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Pacte PME et sept grands donneurs d’ordre s’associent pour décarboner 3 400 PME françaises

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Le 13 juillet dernier, sept grands groupes français ont signé une charte dans laquelle ils s’engagent à accompagner plus de 3 000 PME dans leur stratégie de décarbonation. Un projet poussé par l’association Pacte PME et qui offrira à de nombreuses petites structures l’opportunité de verdir leurs opérations.

Pacte PME et sept grands donneurs d’ordre s’associent pour décarboner 3 400 PME françaises
Pacte PME et sept grands donneurs d’ordre s’associent pour décarboner 3 400 PME françaises

Certaines mauvaises langues disent qu’ils ont la tête dans le guidon, pourtant, de nombreux grands groupes la jouent collectif. Pour preuve, sept d’entre eux, ADP, EDF, Bouygues Construction, Engie, Sanofi, Thales et Schneider Electric, se sont engagés, à travers la signature d’une charte à Bercy le jeudi 13 juillet dernier, en présence de la ministre déléguée chargée des PME et du Commerce Olivia Grégoire, à accompagner de petites et moyennes entreprises françaises dans leur trajectoire de décarbonation. Une initiative qui s’inscrit dans l’objectif de la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050, et qui est portée et pilotée par Pacte PME. Cette association bien connue réunit, depuis 2010, des grandes entreprises, des collectivités, des ETI et des PME, autour d’une mission : faire grandir ces dernières. Et pour leur permettre de grandir justement, mieux vaut ne pas en faire les oubliés de la transition écologique et les laisser sur le carreau. Comptant près de 145 000 PME sur son territoire, dont 33 000 PME industrielles, la France ne pourra effectivement s’appuyer sur ses seuls grands fleurons et ses ETI pour atteindre ses objectifs environnementaux. Or, contrairement aux grands groupes et ETI, les PME (et TPE) ne disposent, le plus souvent, pas des capacités financières et ressources humaines nécessaires et suffisantes pour se lancer dans le grand bain. 

Le chemin peut donc paraître tortueux pour elles, trop souvent abandonnées à leur propre sort ; les transformations de leurs process et outils industriels réclamant des investissements importants, avec des perspectives de rentabilité qui ne se feront ressentir qu’à long terme. À cela s’ajoutent également des exigences diverses, à l’échelle européenne notamment, auxquelles les plus petites structures, à l’instar des grandes entreprises, devront se soumettre. Les PME devront donc rapidement entrer dans la danse, d’autant que, comme l’a rappelé François Perret, directeur général de Pacte PME, « la Commission européenne estime que les PME totalisent la moitié de la création de richesse sur le continent, mais aussi 63 % des émissions CO2 du continent. En France, les études menées par BPI amènent à penser que les PME occasionnent au moins 30 % des émissions CO2 du pays ». 

Un programme spécifique, enfin ?

Avec son programme « Zero Carbon Project », Schneider Electric accompagne déjà de son côté ses mille principaux fournisseurs, qui représentent 70 % de son empreinte carbone, à réduire de moitié leurs émissions de CO2 d’ici 2025. Pour ce faire, l’entreprise leur fournit des outils qui les aident à établir et à atteindre leurs propres objectifs de réduction de leur empreinte sur l’environnement. Sur ce panel d’entreprises, 70 % sont des PME. Thales et Sanofi ne sont pas en reste, aidant certains de leurs tiers amont à dénicher les bons leviers qui leur permettront de réduire leur empreinte sur l’environnement. Toutefois, les programmes ciblant spécifiquement les PME sont rares.

Pour l’essentiel, les grands comptes ont d’ores et déjà commencé à se préoccuper de la trajectoire de décarbonation de leurs fournisseurs, mais cela concerne qu’un nombre limité de fournisseurs et, le plus souvent, principalement leurs plus gros partenaires stratégiques

« Pour l’essentiel, les grands comptes ont d’ores et déjà commencé à se préoccuper de la trajectoire de décarbonation de leurs fournisseurs. Tous ont des dispositifs structurants, mais cela concerne qu’un nombre limité de fournisseurs et, le plus souvent, principalement leurs plus gros partenaires stratégiques », explique François Perret. Engie est peut-être l’exception qui confirme la règle. Le groupe a récemment conclu un partenariat avec Bpifrance et l’Ademe pour permettre à un millier de ses fournisseurs, TPE et PME donc, de bénéficier du dispositif Diag « Décarbon’Action ». Avant cela, le géant énergétique français avait déjà engagé une démarche exigeante avec ses grands fournisseurs. La totalité de ses Top 250 « Preferred Suppliers » auront en effet l’obligation d’être certifiés ou, a minima, de s’aligner sur les objectifs SBTI à l’horizon 2030. 

