Nexter Systems : « Nos volumes d’engagement ont été multipliés par deux entre 2017 et 2021 »
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Ghislain Passebecq, directeur des achats de Nexter Systems, expose les attentes du fabricant de véhicules blindés vis-à-vis de ses fournisseurs et notamment son souhait de travailler avec eux de manière plus intégrée, afin de répondre aux enjeux de la haute intensité, tout en restant compétitif sur des marchés export très disputé.
Quel sens avez-vous donné à la convention fournisseurs que vous avez organisée en avril dernier ?
Cet événement s’est inscrit dans un contexte de sortie de crise Covid qui a rendu plus difficiles les interactions. Il est crucial de nous assurer de l’alignement stratégique entre nos principaux fournisseurs et nos enjeux à court et long terme. Nous avons organisé cet événement à la fois en distanciel et en présentiel, ce qui nous a permis de toucher une base de fournisseurs de 400 sociétés, dont une cinquantaine physiquement présentes.
A l’occasion de cet événement, nous avons remis cinq trophées pour valoriser les fournisseurs les plus performants. En effet, nous voulions ainsi leur signifier que notre écosystème fournisseur est un des éléments clés de notre performance et de notre capacité à réaliser notre plan de croissance. On peut d’ailleurs voir la preuve de cette reconnaissance dans le rattachement, en février, de la fonction achat à la direction générale du groupe.
Partager notre vision, notre ambition, notre exigence de performance et donner à nos fournisseurs les clés pour être encore plus contributifs à notre stratégie de croissance, cela fut notre objectif et les retours que nous avons recueillis sont unanimes et nous confortent dans notre volonté.
Que représente l’écosystème fournisseurs de Nexter dans sa totalité ?
En 2021, nous avons passé plus de 900 millions d’euros d’engagements d’achats. Nous avons plus de 2 000 fournisseurs actifs dont 87 % de PME et ETI.
Nicolas Chamussy a aussi mis en avant l’évolution de notre outil industriel depuis 2017, qui va permettre de multiplier par quatre le nombre de véhicules produits annuellement
Quels ont été, en synthèse, les messages stratégiques transmis aux fournisseurs ?
Le directeur général de Nexter, Nicolas Chamussy, a fait le point sur les réussites de 2021, notamment la poursuite des livraisons à la DGA prévues dans le programme Scorpion, soit, à la date de l’événement, 350 Griffon, 20 Jaguar et les premiers Serval. Il est revenu sur la visite inédite du Premier ministre et de la ministre des Armées en février à Roanne et il a relayé auprès de nos fournisseurs les remerciements qui nous avaient alors été délivrés. Nicolas Chamussy a aussi mis en avant l’évolution de notre outil industriel depuis 2017, qui va permettre de multiplier par quatre le nombre de véhicules produits annuellement. Il a également évoqué la crise Covid et l’implication de tous nos fournisseurs pour assurer la continuité opérationnelle. Pendant cette période Covid, nous avions mis sous monitoring plus de 700 entreprises, ce qui nous a permis de passer cette période avec une base fournisseur en bonne santé. Également présent à l’événement, outre les directeurs des trois Business Units qui ont développé leurs enjeux et exigences, le responsable du commerce France et des programmes européens a quant à lui expliqué l’implication de Nexter dans ces programmes et leur potentiel pour nos fournisseurs.
Nous travaillons sur des programmes sur lesquels nous avons une visibilité au-delà de 2030
Quel niveau de visibilité pouvez-vous donner à vos fournisseurs ?
Nos volumes d’engagement ont été multipliés par deux entre 2017 et 2021 et le seront par 4 à l’horizon 2024, et nous travaillons sur des programmes sur lesquels nous avons une visibilité au-delà de 2030. Peu de sociétés offrent de telles perspectives dans l’industrie. Cela permet aux sociétés qui nous accompagnent de caler leurs investissements en conséquence.
Le contexte de pénuries sur certains composants et matières peut-il pénaliser ce ramp up ?
