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Resah : « L’achat public d’innovation est un achat assez complexe et coûteux à mettre en œuvre »

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial Achats Publics : Particularités et vertus des achats publics

Dominique Legouge, directeur général de la centrale d’achats hospitaliers du GIP Resah (3 Mds d’€ d’achats) détaille les leviers qui lui permettent d’acheter de l’innovation, une mission qui implique à son sens une forte expertise en matière d’ingénierie contractuelle. Il sera Grand Témoin de l’atelier-débat, « capter l’innovation dans les achats publics », lors des HA Days Achats publics des 3 et 4 décembre 2024 à Deauville.

Resah : « L’achat public d’innovation est un achat assez complexe et coûteux à mettre en œuvre »
Resah : « L’achat public d’innovation est un achat assez complexe et coûteux à mettre en œuvre »

Quelles difficultés voyez-vous à l’achat d’innovation pour un acteur public ?

L’innovation en achats publics nécessite des moyens, une force de frappe qui ne sont pas à la portée de tout le monde. L’achat public d’innovation est un achat assez complexe et coûteux à mettre en œuvre, compte tenu de la part de gestion de risques qu’il implique. Mais, avec son expérience, ses effectifs et son réseau, une centrale d’achats comme le Resah permet d’aborder le sujet plus sereinement. Depuis huit ans, nous avons d’ailleurs fortement investi sur le sujet de l’innovation. Nous souhaitons être la porte d’entrée de l’innovation, en particulier des petites entreprises. Nous travaillons particulièrement sur les sujets du numérique, de la robotique, du développement durable.

Les entreprises innovantes ont d’ailleurs besoin d’aller vers des guichets uniques pour maximiser leur chance

Comment les plus petits acteurs de l’achat public peuvent-ils s’emparer du sujet ?

Ils peuvent créer un réseau ou se rapprocher d’opérateurs de plus grandes tailles qui interviennent en matière d’achat pour en être partenaires. Le niveau de moyen nécessaire est tel qu’il est important de se fédérer autour d’acteurs qui souhaitent jouer un rôle dans le domaine. Les entreprises innovantes ont d’ailleurs besoin d’aller vers des guichets uniques pour maximiser leur chance de se faire une place sur le marché.

Comment abordez-vous la question ?

Il existe deux grandes approches de l’achat d’innovation. La première, la plus fréquente, est l’innovation poussée par les entreprises. Elle implique un travail important d’identification des solutions innovantes présentes sur le marché ou en cours de développement. Une fois l’innovation identifiée, il faut l’évaluer. La sélection et le référencement d’une innovation dans le cadre des marchés publics sont des démarches particulièrement coûteuses parce qu’elles impliquent une ingénierie juridique assez sophistiquée.

Compte tenu du modèle économique des startups, il faut également avoir les moyens de la diffuser rapidement. Pour la diffusion, nous avons l’avantage, en tant que centrale d’achats, de pouvoir assurer le succès de la solution référencée. Nous sommes un facteur de raccourcissement du chemin de cette diffusion pour permettre à la startup d’atteindre plus rapidement son seuil de rentabilité.

La deuxième approche, concernant l’innovation, consiste à partir de la demande des utilisateurs. Nous travaillons essentiellement aujourd’hui sur l’amélioration des solutions existantes. Nous utilisons des plans de progrès dans nos contrats avec des clauses de réexamen qui nous permettent de codévelopper des innovations incrémentales avec les entreprises qui sont déjà titulaires de nos marchés. Nous nous appuyons pour cela sur les clubs utilisateurs de nos marchés dans les hôpitaux.

Nous avons développé une structure à l’intérieur du Resah spécialisée dans la gestion de l’innovation

Avec quels écosystèmes d’innovation êtes-vous en réseau ?

