RTE prépare ses fournisseurs pour les trente prochaines années
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français est une des clefs de la transition énergétique qui nécessitera plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements d’ici à 2050. Un programme qui va mobiliser tout son écosystème fournisseurs. Nouvel acte de la mobilisation générale le 19 janvier avec un webinaire réunissant les fournisseurs autour de membres du comex.
Dans le contexte économique actuel où la volatilité est devenue la règle, difficile pour la plupart des donneurs d’ordres de donner de la visibilité à leurs fournisseurs. Pas pour RTE, qui voit loin… très loin. En se fondant sur son étude « futurs énergétiques 2050 », le gestionnaire du réseau de transport d’électricité pronostique des achats d’investissement colossaux d’ici à 2050. L’actuel schéma de développement décennal du réseau prévoit 33 milliards d’euros d’investissements et, entre 2035 et 2050 selon les scénarios le montant d’investissements cumulés se situerait entre 45 milliards et 90 milliards d’euros.
Nous devons impérativement tenir nos programmes de capex si nous ne voulons pas être un frein dans l’accession à la neutralité carbone en 2050
D’où la nécessité de communiquer avec ses fournisseurs, ce qui était l’objet d’un webinaire organisé le 19 janvier avec présentations détaillées par le directeur des achats, Gilles Etheimer ; le directeur exécutif en charge de la direction développement et ingénierie, Khalid Abdallaoui ; son homologue pour les interconnexions et réseau en mer, Régis Boigegrain et par Laurent Martel, directeur général du pôle Finances, Achats et Risques qui prévient : « Nous devons impérativement tenir nos programmes de capex si nous ne voulons pas être un frein dans l’accession à la neutralité carbone en 2050 ».
Des réactions fournisseurs sans complaisance
Un exercice de transparence d’autant plus louable que les fournisseurs y assistant étaient invités à réagir et qu’ils l’ont fait sans complaisance. Question d’un fournisseur assistant au webinaire : « On nous promet des volumes en augmentation depuis des années, nous ne voyons pas grand-chose venir, pourquoi vous croire maintenant ? »
Une balle reprise à la volée par Gilles Etheimer, chiffres à l’appui. Les achats de RTE sont ainsi passés de 1,8 milliard d’euros en 2020 à 2,05 milliards d’euros en 2022. Dans le même laps de temps, les achats auprès des PME sont passés de 334 millions à 476 millions d’euros. Des achats qui ruissellent largement sur l’économie française puisque, au total, RTE travaille avec pas moins de 9 734 fournisseurs. Ces achats sont à 80 % des achats pour les projets d’ingénierie du groupe, mais concernent aussi des prestations intellectuelles.
Investissement en hausse dans tous les domaines
Les investissements de RTE sont en hausse dans tous les domaines : raccordement, renouvellement, développement du réseau en mer, développement de flexibilité et digitalisation. En 2023, sur les seules lignes aériennes, ces investissements s’élèvent à près de 380 millions d’euros. Concernant les liaisons souterraines, 250 millions d’euros ont été investis en 2022 et cette somme aura doublé en 2030, après un pallier de 400 millions d’euros en 2026.
« Nous savons que nous n’arriverons pas à faire cela sans sortir des schémas classiques », reconnait le directeur des achats, Gilles Etheimer, qui évoque un impératif de simplification. Cela commence par l’organisation de RTE elle-même, adaptée pour gagner en lisibilité. Deux pôles ont été créés, dédiés respectivement aux projet offshore et onshore. Une organisation qui a donné lieu à la création d’un pôle aux achats offshore et interconnexions en mer.
Une nécessaire simplification des process achats
Les processus achats vont aussi être simplifiés. « Nous devons réussir à simplifier et homogénéiser nos processus de qualification. Nous devons aussi simplifier les spécifications de nos projets. C’est quelque chose dont vous nous parlez régulièrement. Nous nous soignons, nous essayons d’aller vers des architectures standards de contrats », explique Régis Boigegrain.
Nous poussons nos équipes à se réinterroger en permanence et s’interroger sur les verrous que nous pouvons faire sauter
« Nous poussons nos équipes à se réinterroger en permanence et s’interroger sur les verrous que nous pouvons faire sauter », se défend Gilles Etheimer qui promet par exemple de travailler plus sur des spécifications fonctionnelles et moins sur des spécifications techniques.
De nouvelles opportunités pour les fournisseurs pourraient également venir d’une redéfinition de l’équilibre make or buy. « Nous allons nous appuyer sur des maîtres d’œuvre qui vont réaliser une partie du projet, ce qui permettra de décupler nos capacités », annonce ainsi le directeur achats.
Gare aux délais de paiement… et à l’inflation
Gilles Etheimer affirme aussi que ces évolutions s’accompagnent d’une attention particulière portée à la rémunération des fournisseurs. « Nous sommes prêts à vous écouter, plus particulièrement dans le cadre du renouvellement de nos marchés », explique le directeur achats, qui se satisfait tout de même du fruit des efforts de ses équipes en termes de délais de paiement, respectés à 94 %. Le développement en cours d’un portail fournisseur devrait permettre d’aller plus loin.
Ceci étant dit, les dirigeants du groupe ont tout de même tenu à mettre en garde leurs fournisseurs qui seraient tentés d’imposer des demandes d’augmentation tarifaires non justifiées. « Nous sommes sensibles aux prix, même si nous sommes un monopole public régulé. La flambée des prix à laquelle nous assistons, qui n’est parfois que partiellement justifiée par la crise des matières premières ou des transports nous pose des problèmes. Si la situation perdure, des projets seront abandonnés, d’autres voient déjà leur périmètre revu et nous serons amenés à prendre toutes les mesures à notre disposition, y compris un élargissement géographique des panels fournisseurs pour maîtriser les conséquences de cette situation », prévient le directeur général du pôle Finances, Achats et Risques, Laurent Martel.