Les grands groupes veulent décarboner sans laisser tomber leurs petits partenaires
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
Lors de la soirée annuelle du Lab Pareto, Schneider Electric et la SNCF ont expliqué de quelle manière ils embarquaient leurs petits fournisseurs dans une démarche d’amélioration continue. Ils ont déployé un programme d’accompagnement pour les aider dans leurs trajectoires de décarbonation afin de leur éviter de sortir de l’aire de jeu.
Émanation bien connue désormais du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), le Lab Pareto, né en 2015 et qui œuvre depuis pour mettre en relation PME/TPE avec les grandes directions des achats publiques et privées françaises, organisait ce mardi 4 juillet sa traditionnelle soirée annuelle autour du thème « le développement durable, nouveau trait d’union entre acheteurs et fournisseurs ». Avec un mot d’ordre : de prestataires à fournisseurs, il n’y a finalement qu’un pas à franchir. Cette soirée fut en effet l’occasion pour l’association de réunir sa communauté et de questionner la relation donneurs d’ordre-preneurs d’ordre sous l’angle de la RSE. En présence de Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, qui a notamment présidé au cours de la soirée une cérémonie de signatures de la charte RFAR par une quinzaine de PME ou encore de Stéphanie Kerbarh, administratrice de l’Obsar et ancienne député de la neuvième circonscription de la Seine-Maritime, Le Lab Pareto avait planifié en début des festivités une table ronde.
À cette occasion, Schneider Electric et la SNCF ont évoqué dans les grandes lignes leur approche dans le management de la relation fournisseurs, (très) largement resserrée depuis quelques années afin que leurs plus petits partenaires, notamment, ne soient pas sortis de l’équation. Et pour cause, en tant que grands groupes, il est important pour eux de garder un tissu actif et robuste de PME et TPE industrielles. Leurs capacités d’innovation est grande, leur savoir-faire inestimable et, du fait de leur ancrage territorial, leur réactivité peut être salutaire. Un jeu d’équilibriste nécessaire donc pour continuer à générer du business en quantité et en qualité. Pour le premier donneur d’ordre, le développement durable constitue l’un des trois piliers de sa stratégie achats. Le géant tricolore, spécialisé dans la création de solutions numériques d’énergie et des automatisations pour l’efficacité énergétique, n’a eu de cesse depuis le début du siècle de transformer ses pratiques pour rendre son activité plus vertueuse encore.
Une large action pour aider les PME
Ces dernières années, Schneider Electric s’est notamment engagé à augmenter à 50 % - et non de 50 % - la proportion des matériaux durables, appelés communément green material, dans ses produits d’ici à trois ans. Une initiative qui concerne en premier lieu les thermoplastiques, l’acier ainsi que l’aluminium, avant que d’autres types de matières ne complètent cette liste au fur et à mesure, tels que les métaux non ferreux, le cuivre, l’argent, le laiton et divers types de plastiques. Par ailleurs, la quasi-totalité des cartons et palettes utilisés dans le transport de ses produits et marchandises, c’est-à-dire l’emballage secondaire, proviennent désormais de sources recyclées ou certifiées. Ainsi, sur les douze objectifs de développement durable inscrits dans sa stratégie groupe, Schneider Electric voit sa direction des achats en piloter pas moins de 30 %.
Il est difficile de décarboner seul. Il faut mutualiser les ressources et croire en les forces du territoire et du collectif
À cela s’ajoute également un programme d’accompagnement de ses 1 000 principaux fournisseurs, le « Zero Carbon Project ». Sur ce total, « 70 % sont des PME », rappelle Éric Dos-Santos, directeur des achats innovations et partenariats du groupe. Ce programme d’envergure a été bâti pour permettre aux fournisseurs concernés de réduire de moitié leurs émissions de CO2 d’ici 2025 ; un effort considérable que les PME seules ne peuvent assumer. En effet, si la capacité et les moyens (humains et financiers) des grands fournisseurs ne sont pas contestés, ceux des PME sont loin d’être équivalents. « Il est difficile de décarboner seul. Il faut mutualiser les ressources et croire en les forces du territoire et du collectif », a asséné Éric Dos-Santos. Le groupe leur fournira donc à cet effet des outils qui les aideront à établir et à atteindre leurs propres objectifs de réduction de leur empreinte sur l’environnement. Une belle initiative, dans un contexte où la transition énergétique et environnementale représente un impératif absolu. Aux côtés de sept autres grands donneurs d’ordres, parmi lesquels EDF et Engie, dans une initiative pilotée par Pacte PME, dont Éric Dos-Santos est un représentant, Schneider Electric accompagne aussi 3 500 PME dans leur trajectoire de décarbonation.
Une notion de responsabilité à ne pas oublier
Pour ce qui concerne la SNCF, dont le montant moyen des achats est estimé ces dernières années à 15 milliards d’euros, il n’est pas question de faire de la RSE mais bien « d’être RSE », dixit Mickaël Lemarchand, directeur de l’engagement social territorial et environnement du groupe, membre du comex. Pour l’entreprise ferroviaire publique, dont la raison d’être, construite autour de huit engagements, est « Agir pour une société en mouvement, solidaire et durable », il n’est plus question d’attendre. L’un des engagements du groupe concerne d’ailleurs en premier lieu les Achats. « L’un de nos engagements nous impose de contribuer au dynamisme économique et social des territoires par nos décisions industrielles et choix de fournisseurs », trace Mickael Lemarchand.
« Nous ne sommes pas là pour distribuer les bons et mauvais points aux fournisseurs », poursuit-il, pointant d’ailleurs avec bienveillance les TPE et PME dans son propos. Un tour de France a il y a peu été effectué par le directeur des achats groupe lui-même pour expliquer à de nombreux petits acteurs économiques du territoire de quelle manière ils peuvent être référencés. Une posture qui se traduit dans les faits, puisque le groupe achète pour 90 % en France et pour plus de trois milliards d’euros en moyenne auprès des PME ; de quoi leur offrir la masse critique suffisante pour développer leurs offres et de nouveaux procédés. La SNCF en compte au sein de son panel pas moins de 10 000. « Cela représente un quart de nos achats », insiste Mickael Lemarchand. Ce dernier décrit par ailleurs la manière dont le groupe appréhende justement sa relation avec eux : « aider nos fournisseurs dans leur trajectoire écologique et sociale, y contribuer, les accompagner ». Charge à eux derrière de suivre le mouvement pour ne pas devenir un angle mort et faire une sortie de route désastreuse.
« En tant que leader, nous pesons lourd. Nous devons être responsables, dans une situation assez peu glorieuse. Nous ne sommes qu’un rouage de plusieurs écosystèmes, nous sommes tous interdépendants et dépendants de la terre et de ses ressources. En fonction de la manière dont nous rédigeons nos cahiers des charges, nos appels d’offres et dont nous achetons, nous induisons des comportements en matière d’investissement à long terme », a-t-il déclaré.