d’avoir une base, un support pour sensibiliser et engager le maximum de nos fournisseurs avec nous sur ce projet.
Quelle est l’envergure des achats pour Rhenus France ?
Je pilote une enveloppe d’une centaine de millions d’euros d’achats, avec notamment quatre grandes catégories : l’intérim, les bâtiments et leurs équipements, les prestations externes et l’IT. En parallèle, chaque site fait ses propres achats, en fonction de la politique d’achats et des procédures que j’ai fixées pour chaque catégorie de dépenses.
Pouvez-vous décliner les grandes catégories d’engagements de cette charte ?
Il s’agit de minimiser notre impact environnemental en identifiant les activités les plus significatives. Nous souhaitons aussi promouvoir des conditions de travail équitables chez nos fournisseurs et soutenir les achats locaux et durables. Cette charte décrit avec précision les engagements attendus des fournisseurs sur les thématiques de la conformité, de l’éthique, du devoir de transparence et de vigilance, sur le traitement des données personnelles, sur le droit du travail, sur la protection de l’environnement etc.
Concrètement, comment avez-vous construit cette charge ? Quel a été le cheminement ?
Avec la direction RSE, nous avons travaillé conjointement. Nous nous sommes, dans un premier temps, fondés sur des référentiels et des outils existants, notamment la norme 20400 ou les recommandations de l’Ademe.
Dans le courant du troisième trimestre 2023, nous avons évalué les risques et les besoins par catégorie d’achats. Nous avons consulté les personnes concernées par les achats sur nos différents sites mais aussi nos principaux fournisseurs, afin de voir comment ils travaillaient, quels engagements ils avaient déjà pris, quelles étaient leurs priorités. L’idée étant de ne pas réinventer la poudre mais de partir de ce qui existait déjà pour aller encore plus loin. Nous avons ensuite établi une liste de critères que nous avons souhaité efficaces afin de noter facilement les fournisseurs. Ces critères doivent aussi permettre d’avancer par pallier.
Justement, quel est le niveau d’ambition que vous avez fixé ?
Nous avons souhaité viser des objectifs atteignables, en avançant par étape. Nous ne voulons pas aller à la confrontation avec nos partenaires actuels en leur demandant une transition trop brutale, nous préférons une exigence progressive. Nous allons donc effectuer une première évaluation de nos fournisseurs en fin d’année, en intégrant les critères de cette charte à l’évaluation globale fournisseur annuelle habituelle. Nous exigeons la transparence dans leurs pratiques, le respect des normes environnementales et sociales, ainsi qu’un engagement à améliorer continuellement leurs pratiques.
Pouvez-vous nous citer quelques exemples de critères retenus ?
Nous suivons par exemple la capacité de l’entreprise à mesurer son impact carbone et à planifier une trajectoire positive. Nous avons aussi les certifications normatives (ISO) et labels d’engagement volontaires, les taux de parité hommes/femmes, la politique QVCT, la capacité à démontrer sa méthode de protection des données etc. Pour cette année, nous sommes plutôt dans un objectif de collecte des données. Ensuite, l’idée sera d’aller vers la création d’objectifs d’amélioration.
Nous sommes conscients que la charte va venir complexifier l’évaluation et la relation avec certains fournisseurs
Nous ajusterons les rythmes si nécessaire. Si besoin, pour les fournisseurs les plus importants, le plus stratégiques, nous n’hésiterons pas à aller plus loin dans l’accompagnement. Mais malgré tout, nous sommes conscients que la charte va venir complexifier l’évaluation et la relation avec certains fournisseurs. La cellule RSE nous aidera à prioriser et à objectiver. Je pense que cela va profondément modifier notre travail d’acheteur.
Où en êtes-vous du déploiement ?
La charte a été communiquée à environ 300 de nos fournisseurs, juste avant l’été. Il s’agit des fournisseurs cadres, et principaux partenaires les plus importants. Environ la moitié d’entre eux l’a d’ores et déjà renvoyée signée. Certains, qui ont déjà des certifications et qui en ont l’habitude, l’ont fait très rapidement. Avec d’autres, c’est plus long. Il faut expliquer et rassurer.
Et pour les nouveaux fournisseurs ?
Nous intégrons progressivement la charte à nos process d’achats. Par exemple, elle est une des composantes de nos dossiers de consultations de fournisseurs, elle est aussi demandée dans les procédures de création de fournisseurs sollicitées par nos sites en local ou par les services supports.
Êtes-vous prête à payer plus cher en échange des engagements responsables de vos fournisseurs ?
Notre objectif n’est évidemment pas de mettre en difficulté nos fournisseurs. Si de manière objective, les engagements demandés engendrent des couts supplémentaires, nous étudierons cela et pourrons en discuter. Mais, bien entendu, nous vérifierons aussi ce que réussissent à faire les autres acteurs du marché.
Si nous constatons qu’un partenaire enfreint sciemment les engagements qu’il avait pris avec nous, la collaboration ne pourra pas perdurer dans le temps
Quelle suite donnerez-vous aux relations avec les fournisseurs qui seront réticents à signer cette charte ou pas au niveau demandé ?
Pour ceux qui seront en retard lors de notre évaluation annuelle, évidemment, nous ne les déréférencerons pas tout de suite, nous nous inscrirons d’abord dans une perspective, plutôt longue, de dialogue et d’accompagnement. Six mois ou un an plus tard, nous regarderons de nouveau pour valider que la trajectoire est positive. Si ce n’est pas le cas ou si nous constatons qu’un partenaire enfreint sciemment les engagements qu’il avait pris avec nous, la collaboration ne pourra pas perdurer dans le temps.