Les entreprises françaises à la pointe en matière d’achats responsables
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
EcoVadis et la médiation des entreprises ont récemment dévoilé leur étude conjointe sur la performance RSE des entreprises françaises et européennes. Cette cinquième enquête fait suite aux éditions précédentes publiées en 2015, 2017, 2019 et 2021. Son objectif : observer la performance RSE des entreprises françaises et européennes à la lumière des performances RSE des entreprises de l’OCDE et des BICS (et non pas BRICS, la Russie n’étant plus évaluée par EcoVadis).
Cette étude, millésime 2023, repose sur l’analyse d’un peu plus de 100 000 fiches d’évaluations RSE réalisées par EcoVadis de plus de 60 000 entreprises, dont près de 7 000 entreprises en France ; une entreprise pouvant être évaluée plusieurs fois sur la période de cinq ans. Un volume de données et d’information somme toute conséquent à traiter. Premier enseignement : les entreprises françaises semblent porter haut les couleurs du drapeau tricolore quand il est question de RSE. En effet, le score global RSE France est de 57,6/10 en 2022. Une moyenne supérieure à celles de l’UE (55,1) et de l’OCDE (53,3) en global et pour toutes les tailles d’entreprises. « Cela montre que les entreprises françaises ont encore une marge de progression », commente Sylvain Guyoton, chief rating officer d’Ecovadis. Ce dernier a d’ailleurs rappelé, à la suite d’une question d’un journaliste de l’Usine Nouvelle, tout le chemin qui reste à parcourir pour répondre aux (immenses) enjeux environnementaux. Les trois derniers mois, parmi les plus chauds de l’histoire, en sont un (sacré) rappel à l’ordre pour ceux qui les auraient oubliés.
Si le score moyen de l’ensemble des entreprises françaises progresse, la France perd une place au classement. Elle demeure néanmoins dans le top 5, devancée seulement par les pays du nord de l’Europe et se positionne devant l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui est loin derrière. « Pendant longtemps, seules les entreprises les plus volontaires se sont emparées du sujet de la RSE en Allemagne. Des obligations réglementaires sont apparus depuis peu, mais leurs effets ne pourront se voir que plus tard », rappelle, en guise d’explication, Sylvain Guyoton. Au niveau mondial, la moyenne des scores RSE des entreprises évaluées par EcoVadis dépasse la barre symbolique des 50/100. La Chine (39/100) et les Etats-Unis (47,7/100) se placent en bas de classement ; les entreprises des deux plus grandes économies mondiales ne sont encore que trop peu intéressées, semble-t-il, par les enjeux liés au développement durable.
Au demeurant, l’étude note que 30 % d’entreprises françaises de toutes tailles sont déjà bien engagées dans une démarche responsable, dont le score global dépasse 65/100. Ces entreprises, présentées comme des “locomotives” représentent 28 % des entreprises évaluées en 2022 en France, avec une part grandissante de petites entreprises dans le lot. À titre de comparaison, la moyenne européenne en 2022 n’est que de 19,8 % et tombe à 16 % pour les entreprises des pays de l’OCDE. Toutes les moyennes sectorielles françaises 2022 sont par ailleurs supérieures à 55. Les moyennes françaises ont d’ailleurs progressé dans tous les secteurs et restent supérieures aux moyennes sectorielles européennes ou de l’OCDE, s’approchant des niveaux des entreprises des pays du nord de l’Europe. Le secteur de la métallurgie et de l’industrie lourde se démarque par ses bonnes pratiques.
Les achats responsables en progression …
La France est l’un des leaders européens et mondiaux et se place comme l’un des pays benchmark en matière d’achats responsables
Plus intéressant encore, la France semble en avance sur les sujets d’achats responsables. La France se place en effet parmi les quatre pays ayant un score supérieur à 45/100. Elle se positionne plus précisément au pied du podium derrière la Norvège, en tête, la Finlande (2ème) et la Suède (3ème). La Norvège semble quant à elle surfer sur sa nouvelle réglementation, le Transparency Act, mise en œuvre en 2021. « La France est l’un des leaders européens et mondiaux et se place comme l’un des pays benchmark en matière d’achats responsables », se félicite Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises.
