Club Planète Sourcing : la communication, un levier de performance pour les Achats ?
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Le premier Club Planète Sourcing post pause estivale, qui portait sur la communication des Achats, a été le théâtre de vives discussions et de débats endiablés. il en est ressorti une chose : la fonction achats doit faire de la communication un outil pour mieux se positionner dans l’entreprise.
Elle a beau être utile, stratégique, au centre de tout (ou presque) et avoir une vision 360° au sein de l’Entreprise, la fonction achats peine encore à faire sa publicité et se vendre convenablement. Et c’est bien là où le bât blesse. Encore aujourd’hui, de nombreuses directions des achats affrontent tout un tas d’idées reçues de leurs clients internes, voire, aussi, des fournisseurs. Quelques fois, ce sont même les dirigeants de l’entreprise qui ne connaissent pas le métier d’acheteur. Reviennent d’ailleurs souvent les images d’une fonction qui n’est là que pour réduire les coûts, négocier … Pourtant acheter ne se résume pas qu’à cela. Il subsiste finalement une perception quelque peu informe du rôle des Achats et, par ricochet, de leur importance au sein de l’organisation globale. Et cela tout simplement parce qu’elles ne sont pas peuplées par les plus grands communicants qui soient. « Les acheteurs ne sont pas par essence de bons communicants », déplore d’ailleurs une directrice achats indirects d’un grand distributeur. « Ce n’est pas dans leur culture », complète Julien Barthélémy de SAP, l’un des sponsors de la soirée aux côtés d’Handiprint, d’Icertis et de KPMG.
La composante communication ne fait pas vraiment partie du socle de compétences de l’acheteur. Elle n’est pas inscrite dans son ADN
« La composante communication ne fait pas vraiment partie du socle de compétences de l’acheteur. Elle n’est pas inscrite dans son ADN. Il est davantage à l’aise quand il doit générer de la performance, gérer les risques et animer la relation fournisseur », acquiesce de son côté Yasser Balawi, CPO de Sodiaal et président du Club Planète Sourcing. Des propos qui montrent que le chemin à parcourir est encore (très) long. Pourtant, pour animer une relation fournisseur et échanger avec ses clients internes, la communication doit constituer un pilier d’une organisation achats. Un pilier qui n’est certes pas une nécessité première, mais qui peut changer la donne. Plus que de se vendre en réalité, les Achats peinent à faire valoir leurs réalisations et projets. Fonction exposée et qui se doit, par nature, d’échanger, les Achats doivent impérativement changer d’état d’esprit sur le sujet afin de s’installer définitivement, aux yeux de tous, un acteur important pour la performance globale. « La communication doit devenir une compétence clé de l’acheteur désormais. Il faut que nous nous formions, car c’est essentiel », affirme l’une des convives, qui avoue pourtant ne pas avoir fait du sujet un axe de développement prioritaire de sa direction.
De la pudeur, mais pas que
Si bien communiquer n’est pas chose aisée, cela n’en est pas moins impossible. Pour certains, communiquer est un savoir-être naturel, pour d’autres, il faut apprendre à en faire un savoir-faire. La chose s’apprend donc et nécessite de la méthode, du moins un minimum. Et il important de s’y mettre pour maîtriser sa communication et son image. C’est aussi en apprenant à mieux communiquer sur leur fonction et leurs actions que les acheteurs pourront améliorer significativement leurs résultats en amenant leurs interlocuteurs, plus particulièrement les clients internes, à mieux travailler à l’expression et à la satisfaction de leurs besoins. En somme, ne plus raconter les Achats parce qu’ils sont intrinsèquement, mais par ce qu’ils font. Et c’est là le plus important.
Certaines entreprises ont d’ailleurs commencé à former leurs acheteurs à la communication. Yasser Balawi explique avoir participé à des formations de media-training afin de remédier aux a priori que la fonction dégagerait. La clé pour communiquer : miser sur ses success stories. « Il ne faut pas voir la communication comme un outil pour montrer que nous sommes les meilleurs et vouloir tirer la couverture. C’est un exercice bien plus subtil. Il faut choisir ses sujets : la participation des Achats aux ambitions de décarbonation, l’innovation, des projets collaboratifs », expose le président du Club Planète Sourcing. La jeune génération d’acheteurs semble l’avoir compris et n’hésite pas à utiliser les réseaux sociaux pour partager leur quotidien. « Ils dépoussièrent la fonction et ne sont ralentis par aucune forme d’inhibition », confirme l’un des invités.
Une stratégie qui se travaille et se peaufine
Mais à l’heure de la surmédiatisation, de la montée en puissance des directions de la communication et en charge de conseillers, du développement de multiples agences, difficile de communiquer de façon naturelle. Quand bien même l’on raconterait une belle histoire, l’information, de plus en plus accessible, peut avoir des conséquences dramatiques. Sans contrôle, les internets peuvent en effet monter en épingle la moindre phrase qui paraît anodine. Pour des groupes cotés en bourse, le risque n’en est que plus gros. Dès lors, comment se faire connaître, améliorer son image, se démarquer de la concurrence et favoriser les rapports quand la direction de la communication craint des retombées néfastes. « Il est arrivé quelques fois que la direction de la communication m’empêche d’accorder un entretien par peur que nous dégradions l’image de l’entreprise », témoigne l’une des invités, directrice des achats d’un grand groupe. Reviennent encore finalement ces prénotions dont sont victimes les Achats, qui n’ont pas toujours, il faut l’avouer, très bonne réputation.
Il faut beaucoup d’énergie pour convaincre la direction de la communication et leur faire comprendre que communiquer nous permettra de développer notre notoriété, de recruter
« Cela n’est pas très étonnant, la direction de la communication ne connaît pas toujours très bien ce que font les Achats. Ils en ont une perception particulière et les voient comme un simple réducteur de coût », rebondit le directeur des achats France d’un grand acteur de la santé. « Dès que nous disons quelque chose, il faut que notre propos soit aligné avec le discours de l’entreprise », complète le directeur des achats d’une grande ESN. Pour retourner la situation, un travail en étroite collaboration avec la direction de la communication doit être mené durant une période donnée. Un excellent moyen pour apprendre à connaître l’autre et pour les Achats, d’enfin, faire de la Communication son allié. « Il faut beaucoup d’énergie pour convaincre la direction de la communication et leur faire comprendre que communiquer nous permettra de développer notre notoriété, de recruter », insiste l’une des convives. Le tout étant, en adressant sa cible (interne ou externe), d’être clair sur ses objectifs. « Il faut, avant de s’exprimer, savoir pour quelles raisons nous le faisons », déclare l’un des convives.
Reste aux Achats de saisir les bonnes opportunités pour communiquer positivement sur leurs actions. Certains sujets, comme les pénuries de matières premières, ont été l’occasion de se faire connaître et de démontrer leur expertise. « Je suis persuadé qu’il y en aura d’autres », assure en ce sens un CPO.