Dassault Systèmes : « Nous avons décidé cette année d’avancer vers la labellisation »
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Cet article est référencé dans notre dossier : Économie circulaire, décarbonation & risques ... Ou quand acheter de façon responsable fait sens
Olivier Gauwin, directeur des achats de Dassault Systèmes, attache une importance toute particulière à la RSE dans le quotidien de ses équipes. Il a, par exemple, invité certains de ses collaborateurs à participer au dispositif « Vis ma vie » proposé par le Lab Pareto, lors duquel un binôme acheteur-dirigeant de PME est constitué afin que chacun puisse aller à la rencontre de l’autre, le temps d’une journée, et percevoir leurs contraintes respectives.
Quel est le périmètre d’intervention de la direction des achats que vous pilotez ?
Notre domaine d’intervention englobe toutes les catégories d’achats indirects : l’IT, le marketing, l’immobilier, les services généraux, les voyages d’affaires et les prestations intellectuelles. La direction des achats, qui rend compte à la direction financière, s’est imposée au fil des années comme un partenaire incontournable des business avec des dépenses principalement aux États-Unis et en Europe. L’entreprise compte également des CSP en Inde pour gérer certaines de nos opérations achats. La direction des achats regroupe en tout et pour tout environ 130 personnes et est responsable en premier lieu de l’animation du cycle StoP (Sourcing to Pay) regroupant l’ensemble de la chaîne de valeur jusqu’à la comptabilité fournisseurs, avec un taux de couverture d’environ 82 %. C’est une vraie plus-value pour nous de gérer et maîtriser complètement l’ensemble de la chaîne de l’amont jusqu’à l’aval.
Comment avez-vous construit votre équipe ?
Notre équipe est organisée en trois pôles distincts. Le premier, le « front office » composé d’environ 40 acheteurs et organisé par catégories d’achat. Leur mission englobe la vision stratégique des achats et, de manière plus générale, la gestion des relations avec les fournisseurs. À mon arrivée, j’ai veillé à « globaliser » la fonction, tout en gardant un maillage géographique proche du terrain. Cela a nécessité d’avoir des category managers globaux et d’autres locaux, souvent plus polyvalents, qui gèrent les projets d’achats à leur échelle respective. Le second, le « middle office » ou « Procurement Excellence » par une équipe projets transverses (intégration de sociétés acquises, gestion des risques, actions ESG…), et, enfin, le « back office ». Il est représenté par les équipes PtoP (Approvisionnement et Comptabilité fournisseurs), implantées en CSP au sein de plaques géographiques. Nous comptons des ressources en Inde également au sein de nos CSP qui gèrent ce qui ne peut être automatisé ; cela afin de permettre aux équipes locales de se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée.
Qu’en attendez-vous ?
La gestion de l’inflation et la gestion des risques, en particulier les risques cyber, ont été nos priorités.
Les deux dernières années ont été marquées par un retour aux fondamentaux pour les achats, notamment dans un contexte inflationniste. La gestion de l’inflation et la gestion des risques, en particulier les risques cyber, ont été nos priorités. Sécuriser les échanges de données avec nos fournisseurs est un impératif.
Et quelle place occupe la RSE aux achats ?
Le sujet RSE occupe toujours une place extrêmement importante dans le quotidien des Achats. Et ce depuis maintenant plusieurs années. Nous veillons en effet à travailler au maximum avec des fournisseurs engagés dans une démarche RSE.
La direction des achats profite du fait que Dassault Systèmes a pris, en 2021, des engagements forts en matière de RSE jusque dans son cœur de métier
Plus largement, la direction des achats profite du fait que Dassault Systèmes a pris, en 2021, des engagements forts en matière de RSE jusque dans son cœur de métier. En effet, Dassault Systèmes conçoit des logiciels pour accompagner les entreprises dans leur processus de production, afin de les rendre plus propres. Le monde virtuel est essentiel afin d’imaginer, de concevoir et de tester les produits, matériaux et processus de fabrication nécessaires pour une économie plus durable.
Environ 90 % de l’empreinte carbone de l’entreprise est représentée par les achats. L’entreprise s’est très largement impliquée pour réduire son empreinte sur l’environnement, mettant au point une stratégie complète. Le groupe s’est imposé un objectif de réduction de ses émissions carbone en valeur absolue couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur, conforme aux données scientifiques en matière de climat, alignés sur une trajectoire de - 1,5°C sur les scopes 1 et 2 et aligné sur l’initiative SBTI pour le scope 3. L’entreprise s’est ainsi engagée à réduire de 35 % les émissions absolues de GES de scopes 1 et 2 et de 20 % les émissions de GES de scope 3 provenant notamment des déplacements professionnels, d’ici 2027, par rapport à l’année de référence 2019. Nous avons en ce sens par exemple revu notre politique voyage, privilégiant le train plutôt que de l’avion, lorsque cela est possible et limitant les voyages internationaux et électrifié notre flotte automobile dans la plupart des régions dans lesquelles Dassault Systèmes est présent.
Nous nous sommes engagés à ce que 50 % de nos fournisseurs en émission de CO2 aient des objectifs basés sur la science d’ici 2025.