Cela ne freinera certainement pas notre croissance. C’est en revanche une problématique supplémentaire à intégrer dans notre stratégie achat et dans notre niveau de pilotage et de surveillance de notre écosystème. La crise Covid avait déjà mis en évidence l’importance pour les sociétés comme la nôtre de s’assurer d’une résilience suffisante de leur supply chain. La période géopolitique complexe que nous vivons actuellement remet au premier plan cette nécessité et les enjeux de souveraineté. Nous entrons dans une logique de crises successives : crises écologiques, géopolitiques, difficultés de plus en plus aigües d’accès aux ressources… Nous devons aussi nous adapter aux enjeux de la haute intensité, avec des risques de cyber-sécurité ou réputationnels de plus en plus importants.
La guerre en Ukraine implique de travailler de façon beaucoup plus intégrée à tous les niveaux de l’écosystème
Comment se traduisent, au niveau de vos Achats, ces enjeux de haute intensité que nous découvrons avec la guerre en Ukraine ?
Il y a plusieurs mois, lorsque la ministre des Armées et le chef d’état-major des Armées avaient revendiqué la nécessité pour l’armée de Terre de répondre à ces nouveaux enjeux, nous avions traduit cette révision stratégique dans notre politique d’achat. La guerre en Ukraine ne fait que confirmer cette révision stratégique. Elle implique de travailler de façon beaucoup plus intégrée à tous les niveaux de l’écosystème. Il nous faut drastiquement améliorer notre maîtrise sur l’ensemble de l’écosystème : fournisseurs de matière première, transformateurs, intégrateurs et jusqu’à notre niveau d’intégrateur systémier. Cela implique une transparence sur nos besoins, un partage des risques et des opportunités et une amélioration de notre réactivité et de notre capacité à répondre à de nouvelles crises.
Ceci dans un contexte de concurrence acharnée et alors que Nexter réalise en moyenne la moitié de son chiffre d’affaires à l’export. La concurrence sur ces marchés d’exportation est de plus en plus vive et nécessite compétitivité, capacité d’innovation et excellence industrielle. Ce sont les trois clés qui vont nous permettre de poursuivre notre croissance.
Comment se traduit cette volonté d’intégration accrue ? Cela peut-il aller jusqu’à revoir l’équilibre Make or Buy ?
La direction des achats porte les enjeux externes de ces évaluations Make or Buy qui se font régulièrement sur certains segments. Mais l’équilibre Make or Buy est lié à la stratégie interne qui n’est, par définition, pas partagée de manière extensive avec nos fournisseurs. Une intégration accrue de nos fournisseurs, cela signifie en revanche partager avec eux, sur une base très régulière et à minima annuelle, nos prévisions industrielles et commerciales. Nous leur communiquons les volumes potentiels avec des horizons de confirmation plus ou moins rigides.
Nous menons aussi avec eux un travail collaboratif que nous voulons développer pour porter nos objectifs d’innovation dans nos programmes. C’est la somme de ces idées qui, intégrées dans les projets, permettra de délivrer finalement une performance bien plus importante.
Fin 2021, nous avons mis en place, pour nos huit fournisseurs communs les plus stratégiques, des paires de lead buyers qui définissent des stratégies communes
L’articulation du groupe avec KNDS a-t-elle déjà une influence sur les achats ? Des recherches de synergies sont-elles à l’œuvre ?
Lors de cet événement, nous avons évoqué la nouvelle organisation du groupe mise en place en 2021 dans le cadre de KNDS, avec la constitution de trois business units Nexter (Système, Armes et munitions et Soutien), un comité exécutif et des programmes communs. Dans ce rapprochement, les Achats sont bien entendu mis à contribution. Nous avons des groupes de travail communs entre nos deux directions des achats qui mettent en œuvre des synergies sur certaines filières clefs. Fin 2021, nous avons mis en place, pour nos huit fournisseurs communs les plus stratégiques, des paires de lead buyers qui définissent des stratégies communes. Cette approche a vocation à s’étendre au-delà de cette première étape.
Cet événement aura-t-il une suite ?
Nous allons bien sûr le renouveler. D’ailleurs lors du salon Eurosatory 2022, nous avons organisé une autre rencontre fournisseurs, au niveau KNDS cette fois-ci mais avec un nombre beaucoup plus limité de fournisseurs, de façon à expliquer l’intégration au sein de KNDS et comment les principaux acteurs de notre écosystème seront impliqués et pourront nous accompagner dans cette vision.