Les Achats doivent-ils se sentir responsables de leur écosystème fournisseurs ?
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Pour son dernier dîner-débat de la saison, le Club Planète Sourcing a réuni une quinzaine de directeurs achats grand groupe. Ces derniers sont notamment revenus sur la notion de « responsabilité » à l’égard de leur écosystème fournisseurs et l’importance de construire des relations de confiance et de coopération afin d’assurer l’essentiel au business : création de valeur et innovation.
Nombre de donneurs d’ordres ont compris l’intérêt de renforcer la résilience de leur écosystème fournisseur. Il n’est pas ici seulement question de comportement, mais plutôt d’interdépendance et de veiller à devenir le client « favori » de ses fournisseurs, spécialement les plus critiques. Si nouer des partenariats ne constitue pas la panacée, cela permet néanmoins de réduire les risques ainsi que les coûts, d’améliorer la marge et développer le business de même que le chiffre d’affaires.
Mais qu’entend-on par écosystème ? « C’est un ensemble d’interactions, plus ou moins soutenues et plus ou moins profondes, cela découlant de l’importance du fournisseur », définit l’un des directeurs achats présents. « L’écosystème, implique une symbiose entre fournisseurs et clients pour mieux travailler conjointement et générer un schéma gagnant-gagnant », expose quant à lui un autre convive.
L’épineux sujet de la dépendance
La chose est bien connue : les entreprises les plus robustes opèrent souvent au sein d’un écosystème résilient. Mais quid du risque de dépendance d’un fournisseur vis-à-vis de son client : est-il vraiment souhaitable de soutenir une structure qui pourrait être (ou est) aux abois ? Ce choix cornélien doit être guidé par une cohérence globale ; mais maintenir l’activité d’un fournisseur peut finalement s’avérer plus judicieux qu’il n’y paraît. Les acheteurs disposent en effet de moyens d’action pour pérenniser des relations de proximité créatrices de valeur, garantir la santé de leurs fournisseurs critiques et bénéficier, in fine, en plus de privilèges relationnels, de la qualité de leur production et de ressources rares.
Le monde des affaires est aussi celui de ceux qui prennent des risques, notamment celui de l’altruisme
« Le monde des affaires est aussi celui de ceux qui prennent des risques, notamment celui de l’altruisme, soutient Thierry Bellon, président du Club Planète Sourcing. Soutenir un fournisseur à un moment délicat de son histoire et positionner les choses différemment peut être pertinent et source de réussite future. » « Certaines relations de dépendances peuvent être valorisées, par l’innovation notamment », acquiesce un des intervenants. En revanche, pour une des directrices achats présentes, il s’agit avant tout de trouver le juste équilibre et de prendre garde à ce qu’un fournisseur ne soit pas en situation de dépendance.
Se méfier des notions galvaudées de partenariat
À l’inverse, un des invités, directeur des achats d’un groupe de réseau de transport d’énergie, doute des concepts de partenariat et collaboration, qui suggèrent selon lui un manque de cadre latent. « Il s’agit en premier lieu d’être correct. Mais avec ces deux notions, nous avons tendance à oublier le plus important, à savoir les obligations contractuelles des uns et des autres », affirme-t-il. Son service achats, labellisé RFAR et qui s’est caractérisé par un appui marqué à ses fournisseurs lors de premier confinement, pointe essentiellement l’importance de la rapidité de paiement et la notion de visibilité.
Par ailleurs, en confiant aux acheteurs un rôle en amont du processus d’innovation, les entreprises resserreront les liens avec leurs tiers fournisseurs s’assureront un usage privilégié de l’innovation. Un élément véritablement différenciant. Mais les Achats ne sont pas les seuls à devoir faire preuve de responsabilité. L’acheteur n’est pas toujours le dominant, encore moins par les temps qui courrent.
La recherche de la performance encore et toujours
Il faut innover pour survivre collectivement
« Il est important dans les phases de négociations de cesser de s’appliquer à ce qu’il y ait un gagnant et un perdant et de tenter d’écraser l’autre, clame un directeur achats. L’expertise de la fonction achats s’est fortement développée, notamment pour comprendre le métier face à elle. Il faut innover pour survivre collectivement, voir le fournisseur et lui demander l’idée qu’il se fait de la performance afin de répondre au mieux, non pas à nos besoins, mais à nos attentes », poursuit-il, rappelant avant cela qu’il existe « des fournisseurs capables de créer de la valeur et d’autres indispensables pour délivrer les services. »
Le directeur des achats, en sa qualité de chef d’orchestre et de manager des ressources externes, joue donc un rôle clé. Celui-ci doit être en mesure d’animer son écosystème fournisseurs de manière à renforcer la performance de la filière, faire monter en compétences ses tiers, cela assurant, au moins en partie, la compétitivité de son entreprise.