Stratégie ha

Le directeur des achats de Transdev pousse pour des achats connectés au terrain

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Le directeur des achats groupe et France de Transdev, Raphaël Ott, a construit une feuille de route des plus ambitieuses pour faire progresser le rôle de la fonction au sein de l’entreprise. Celui qui sera juré aux prochains Trophées des Achats nous détaille clairement ses ambitions et ses objectifs.

Le directeur des achats de Transdev pousse pour des achats connectés au terrain
Le directeur des achats de Transdev pousse pour des achats connectés au terrain

Raphaël Ott a pris la tête de la direction des achats du groupe et France Transdev au milieu de l’année 2023. Il rapporte hiérarchiquement au directeur financier du groupe et fonctionnellement à Pierre Talgorn, directeur général adjoint France, en charge des achats. L’équipe achats France qu’il pilote est constituée de 25 personnes toutes basées au siège. En parallèle, il anime avec son équipe un réseau de relais achats en région. « L’objectif est de s’appuyer sur une à deux personnes comme relais sur chacune de nos régions », explique Raphaël Ott. Raphaël Ott compte par ailleurs sous son rattachement fonctionnel les directeurs achats pays de Transdev, avec lesquels il s’entretient régulièrement.

 Raphaël Ott, directeur des achats de Transdev - © D.R.
Raphaël Ott, directeur des achats de Transdev - © D.R.

À cette équipe et ce réseau s’ajoutent donc une équipe achats sur les pays les plus importants dans lesquels le groupe, qui emploie plus de 100 000 personnes dans le monde, est implanté. Les plus importants étant la Suède, les Pays-Bas, le Canada, L’Australie, l’Allemagne, le Portugal, le Royaume-Uni et, désormais, les USA, contrée dans laquelle Transdev s’est fait remarquer par une acquisition importante, celle de First Transit, en fin d’année 2022. En France, la direction des achats doit traiter en moyenne plus d’un milliard d’euros de dépenses externes.

Une feuille de route pensée pour adresser au mieux les enjeux d’une organisation complexe

Une bonne stratégie d’achat se nourrit des retours de terrain de nos opérationnels et de nos fournisseurs

Au cœur des priorités de ce dernier figure le fait de renforcer la connexion entre les équipes achats groupe et les équipes locales, dispersées donc dans les pays dans lesquels le groupe est établi, afin de déployer plus efficacement les stratégies d’achats. « Une bonne stratégie d’achat se nourrit des retours de terrain de nos opérationnels et de nos fournisseurs. C’est un point extrêmement important. Les équipes achats doivent donc aussi aller sur le terrain, car la complexité à laquelle sont soumis les fournisseurs est importante. Toutefois, le plus important reste de comprendre nos enjeux opérationnels, afin de les intégrer dans nos stratégies d’achats », pointe Raphaël Ott. Un peu moins d’un an après son entrée en fonction, il continue d’alimenter son approche stratégique. Son plan, baptisé Connect, Develop, Perform, vient tout juste d’être partagé. « Le diagnostic prend un certain temps, forcément, du fait de la présence de Transdev dans de nombreux pays aux quatre coins du monde. Il faut d’abord s’imprégner de la culture du groupe, comprendre les marchés, qui sont très différents d’un pays à un autre, pour tirer les bons enseignements », indique-t-il.

Pour certaines de nos catégories d’achat, des synergies entre pays sont possibles, j’en suis convaincu

Son objectif, en filigrane, est simple : renforcer les Achats et structurer davantage leurs actions afin de les positionner au bon niveau au sein de l’entreprise. Le chantier est colossal, d’autant plus dans un groupe aussi décentralisé que Transdev, mais en tout point stimulant. « Beaucoup de catégories d’achat sont appréhendées au niveau national, d’autres le sont au niveau international. Nous devons faire la part des choses et apporter un cadre plus précis. Pour certaines de nos catégories d’achat, des synergies entre pays sont possibles, j’en suis convaincu », explique-t-il. À titre d’illustration, la catégorie d’achats bus montre déjà des débuts de coordination, même si la gouvernance du groupe impose une décision pays. L’enjeu pour les achats est donc de se positionner en amont pour partager les enjeux, risques et besoins d’un pays, orchestrer la décision, et l’utiliser si possible comme un levier pour un autre. « Notre besoin d’agilité en local ne nous permet pas d’imposer une décision, mais nous renforçons la coordination amont », confirme Raphaël Ott.