Nous avons développé une structure à l’intérieur du Resah spécialisée dans la gestion de l’innovation qui est en relation avec tous ceux qui agissent en matière d’innovation dans notre domaine de la santé. Nous avons ainsi des contrats de partenariat avec l’Agence d’innovation de santé (AIS). Nous sommes membre de la French Tech. Nous avons aussi un partenariat avec Bpifrance, avec le pôle de compétitivité Medicen, avec le pôle Silver Valley et avec différents Lab Santé régionaux. Nous avons également un espace, sur notre site internet, sur lequel les entreprises innovantes peuvent proposer leurs projets innovants.

Quels outils juridiques le code des marchés publics met-il à votre disposition ?

Souvent lorsque l’on achète une solution innovante, elle n’a pas d’équivalent. L’entreprise innovante a donc toutes ses chances pour être la seule réponse probante à l’appel d’offres. Nous pouvons aussi utiliser un process qui nous autorise, en deçà de 100 000 euros, à acheter une innovation sans mise en concurrence. Cela permet de trouver le premier client, le temps que la solution se déploie. La notion de temps est très importante pour une startup ou une PME.

Quand l’innovation nous paraît intéressante, nous pouvons également la soutenir en mode grossiste. Notre centrale d’achats fonctionnant en achats pour revente, nous pouvons prendre des engagements minimums de commandes pour des solutions auxquelles nous croyons fermement. Sachant qu’une innovation est souvent susceptible de générer des perturbations dans les façons de travailler. Nous avons donc mis en place un système qui nous permet d’acheter l’innovation et de la revendre aux hôpitaux dans un contrat de long terme qui lui permet de payer un loyer pour utiliser cette solution le temps d’une sorte de période d’essai.

Nous avons aussi recours au système d’acquisition dynamique qui permet de référencer des candidats puis de lancer des mises en concurrence dans des délais très rapides. Nous l’utilisons notamment en matière de télésurveillance pour suivre des patients à domicile, un secteur dans lequel les initiatives foisonnent. Le code des marchés propose plein de solutions pour gérer l’achat d’innovation venant de l’offre.

Sur le plan contractuel, rien n’interdit, par ailleurs, d’acheter quelque chose qui n’existe pas encore, sous réserve de clause suspensive. Nous l’avons fait par exemple pour acheter un milliard de gants en nitrile Made in France, avant même que la production existe. Nous avons acheté une promesse.

En quoi consiste votre centre d’innovation par les Achats ?

Il a démarré il y a sept ans sur des projets européens d’achats publics d’innovation. Il compte quatre personnes et est rattaché à notre direction innovation internationale, elle-même rattachée à notre pôle international. Nous sommes en effet en contact avec les autres centrales d’achats hospitalières d’Europe.

Nous faisons partie du comité d’évaluation du prix de l’innovation de la Bpifrance

Est-il difficile de pouvoir justifier qu’une solution est innovante ?

Une solution qui a par exemple reçu le prix de l’innovation du Fonds de la Fédération hospitalière de France ne risque pas d’être contestée. Nous avons acquis une certaine crédibilité pour évaluer les innovations. Nous faisons ainsi partie du comité d’évaluation du prix de l’innovation de la Bpifrance.

Le cadre juridique des marchés publics offre-t-il également la possibilité de co-innover avec des fournisseurs ?

Nous l’avons fait en adressant des challenges à l’industrie pour répondre à des besoins peu ou mal satisfaits sur le marché. Nous avons par exemple lancé un challenge au niveau européen sur l’antibiothérapie. Les entreprises intéressées font acte de candidature, puis passent dans un processus en entonnoir qui voit un premier groupe de trois présélectionnés codévelopper une solution avec nous jusqu’à la sélection d’un finaliste qui voit sa solution commercialisée. C’est un dispositif assez lourd auquel nous avons participé dans le cadre de programmes européens.

A travers notre centre d’innovation par les Achats, nous allons aussi travailler avec des fablabs pour aider les entreprises qui ont des projets innovants à les formater dans un cadre favorable à la commande publique. Nous avons ainsi créé en mode Legal Design un parcours simplifié pour les startup qui voudront répondre à nos appels d’offres. Nous mettons ainsi en avant les préoccupations qu’elles doivent prendre en compte pour répondre aux contraintes des acheteurs publics, ne serait-ce qu’en termes de temporalité.

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