La dynamique de Dassault Aviation freinée par les tensions sur les chaînes d’approvisionnement
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
En dépit d’un carnet de commandes historique, Dassault Aviation, fabricant du célèbre Rafale, enregistre un chiffre d’affaires en baisse de 31 % en 2023. Une chute importante due notamment aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement, toujours aussi contraignantes pour les grands donneurs d’ordre de l’industrie aéronautique. Des difficultés qui rejaillissent derrière sur les livraisons d’avion.
Dassault Aviation a fait face à quelques perturbations en 2023. Si les chiffres enregistrés par le groupe n’ont rien d’inquiétant, le géant français de l’aéronautique n’est pas au mieux de sa forme, en témoignent son chiffre d’affaires en berne, à 4,8 milliards d’euros - contre 6,9 milliards d’euros en 2022, en chute de 31 % donc, et son résultat opérationnel de 349 millions d’euros, contre 572 millions un an plus tôt. Le carnet de commande de Dassault Aviation a beau être (bien) rempli, le groupe n’arrive pas à suivre la cadence. En cause, notamment, la supply chain amont qui est la première à ne pas tenir le rythme. En effet, les chaînes d’approvisionnement sont toujours soumises à de fortes tensions, lesquelles sont nées avec la crise Covid. Et ces difficultés persistent, continuent, encore et encore, d’affecter durement les sous-traitants de l’industrie aéronautique qui n’arrivent pas toujours à livrer avec la qualité et dans les délais requis.
Un problème qui avait été pointé du doigt dans nos colonnes par les patrons des achats et de la supply chain d’Aresia, groupe qui fournit d’ailleurs Dassault Aviation. Le secteur aéronautique fait face à une montée en puissance simultanée, inédite et significative, de l’aéronautique civil et militaire. Le secteur est ainsi à un pivot de son histoire. Les industriels du secteur manœuvrent le plus souvent sur des cycles produits particulièrement longs, avec des spécificités marquées et des matières contrôlées et homologuées. Malheureusement, certaines sont en pénurie et, à la suite de la pandémie et des confinements successifs, certains fournisseurs et sous-traitants ont mis la clé sous la porte. Et derrière, Dassault Aviation se retrouve en difficulté.
Une supply chain en difficulté qui pénalise les livraisons
Comme l’indique le groupe, « les défaillances de certains fournisseurs, ainsi que des manques de capacitaires, principalement en aérostructure », se sont traduites pour lui par des retards de mise en production extrêmement importants. Ces risques ont pesé sur les activités de l’industriel français et devraient une nouvelle fois perturber son activité sur l’année en cours. Par conséquent, l’entreprise a déployé un plan de pilotage centralisé. L’objectif : « réaliser les plans de correction, apporter le soutien nécessaire à certains des sous-traitants et de développer le Make in India ».
La problématique des approvisionnements, et plus particulièrement des tensions sur la chaîne, n’est visiblement pas prête de s’estomper. Elle enfle et inquiète. Ce processus d’escalade fournisseurs de Dassault doit d’une certaine manière permettre au groupe de se prémunir de certains risques. Et c’est en collaborant au mieux avec ses tiers, en les aidant et en les accompagnant que l’entreprise espère y parvenir. Le renforcement de la relation et de son pilotage est un impératif pour le donneur d’ordre. Et pour cause, il voit depuis de nombreux mois son carnet de commandes, porté par le succès du Rafale, exploser. « Il s’établit au 31 décembre 2023 à 38,5 milliards d’euros (295 avions - 141 Rafale Export, 70 Rafale France et 84 Falcon). Postérieurement à la clôture des comptes 2023, ce carnet s’est enrichi avec l’entrée en vigueur en janvier 2024 de la troisième tranche de 18 Rafale du contrat Indonésie. Ainsi, depuis le début du programme Rafale, ce sont au total 495 Rafale qui ont été commandés », indique le groupe.
Alors que l’avionneur prévoyait de livrer 15 Rafale et 35 Falcon, il n’en a finalement livré respectivement que 13 (11 à la France et 2 à la Grèce) et 26 en 2023. Voilà qui prouve que la production et la livraison sont finalement assez dépendantes du bon approvisionnement de l’ensemble de la chaîne. Les difficultés, voire défaillances des fournisseurs, peuvent, comme évoque ci-dessus, conduire à des perturbations manifestes. Le plan de pilotage de l’avionneur vise donc à redresser la barre et rapidement. Et c’est à cet effet que le groupe entend très largement rehausser sont degré de coopération avec ses tiers fournisseurs. Des détachements de salariés ou encore le versement d’acomptes sont ainsi prévus. Reste à voir désormais si tout cela sera suffisant.