Chronique : Pas de lutte contre le dérèglement climatique sans respect des droits humains
Par Guillaume Trecan | Le | Environnement
Chaque mois, la chronique d’Elvire Régnier, co-chairwoman du chapter France de The Sustainable Procurement Pledge, décrypte l’actualité des achats responsables. Notre chroniqueuse souligne cette fois, à quel point sont liés les violations des droits humains perpétrées à l’autre bout du monde et les atteintes à l’environnement. On ne peut pas espérer lutter contre le dérèglement climatique tout en négligeant les droits humains de nos fournisseurs étrangers.
En Occident, nous avons tendance à ne pas considérer les droits humains comme une préoccupation quotidienne estimant sans doute que notre législation nous protège efficacement. Les lois du travail strictes et les régulations environnementales assurent que les entreprises opèrent de manière responsable. Les normes minimales de salaire, les horaires de travail régulés et les conditions de travail sûres sont des acquis pour la plupart des travailleurs. Cette protection légale signifie que nous vivons sans craindre que nos droits ou ceux de nos enfants soient violés.
Les conséquences très visibles de l’impact du dérèglement climatique
Nous sommes cependant exposés aux conséquences du dérèglement climatique. Bien que la France ne soit pas le pays le plus gravement touché, elle subit déjà des impacts significatifs. Par exemple, la canicule extrême de 2003 a causé la mort de près de 15 000 personnes et, depuis, les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et intenses, affectant la santé publique et l’agriculture. En 2019, plusieurs départements ont connu une sécheresse prolongée, entraînant des pertes agricoles importantes et des restrictions d’eau. Des tempêtes comme Xynthia en 2010 et Alex en 2020 ont causé des dégâts considérables sur les côtes, tandis que des inondations à Nice en 2019 ont eu des effets dévastateurs.
La montée du niveau de la mer menace les zones côtières, entraînant l’érosion et la perte de terres. L’agriculture, notamment la viticulture, est gravement affectée par les températures plus élevées et les conditions météorologiques imprévisibles. Enfin, le changement climatique menace la biodiversité, affectant des écosystèmes vulnérables comme les Alpes, les Pyrénées et les zones humides. Ces impacts soulignent l’urgence d’une action climatique renforcée et de politiques durables pour protéger les populations et les écosystèmes.
Lorsque nous achetons des produits importés selon la méthode du Low Cost Country Sourcing, nous soutenons parfois des pratiques de production qui exploitent les travailleurs
Vigilance accrue en cas de sourcing en pays à bas coûts
Lorsque nous achetons des produits importés selon la méthode du Low Cost Country Sourcing, nous soutenons parfois des pratiques de production qui exploitent les travailleurs. Par exemple, la production de vêtements dans des usines de confection en Asie du Sud-Est est fréquemment associée à des salaires extrêmement bas, des heures de travail excessives, et des conditions de travail dangereuses. Les travailleurs, souvent des femmes et des enfants, subissent des violations systématiques de leurs droits sans protection adéquate.
Ces pratiques de production irresponsables ont également des conséquences environnementales locales significatives. Les usines situées dans des pays où les régulations environnementales sont faibles ou inexistantes émettent de grandes quantités de polluants, contribuant au changement climatique. Par exemple, les teintureries textiles en Inde et en Chine déversent souvent des produits chimiques toxiques dans les cours d’eau locaux, polluant ainsi les sources d’eau potable et les écosystèmes aquatiques. De plus, le transport de ces produits sur de longues distances jusqu’aux marchés occidentaux génère des émissions de carbone élevées, exacerbant encore plus le problème climatique.
Un autre exemple concerne l’industrie électronique. Les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, tels que les smartphones et les ordinateurs, sont souvent fabriqués à partir de composants produits dans des conditions de travail abusives. Les mines de cobalt en République démocratique du Congo, par exemple, emploient souvent des enfants pour extraire ce minéral essentiel dans des conditions extrêmement dangereuses. Ce cobalt est ensuite transporté à travers le monde pour être utilisé dans la fabrication de batteries, contribuant ainsi à une empreinte carbone massive. L’exploitation des travailleurs dans ces mines et les émissions associées au transport des matériaux contribuent à un cycle néfaste pour les droits humains et l’environnement.
Exploitation intensive et risquées des ressources
L’industrie du meuble offre également un exemple pertinent. De nombreux meubles bon marché disponibles en Occident sont fabriqués en utilisant du bois provenant de forêts tropicales illégalement exploitées. Cette exploitation forestière illégale entraîne la déforestation massive, détruisant des habitats naturels et libérant de grandes quantités de carbone stocké dans les arbres. Les travailleurs de ces industries forestières sont souvent mal rémunérés et travaillent dans des conditions dangereuses. Le transport de ces meubles sur de longues distances jusqu’aux consommateurs occidentaux augmente encore l’empreinte carbone de ces produits.
De plus, la fabrication de matériaux de construction comme le ciment et l’acier, souvent importés d’Asie, a des conséquences environnementales et sociales importantes. La production de ciment, par exemple, est l’une des industries les plus émettrices de CO2. En Chine, qui produit plus de la moitié du ciment mondial, les usines fonctionnent souvent avec des normes environnementales laxistes, entraînant une pollution atmosphérique sévère et des conditions de travail dangereuses pour les ouvriers. L’acier, nécessaire pour de nombreuses constructions, est également souvent produit dans des conditions qui ne respectent pas les droits des travailleurs. Le transport de ces matériaux à travers le globe augmente encore leur impact environnemental négatif.
Chaque fois que nous achetons des produits sans vraiment nous assurer de leur origine et de leur condition de production, nous perpétuons un système qui exploite les travailleurs et nuit à l’environnement
Il est important de réaliser que chaque fois que nous achetons des produits sans vraiment nous assurer de leur origine et de leur condition de production, nous perpétuons un système qui exploite les travailleurs et nuit à l’environnement. En ne respectant pas les droits humains de nos fournisseurs, nous contribuons indirectement au dérèglement climatique. La production intensive, la pollution industrielle, et les longs trajets de transport nécessaires pour acheminer ces produits jusqu’à nous ont tous un coût environnemental élevé.
Nos stratégies d’achat ont un impact profond sur les droits humains, et donc sur la lutte contre le dérèglement climatique de nos propres régions, ne négligeons pas cet aspect important de notre devoir de diligence.
Revisualiser la dernière conférence en ligne de The Sustainable Procurement Pledge du 13 juin sur le thème des nouvelles obligations portées par la CS3D