Un programme complet qui ne laisse rien au hasard

La concernant, « l’Alliance Pacte PME » ambitionne avec son programme d’embarquer à l’horizon 2025 pas moins de 3 400 PME sous-traitantes (et volontaires) des membres fondateurs de ladite Alliance. Le démarrage du programme devrait avoir lieu à l’automne 2023, avec une première phase d’accompagnement de 400 entreprises d’ici à mai prochain. Si l’engagement de l’État s’élèvera à 650 000 euros sur la première année et approchera vraisemblablement les deux millions d’euros sur trois ans, enveloppe toutefois subordonnée à la performance du programme en année une, le reste du financement sera apporté par les membres fondateurs de l’Alliance. Les PME industrielles, de la Construction et du Transport constituent, sur demande de l’État dans le cadre d’une convention signée avec Pacte PME, les cibles prioritaires du programme. « Priorité ne signifie pas exclusion ou exclusivité. Le dispositif reste ouvert à tout type de PME », a toutefois tempéré François Perret. 

Le projet, qui bénéficiera gratuitement aux PME, s’articule autour de trois parcours complets, balisés et adaptés à la maturité de chacun : il va en effet de la construction d’un bilan carbone à la mise en œuvre de solutions concrètes, en passant par le diagnostic et le plan d’action. « Nous veillons, avec nos adhérents grands comptes, à donner l’impulsion nécessaire aux PME. L’objectif est de leur simplifier la vie et de les orienter au mieux selon leur appartenance sectorielle, leur localisation géographique ou encore leur niveau de maturité », expose le directeur général de Pacte PME. La première phase d’enquête de maturité, à laquelle 171 PME ont participé, a révélé que près de 70 % des répondants n’ont pas encore franchi l’étape du bilan carbone et mis le pied à l’étrier ; que près de 20 % en ont réalisé un sans pour autant avoir effectué un diagnostic et pensé un plan d’action ; et qu’un peu moins de 10 % sont en mesure d’étudier les actions concrètes à mettre en œuvre. Quel que soit leur niveau de maturité, les entreprises seront accompagnées jusqu’au choix des investissements à réaliser pour mettre en œuvre les solutions technologiques de rééquilibrage de leur mix énergétique notamment. 

En associant accompagnement individualisé et une dynamique de groupe bien pensée, Pacte PME compte bien mettre à profit l’expérience de ses adhérents grands comptes, mais aussi celle d’opérateurs privés et d’experts. « Nous consulterons d’ici à la fin de l’été divers opérateurs privés, que nous choisirons fin septembre », précise François Perret. Le programme est aussi une manière de fédérer les filières de l’économie française, puisque les grands comptes impliqués dans cette initiative mobiliseront certaines de leurs équipes pour offrir le meilleur accompagnement qui soit aux PME embarquées. À terme, Pacte PME espère convaincre, au moins, sept à dix grands donneurs d’ordres de plus à rejoindre son alliance. « Les huitième, neuvième et dixième sont déjà clairement identifiés », a d’ailleurs avoué François Perret. D’ailleurs, pour eux, l’enjeu est multiple. 

Une occasion de se repenser

Et les grands groupes ne s’en cachent d’ailleurs pas, bien au contraire. L’initiative n’est en effet pas totalement désintéressée, puisqu’elle présente la possibilité d’améliorer sensiblement le bilan de leur scope 3. Le tout étant qu’il est extrêmement important pour eux de garder un tissu actif et robuste de PME et TPE industrielles. Leur capacité d’innovation peut être (très) importante, leur savoir-faire est souvent inestimable et, du fait de leur ancrage territorial, leur réactivité peut être (très) profitable. Preuve de l’importance des Achats sur le sujet, Aurélia Tremblaye, CPO d’Engie, Fabrice Gourdellier, directeur des achats groupe d’EDF, Roque Carmona ou encore Eric Bouret, respectivement patrons des achats de Thales et Bouygues Construction étaient présents dans les locaux du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Les directeurs des achats sont devenus des climate managers. Ce sont de véritables leaders en matière de transformation.

« D’une certaine manière, les directeurs des achats sont devenus des climate managers. Ce sont de véritables leaders en matière de transformation. Bien que les grands groupes se dotent de directions RSE et impliquent leurs directions métiers dans leur trajectoire de décarbonation, les Achats, eux, la pilotent. Le pilotage des relations avec les parties prenantes, fournisseurs, sous-traitants et prestataires, se fait aussi à leur niveau et amène les Achats à jouer un rôle majeur », décrit François Perret. Les bénéfices pourraient être également nombreux pour les PME. Ce programme d’accompagnement leur offre la possibilité de ne pas sortir du jeu, puisqu’un jour viendra où les grands donneurs d’ordres excluront les fournisseurs passifs en matière environnementale, comme le précisait d’ailleurs Tanguy Moulin-Fournier, responsable achats durables d’Engie, dans nos colonnes le 19 avril dernier.

« L’économie occidentale s’est engagée sur un chemin de décarbonation et il n’y aura pas de marche arrière. Je ne sais pas à quel horizon, mais dans quelques années, les entreprises qui n’auront rien compris à ce sujet seront sorties du jeu ».

« Ce programme est l’opportunité d’effectuer un pivotement stratégique. Les PME qui s’engagent dans la transition environnementale sont celles qui font le plus preuve d’innovations, qui trouvent un second souffle et qui répondent aux attentes de leurs talents, de leurs clients grands groupes et des consommateurs plus largement. Dans un contexte d’attractivité, de fidélisation et de rétention des talents, cela joue indéniablement », commente François Perret en guise de conclusion.