Le groupe Rapido fonde sa direction des achats et la confie à Michel Abgrall
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Rapido, constructeur de véhicules de loisir, a nommé en septembre dernier Michel Abgrall au poste créé de directeur des achats. Si la fonction achats existait au sein du groupe, les acheteurs étaient jusqu’ici dispersés dans chacune des entités. Le plan de marche du CPO consiste à rechercher des leviers de performance économique, à sécuriser les approvisionnements et à accélérer les initiatives aux achats en matière de RSE. Sa prise de fonction a par ailleurs déjà permis de dégager des synergies et des mutualisation en vue d’optimiser les coûts notamment.
Si la fonction achats y vivait et la culture en la matière y est, déjà, exigeante, le groupe Rapido ne comptait, jusqu’en septembre dernier, pas de direction achats groupe. Voilà qui pourrait étonner pour une entreprise dont les achats revêtent une importance stratégique pour bien des raisons.
L’histoire du groupe Rapido débute en 1948 et est intimement liée au destin de la famille Rousseau. Constant Rousseau, ébéniste de métier, fonde son entreprise dans la maison familiale et se consacre à l’origine à la fabrication de meubles sculptés. Son évolution vers la menuiserie et la fabrication, à la fin des années 1950, d’une caravane pliante - une grande première - permettra à l’entreprise de prendre une autre dimension et de la mener, en partie, là où elle est aujourd’hui. De là, tout s’accélère et l’entreprise, qui décide de s’ouvrir aux marchés étrangers, étend peu à peu le champ de ses activités en lançant, quelques années plus tard sous l’impulsion de Pierre Rousseau, fils de Constant, son premier camping-car. Dirigé désormais par Nicolas Rousseau, petit-fils de Constant et fils de Pierre, le groupe Rapido a continué de grandir, encore et encore, créant et acquérant de nombreuses marques de véhicules de loisir ces trente dernières années. L’entreprise emploie désormais plus de 2 000 personnes - réparties sur huit sites industriels en France, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Canada -, enregistre plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année et fabrique en moyenne entre 15 000 et 25 000 véhicules par an. Les produits de loisir de ses 12 marques, toutes indépendantes les unes des autres, sont maintenant distribués dans une vingtaine de pays.
Portée par le succès de ses véhicules de sa marque éponyme et Westfalia notamment, elle est devenue l’une des entreprises les plus importantes du secteur. Elle continue d’ailleurs de se structurer pour satisfaire ses ambitions de croissance. C’est aussi pour cela qu’elle a nommé Michel Abgrall au poste créé de directeur des achats groupe. Jusqu’ici, chacune des entités administrait, peu ou prou, ses achats de la manière qui lui convenait. « Depuis quelques mois, les dirigeants et propriétaires du groupe souhaitaient ardemment consolider la fonction achats », explique l’intéressé. Rattaché au directeur général, il est membre du comité de direction et est pour l’heure à la tête d’une équipe d’une quinzaine de personnes. Son organisation devrait, dans les six prochains mois, être renforcée. Son périmètre d’intervention couvre l’entièreté des achats, directs et indirects, dont les principales familles sont les châssis, qui pèsent pour la moitié du portefeuille de dépenses du groupe, les matières premières (bois, matériaux composites, matières plastiques …), de l’électronique ainsi que des systèmes, produits et pièces pour l’électricité, l’eau, la plomberie et le chauffage embarqués dans les véhicules. « La diversité des familles est extrêmement importante et la part des achats dans la fabrication des véhicules pèse pour environ 70 % », retrace Michel Abgrall.
La gestion du risque en priorité prioritaire
Outre la lecture directe, sans filtre, de la vision stratégique de l’entreprise, je peux m’enrichir d’éléments de réflexion qui touchent bien des aspects qui dépassent le seul cadre opérationnel
Sa position au comité de direction, au sein duquel siègent la direction financière et chacune des business unit, lui octroie une vision d’ensemble et l’aide à avoir une bonne lecture de l’entreprise et de ses enjeux. Le rattachement des Achats à la direction générale, assez rare pour être souligné, contribue en effet à les positionner au bon niveau dans l’entreprise. Son arrivée a déjà permis d’initier de nombreuses synergies et mutualisations entre entités qui achetaient, auparavant, auprès de mêmes fournisseurs à des conditions différentes. « Outre la lecture directe, sans filtre, de la vision stratégique de l’entreprise, je peux m’enrichir d’éléments de réflexion qui touchent bien des aspects qui dépassent le seul cadre opérationnel », déroule Michel Abgrall. Sa feuille de route, qu’il continue de peaufiner, s’articule autour de trois grands axes : la recherche, classique, de performance économique ; la sécurisation des approvisionnements ; et, enfin, l’écoresponsabilité.