Travailler au siège donne une vision des choses, mais sur le terrain, la réalité des opérationnels, et aussi des acheteurs, est souvent toute autre.

Pour pallier ce manque, le nouveau directeur des achats de Transdev entend mettre en place une instance de gouvernance, de partage et d’échange avec l’ensemble des directeurs achats de Transdev. Ces derniers auront toutefois, encore, toute la latitude nécessaire pour coordonner la politique achats à l’échelle du pays dans lequel ils œuvrent. « Nous devons être en mesure de prendre des décisions, ensemble, d’arbitrer des choix et parler d’une seule voix devant des fournisseurs avec lesquels nous travaillons tous », expose-t-il, précisant qu’il est extrêmement important de « garder une forme d’agilité en local ». « Travailler au siège donne une vision des choses, mais sur le terrain, la réalité des opérationnels, et aussi des acheteurs, est souvent toute autre. Ils sont soumis à des urgences et différents sujets dont nous n’avons pas toujours conscience. Le tout étant de comprendre les enjeux des uns et des autres et de ne pas agir dans la précipitation », précise-t-il par la suite.

Le développement des équipes Achats et des fournisseurs, un élément central

Une fois que cette instance sera déployée, il sera, aux yeux de Raphaël Ott, plus simple de faire encore progresser les équipes et relais achats, via des sessions de formations notamment. Une montée en puissance qui doit aussi se traduire dans le renforcement de la relation, ou plutôt du binôme, acheteur-prescripteur.

« Une instance métier en central est en train de naître en France et nous avancerons avec elle. Mais comme pour tout, le maillon ultime est à trouver en local. C’est absolument nécessaire de travailler main dans la main avec les experts techniques sur chacune de nos catégories d’achat stratégiques, notamment le matériel roulant, les pièces de rechange ou encore l’intérim. C’est comme cela que les acheteurs et relais achats pourront profiter de bonnes pratiques et déployer les initiatives définies en amont et remonter les feedbacks opérationnels du terrain. En animant notre réseau de relais et nos fournisseurs de la sorte, nous voulons qu’ils se développent et montent en compétence, parallèlement. Nous allons commencer à mettre en place des revues de performance qui s’articuleront autour d’un axe économique, un autre lié à la conformité, un autre à la RSE, un sur la performance qualité pour des questions de fiabilité de notre matériel roulant et un sur la performance logistique », décrit le directeur des achats de Transdev.

De cette gouvernance doit, pour ce dernier, découler des plans d’action structurants. Par ailleurs, le fait de remonter les ressentis du terrain permettrait à Raphaël Ott et ses équipes de profiter de quelques KPI bienvenus ; et, ainsi, de resserrer le pilotage de la relation fournisseurs. Un impératif pour anticiper les sujets, chercher des points de compétitivité et du carburant pour la croissance. « N’ayant pas assez de KPI à disposition, nous ne pilotons pas assez nos dossiers, regrette Raphaël Ott. Nous avons de fait un grand rôle à jouer, mais pour cela il faut crédibiliser l’action des Achats ».