Le nombre d’entreprises françaises ayant un nombre conséquent de mesures en place est proche du niveau des entreprises basées dans le Nord de l’Europe. Au demeurant, plus de la moitié des entreprises françaises évaluées en 2022 ont entrepris la définition d’une politique achats responsables, contre 48 % en 2020. Elles sont un peu plus de six entreprises françaises évaluées sur dix en 2022 à avoir au moins une action Achats Responsables en place contre 52 % il y a deux ans. « De plus en plus d’entreprises intègrent la mécanique de déploiement d’une politique achas responsables », expose Pierre Pelouzet. Ces résultats sont toutefois tirés par la maturité de certains grands groupes et ETI en la matière, moins par les PME, qui peinent à s’activer, par manque de ressources et moyens sans doute.
Tous secteurs confondus, moins d’une grande entreprise sur 10 évaluée en France en 2022 n’a aucune action Achats Responsables majeure en place, contre une sur 3 pour le segment des entreprises de 100 à moins de 1000 salariés. « Elles doivent être mieux embarquées. Mais à leur échelle, la progression des petites entreprises en matière d’achats responsable, par effet d’entraînement, est formidable », tempère Pierre Pelouzet.
… Mais beaucoup de choses doivent être encore peaufinées
La thématique Achats Responsables est donc, semble-t-il encore une fois, particulière et plus difficile à appréhender. En effet, c’est le domaine dans lequel les entreprises sont les moins matures. Mais depuis 2021, le thème Achats Responsables, l’un des quatre thèmes d’évaluation, est aussi celui qui progresse le plus : + 2,2 points pris. Que ce soit pour les Grandes entreprises ou les PME/ETI, l’essentiel de la progression du score Achats Responsables a été réalisé entre 2021 et 2022 : + 2,4 points à + 2 points selon les typologies d’entreprises.
Toute entreprise devrait s’appuyer sur une analyse des risques achats. Ce que nous avons vécu ces trois dernières années ne nous permet pas de passer à côté
Sur toutes les tailles, l’existence d’un code de conduite fournisseurs et l’évaluation RSE des fournisseurs sont les actions les plus souvent déployées au sein des entreprises françaises, avec respectivement 41 % et 40 %. Point noir : les entreprises françaises ne recourent que trop peu à la cartographie des risques (14 % vs 20 % en moyenne pour les pays du nord de l’Europe). La grande majorité des grands groupes français ont quant à eux à minima un code de conduite fournisseurs (77 %), un dispositif d’évaluation RSE (73 %) et disposent de clauses sociales et/ou environnementales (68 %).
Si 40 % d’entre eux s’appuient sur cartographie des risques RSE liés aux achats, cela est encore bien trop insuffisant aux yeux de l’ancien patron des achats de la SNCF. « Ces chiffres sont très surprenants et pas satisfaisants. Toute entreprise devrait s’appuyer sur une analyse des risques achats. Ce que nous avons vécu ces trois dernières années ne nous permet pas de passer à côté », clame Pierre Pelouzet, qui a également rappelé l’importance d’acheter local. « L’objectif pour une entreprise n’est pas d’évaluer tous ses fournisseurs, mais bien se concentrer sur ceux qui sont critiques pour le business, en fonction du secteur, de leur taille et de leur pays », complète Sylvain Guyoton.
La plus forte progression thématique pour les grandes entreprises demeure sur le score Éthique des Affaires, avec + 6,3 points en cinq ans et un score moyen de 55,2 en 2022, s’approchant des pratiques en matière de lutte anti-corruption des entreprises anglo-saxonnes. « La Loi Sapin 2 est passée par-là », note Sylvain Guyoton. Pour les PME/ETI, de fortes progressions sont à noter sur quasi chacun des thèmes, avec + 6,8 points de progression sur les scores Éthique et Social et Droits Humains, et + 6,4 points en cinq ans sur le score Environnement.