La conjoncture est telle que la supply chain reste perturbée
Le nouveau directeur des achats entend en premier lieu renforcer (très) largement le management des risques au sein de l’entreprise, dont le bassin de sourcing est essentiellement européen. L’objectif : consolider la supply chain et se prémunir des risques de rupture. « C’est une brique qui n’était jusqu’alors pas pilotée et qu’il faut impérativement ajouter. La conjoncture est telle que la supply chain reste perturbée. Si la nôtre est principalement concentrée en Europe, nous comptons également quelques fournisseurs sur le continent nord-américain et en Asie », complète-t-il.
À cela s’ajoute son envie de décliner aux Achats les objectifs du groupe en matière de RSE. Les initiatives de Rapido en la matière sont nombreuses et ne datent d’ailleurs pas d’hier. En 2008, lors de la construction de son usine à Mayenne (53), des pompes à chaleur ont été installées et des systèmes pour récupérer les eaux usées lors du passage des véhicules au contrôle d’étanchéité ont été disposés afin d’améliorer la performance énergétique du bâtiment et de préserver au maximum les ressources naturelles. Et l’implication du groupe ne s’arrête pas ici. Rapido laisse par exemple le soin à une entreprise partenaire de récupérer ses palettes afin qu’elles soient réparées ou démontées ; l’objectif étant d’éviter qu’elles ne soient broyées. En quelques années, quelque 13 000 palettes ont été reconditionnées. Le groupe s’attache également à valoriser ses cartons et plastiques. Pour Michel Abgrall toutefois, « énormément d’emballages et de déchets pourraient encore être revalorisés ». « Nous ne sommes qu’au début de l’histoire, nous continuons de le développer », affirme-t-il.
Des démarches écoresponsables déjà nombreuses
Cette exigence se traduit également dans le pilotage de la relation fournisseurs. Le groupe, qui privilégie autant que faire se peut des acteurs locaux, s’applique à nouer des relations de travail avec des fournisseurs vertueux. Plus de 90 % de ses approvisionnements en contreplaqué européen sont par exemple certifiés PEFC, garantie d’une gestion durable de la forêt. « La RSE est un sujet quotidien qui se traduit aussi au niveau du produit », insiste Michel Abgrall. En se montrant soucieux de ce qui l’entoure, le groupe parvient également à capter les dernières innovations technologiques et à les intégrer à ses véhicules. Un véritable avantage concurrentiel dans un secteur où le relookage des véhicules, du moins de leur intérieur, est fréquent. Une dynamique qui se traduit forcément dans les opérations des Achats.
« Nous réfléchissons continuellement aux côtés de nos fournisseurs d’équipements à des moyens à mettre en œuvre pour améliorer la consommation énergétique de nos véhicules », fait savoir Michel Abgrall. Les véhicules de Rapido sont déjà peu gourmands en énergie. En effet, à la faveur de système d’éclairage 100 % LED, la consommation en électricité y est largement réduite. Les pommeaux de douche installés disposent d’un économiseur d’eau pour plus d’autonomie. La façade et le toit des camping-cars en polyester permettent également de mieux isoler la cellule - la partie habitable, et ainsi d’optimiser l’utilisation du chauffage.
Nous devons veiller à ce que le poids des véhicules n’excède pas 3,5 tonnes, avec une charge utile suffisante. Et pour répondre au besoin de diminuer la consommation du véhicule, le poids total reste un élément de choix
« Nous devons veiller à ce que le poids des véhicules n’excède pas 3,5 tonnes, avec une charge utile suffisante. Et pour répondre au besoin de diminuer la consommation du véhicule, le poids total reste un élément de choix. Nous travaillons par exemple grandement avec nos fournisseurs pour en réduire la masse », exprime Michel Abgrall. En plus d’interroger le schéma transport du groupe afin d’optimiser le parcours des flux amont, ce dernier se promet de travailler avec les fournisseurs les plus stratégiques du groupe sur la manière dont ils pourraient être intégrés, dès la définition du besoin, dans la conception des produits. « Ils sont consultés, mais pas encore assez impliqués. Plus ils le seront, plus grands seront les gains, et ce sur tous les plans, notamment économique », estime-t-il.
Le virage de l’électrique encore bien difficile à prendre
Les chantiers qui se dressent devant le nouveau directeur des achats sont donc nombreux. Mais l’un d’eux se révèle être une montagne. Et pour cause ; alors que la décision d’interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 a été actée, Rapido doit se mettre en ordre de marche, sa direction des achats aussi.
Sur le papier, embarquer 700 kg de batterie sans rehausser le poids total autorisé serait incompatible avec l’usage des véhicules
Pour ce faire notamment, Rapido entretient des échanges réguliers avec ses fournisseurs de châssis, qui comptent parmi les plus grands noms de l’industrie de l’automobile : Stellantis, Ford, Mercedes ou encore Volkswagen. « Les châssis sont de plus en plus lourds et continuent d’évoluer. Sur le papier, embarquer 700 kg de batterie sans rehausser le poids total autorisé serait incompatible avec l’usage des véhicules. Les fournisseurs sont à l’écoute de nos besoins et sont en première ligne dans les discussions qui se tiennent avec la Commission européenne », conclut Michel Abgrall.