Par ailleurs, l’entreprise attache aussi une attention majeure à la collaboration avec ses fournisseurs. Du fait de l’urgence à laquelle nous faisons tous face, nous nous sommes engagés à ce que 50 % de nos fournisseurs en émission de CO2 aient des objectifs basés sur la science d’ici 2025. Nous demandons ainsi à nos fournisseurs de participer à l’initiative Science Based Targets et de s’engager à conserver ou obtenir la certification SBTi « Objectif défini ». C’est une condition sine qua non pour travailler avec Dassault Systèmes sur le long terme.
Est-ce difficile de les embarquer dans une telle démarche ?
Convaincre 50 % de nos fournisseurs d’adopter des objectifs basés sur la science en matière de réduction d’émissions de CO2 d’ici 2025 est clairement un défi.
Convaincre 50 % de nos fournisseurs d’adopter des objectifs basés sur la science en matière de réduction d’émissions de CO2 d’ici 2025 est clairement un défi. La culture et la sensibilité de nos fournisseurs, selon leurs activités et les régions dont ils sont originaires, varient. Certains n’ont jamais calculé leur bilan carbone. Afin de les mobiliser et de les engager dans cette démarche, nous organisons des webinaires régulièrement et avons intégré le sujet de manière systématique dans les échanges avec nos fournisseurs.
Les résultats sont encourageants, même si nous constatons une maturité plus importante de nos fournisseurs européens qu’américains. À noter de bonnes surprises : de nombreux fournisseurs indiens se sont montrés très impliqués dans la démarche.
Le fait de vous rapprocher d’autres grands donneurs d’ordre français, voire européens, pour bâtir une vraie force de frappe face à de grands fournisseurs étrangers pourrait-il constituer une solution ?
En théorie, ce serait une chose intéressante et qui pourrait un jour arriver, mais en pratique, la chose est difficile à appliquer aujourd’hui. Les enjeux et objectifs diffèrent souvent d’une entreprise à une autre.
Vos acheteurs sont-ils tous égaux face au sujet de l’achat responsable et, plus largement, des enjeux RSE ?
Challenger le statut quo est un vrai travail au quotidien
À l’instar de nos fournisseurs, certains le sont, d’autres moins. Cela dépend de leur sensibilité personnelle au sujet ainsi que des catégories d’achat qu’ils gèrent. Mais dans tous les cas, adopter une démarche d’achat durable est un vrai changement dans l’approche du métier de l’acheteur. Challenger le statut quo est un vrai travail au quotidien. Nous communiquons énormément sur le sujet et organisons des sessions de sensibilisation, de formation en interne et en externe. En définitive, notre objectif consiste à persuader l’ensemble de notre écosystème de l’importance des enjeux RSE dans tout acte d’achat, de la valeur qu’il génère, et à identifier des idées qui rallieront l’adhésion de tous. Nous visons la mise en œuvre systématique de solutions durables et innovantes à chaque appel d’offres, grâce à une collaboration étroite avec nos fournisseurs.
La dimension sociale anime-t-elle autant vos initiatives ?
Elle est importante également. Nous travaillons en France avec beaucoup de fournisseurs français, parmi lesquels des acteurs de l’économie sociale et solidaire et du secteur du handicap. Nous faisons notamment appel à des EA/ESAT pour le recyclage de nos matériels informatiques mais aussi sur bien d’autres prestations de service (nettoyage, conciergerie, multi-technique, R&D), avec des collaborateurs présents sur nos sites.
Vous avez participé tout récemment au dispositif Vis ma vie du Lab Pareto. Que tirez-vous de cette expérience, vous qui attachez une importance extrême aux relations fournisseurs ?
Nous avons et continuons de participer à des groupes de travail de la Médiation des entreprises/CDAF et sommes adhérents de la charte relation fournisseurs et achats responsables depuis quelques années. Nous avons d’ailleurs décidé cette année d’avancer vers la labellisation. C’est dans le cadre d’un comité organisé par la Médiation que nous avons découvert cette initiative du Lab Pareto. L’idée que les acheteurs de Dassault Systèmes échangent avec des patrons de PME m’a très vite séduit. J’ai immédiatement saisi les bénéfices de participer à ce programme qui permet de se familiariser aux enjeux des PME et la réalité des uns et des autres.
Pour nous, c’est d’autant plus important qu’une bonne part de nos achats en France sont réalisés auprès de TPE et PME. Plusieurs acheteurs se sont portés volontaires. J’ai moi-même participé au dispositif et je l’ai trouvé extrêmement enrichissant. Il permet d’ouvrir les yeux sur le quotidien de petites structures, de ses problématiques et de ses contraintes opérationnelles. Cela rend d’un coup le sujet des délais de paiement, sur lequel nous avons beaucoup travaillé depuis l’apparition de la pandémie de Covid, encore plus concret.
Vos relations fournisseurs se sont-elles spécifiquement renforcées à ce moment précis ?
Notre valeur ajoutée réside ailleurs, et nous sommes prêts à absorber certaines augmentations lorsque celles-ci sont justifiées
C’est une nécessité pour accompagner comme il se doit la croissance du groupe. Bien que nous ayons travaillé dernièrement à limiter l’inflation, notre approche n’est pas uniquement liée à la réduction des coûts. Notre valeur ajoutée réside ailleurs, et nous sommes prêts à absorber certaines augmentations lorsque celles-ci sont justifiées. Ce qui nous importe véritablement, c’est la valeur de ce que nous achetons. Nous aspirons à établir des relations partenariales avec nos fournisseurs, même si ce terme est parfois un peu galvaudé.