Une réflexion sur les tails spend et le processus achats

À ces enjeux, d’autres sont venus agiter la prise de fonction de Raphaël Ott. Un en particulier : la simplification du processus achats. Le directeur des achats de Transdev y attache une importance certaine et envisage de l’assouplir grandement, plus particulièrement pour les achats relatifs aux tails spend. Mais la tâche se révèle plus difficile qu’il n’y paraît. Cela pour une raison : un niveau de digitalisation qui n’est pas assez conséquent. Toutefois, le directeur achats compte sur un partage de bonnes pratiques entre pays sur la gestion du tailspend et les catalogues. « Sur ce point, nous comptons de nombreux points communs. Par ailleurs, nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer la totalité de nos dépenses. Nous manquons d’outils, c’est certain. Nous avons tout juste commencé la construction de notre spend cube, en y greffant de nombreux fichiers », retrace-t-il. Qui dit organisation décentralisée, dit différence de maturité et, également, différence sur les outils déployés. « Nous échangeons énormément à ce sujet avec chacune des directions achats. Certaines s’appuient sur leur propre système PtoP, d’autres n’en comptent pas. Nous travaillons actuellement en France sur une montée de version de notre outil. Il en va de même en Suède, où nous travaillons sur le sujet avec le même sérieux.

Une complexité certaine qui ne facilite en rien les actes d’achats des prescripteurs, ni même le travail des Achats et de la Finance. « Le choix a été fait de muscler le processus, ce qui n’est pas une mauvaise chose, loin de là, notamment en matière de compliance. Mais il est aujourd’hui nécessaire de donner un peu de souplesse à tout le monde et de simplifier le processus. Nous réfléchissons à la manière d’adresser le sujet. L’externalisation est une piste, tout comme la greffe de catalogues, le tout étant de trouver le bon schéma directeur. L’enjeu est de ne pas enlever du temps de travail aux acheteurs, aux opérationnels ; d’éviter la création intempestive de fournisseurs et la multiplication de factures », explique Raphaël Ott. En effet, les coûts de maintien d’un fournisseur dans une base sont non négligeables, même s’ils ne sont pas perceptibles par les clients internes. Autant de raisons donc qui poussent le directeur des achats à outiller tout son monde. En ce sens, il compte lancer, en parallèle de la montée de version du P2P, une phase d’essai.

La RSE, un chantier bien entamé mais qui mérite encore d’être peaufiné

Dernier chantier à conduire et non des moindres, la RSE. Depuis de nombreuses années désormais, Transdev s’attache d’une part à favoriser l’insertion sociale et professionnelle dans les territoires, avec notamment la mise en place de partenariats aux côtés d’ATF Gaia par exemple, d’autre part, à réduire son empreinte sur l’environnement, avec, entre autres, l’introduction de nouvelles énergies alternatives pour limiter l’incidence du transport et une meilleure maîtrise des émissions des scopes 1, 2 et 3. Et Raphaël Ott est bien décidé encore à accélérer le pas : développement de carburants moins polluants (HVO), usage de biogaz, électrification de la flotte, introduction de certificats garanties d’origines …

Acheter local, du fait de notre activité, est dans notre ADN. Nous avons grandement avancé sur le sujet, mais beaucoup de choses restent encore à faire

Au-delà du volet environnemental, comme indiqué ci-dessus, Transdev est grandement attaché au développement des achats inclusifs. Le groupe, dirigé par Thierry Mallet, est d’ailleurs l’un des membres actifs du Collectif pour une économie plus inclusive. Lors du dernier forum sur les achats inclusifs, Edouard Hénaut, directeur général France du groupe, affirmait que la multinationale de transport achète déjà pour 15 millions d’euros auprès d’entreprises implantées dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et pour une trentaine de millions d’euros auprès de fournisseurs inclusifs. Un volume qui pourrait évoluer, du simple au double, avait-il soutenu. « Acheter local, du fait de notre activité, est dans notre ADN. Nous avons grandement avancé sur le sujet, mais beaucoup de choses restent encore à faire. Nous voulons vraiment augmenter notre volume d’achats auprès du secteur adapté et protégé, des acteurs du handicap plus précisément et de la réinsertion », nous dit Raphaël Ott.

« L’année 2024 sera l’occasion pour Transdev de conclure des partenariats forts avec des EA et ESAT, aussi bien sur des prestations de nettoyage et d’autres à plus forte valeur ajoutée », poursuit-il. Des marchés d’imprimerie ont d’ores et déjà été attribués à des acteurs du secteur du handicap. « Beaucoup d’idées sont en train d’émerger, nous avons bon espoir de faire de très belles choses », conclut-il.