Stratégie ha

Nexans : « Nous innovons en matière de RSE et nous entraînons nos partenaires dans notre sillage »

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Jérôme Chiquet, directeur des achats de Nexans évoque le programme de SRM du groupe avec deux patrons de Business Units de l’activité « Distribution et Usage », Elyette Roux et Jérôme Leroy. Sur la base du scoring E3 en place avec ses 400 fournisseurs les plus stratégiques, ayant permis de monter en performance, le groupe renforce sa sélectivité pour travailler avec les meilleurs.

Jérôme Chiquet, Elyette Roux et Jérôme Leroy. - © D.R.
Jérôme Chiquet, Elyette Roux et Jérôme Leroy. - © D.R.

Quel était le message adressé aux fournisseurs invités à l’édition 2024 des Nexans Suppliers Days ?

Jérôme Chiquet : En 2021, nous avons introduit une nouvelle donne, avec des relations orientées long terme. En 2022, nos roadmap fournisseurs étaient en place. En 2023, nous avons noté nos 400 fournisseurs stratégiques et préférentiels. En 2024, le message est clair : nous parlons maintenant de segmentation et de sélectivité. Nous voulons travailler avec les meilleurs.

Nous allons passer encore plus de temps avec les fournisseurs notés E2 et E3, que nous considérons comme les meilleurs. Ils couvrent 50 % de nos dépenses. Les fournisseurs E0 représentent à l’heure actuelle moins de 10 % des fournisseurs préférentiels et stratégiques. Ceux qui sont classés E0 et qui n’ont pas de plan d’amélioration vont être amenés à disparaître de notre panel.

Comment vos fournisseurs perçoivent-ils l’augmentation de vos exigences à leur égard ?

JC : Le premier élément qui ressort des retours d’expérience que nous organisons avec les fournisseurs c’est la cohérence qu’ils perçoivent derrière ce programme. Chaque année, nous allons un peu plus loin avec eux et ils sont conscients que nous partageons avec eux une vision long terme. Nos fournisseurs concernés par le système de scoring que nous avons mis en place, le prennent comme une aide décisive pour faire avancer leurs actions en interne, en particulier quand, en rendez-vous One to One avec nous, ils sont face à un membre du comité exécutif.

Lorsque nous analysons les causes racines des problèmes que rencontrent nos clients, un quart prend sa source dans des problématiques rencontrées au niveau de nos fournisseurs

Et, à la tête de vos BU respectives, comment percevez-vous cet effort demandé aux fournisseurs ?

Elyette Roux : Notre promesse client repose sur un niveau de performance qui englobe Nexans et ses fournisseurs. Avant de présenter le scoring 3E à nos fournisseurs, nous nous sommes interrogés sur le scoring de nos sites. Nos clients ont d’ailleurs des exigences concernant nos Achats. Certains sont très attentifs à du local pour local, d’autres à la mise en place d’une boucle de circularité, donc au fait que nous fonctionnions en partenariat avec eux et nos fournisseurs. Lorsque nous analysons les causes racines des problèmes que rencontrent nos clients, un quart prend sa source dans des problématiques rencontrées au niveau de nos fournisseurs, tels que des retards de livraison ou encore des problèmes de qualité. Avoir des fournisseurs résilients est donc fondamental pour pouvoir apporter de la valeur de bout en bout à nos clients.

Jérôme Leroy : Nous voulons inscrire notre leadership tout en étant innovant, en réduisant notre impact environnemental, dans un souci permanent d’amélioration de la sécurité. Nous attendons de nos fournisseurs qu’ils accompagnent nos ambitions et qu’ils nous aident à tenir nos engagements économiques vis-à-vis de nos actionnaires.

Cela se traduit par différentes exigences, à commencer par le fait de trouver des fournisseurs locaux. Aujourd’hui, 98 % des achats de nos activités basées en Amérique du Nord viennent de fournisseurs basés dans un périmètre de 1 000 kilomètres autour de nos lieux de fabrication. Nous attendons aussi de nos fournisseurs qu’ils nous accompagnent dans la réduction de notre empreinte CO2 et qu’ils nous aident à construire nos fiches-produits d’impact environnemental en y intégrant l’amont de la chaine de valeur. Pour assurer la pérennité de notre offre, nous attendons également d’eux qu’ils nous proposent des alternatives à ce qu’ils nous ont toujours fournis, qu’ils soient innovants dans les solutions qu’ils nous proposent.

Quelles sont les exigences imposées à vos fournisseurs par la feuille de route 3E ?

JC : Le premier pilier du plan 3E est l’Economie, avec une approche portant à la fois sur le cash, sur les coûts et sur la réduction de la complexité. Le deuxième E concerne l’Environnemental, avec notamment les enjeux réputationnels et réglementaires, la réduction de CO2 et le recyclage. Nous avons établi que deux-tiers des réductions d’émissions de CO2 à date sont liées à une contribution fournisseurs. Le dernier pilier, l’Engagement, repose également sur trois volets : des accords de long terme avec nos 400 fournisseurs préférentiels et stratégiques, qui représentent 72 % de la dépense, des projets d’innovation et un plan de résilience garantissant que les fournisseurs seront capables de nous livrer quoi qu’il arrive.

Nous devons convaincre un plus grand nombre de fournisseurs de nous donner leurs EPD (Environment Product Declaration)

Quelles sont les principales marges de progrès de vos fournisseurs ?

JC : Il y a principalement trois critères sur lesquels achoppent certains fournisseurs. Sur la partie environnementale, nous devons convaincre un plus grand nombre de fournisseurs de nous donner leurs EPD (Environment Product Declaration). Nos clients nous les demandent de plus en plus sur nos produits mais, côté fournisseurs, seulement 9 % de nos achats sont aujourd’hui couverts par des EPD. Le deuxième axe de progrès concerne la capacité de certains fournisseurs à s’engager sur le long terme. Le troisième concerne leur capacité à contribuer à la compétitivité de nos productions.

ER : Le plus compliqué reste la partie E comme l’Engagement des collaborateurs des fournisseurs à travailler différemment avec nous. Nous travaillons aujourd’hui beaucoup plus en mode projet et nous instaurons une relation axée sur un certain niveau de services et un accompagnement après la vente. Mais ce mode de fonctionnement fait encore souvent défaut chez nos fournisseurs. Si nos clients nous demandent un leadtime raccourci de 25 % par rapport à l’an dernier, nos fournisseurs ne sont malheureusement pas prêts à réduire les leur dans ces proportions.

JL : Je confirme ce point et j’en veux pour preuve des appels d’offres auxquels nous répondons et sur lesquels la concurrence est particulièrement forte. Pour autant, cela ne suscite pas un regain de réactivité de la part de nos fournisseurs.

Notre stratégie de partenariat à long terme avec nos fournisseurs stratégiques nous permet également d’embarquer des fournisseurs plus importants que nous

Les critères environnementaux imposés aux fournisseurs ont-ils le même poids dans tous les pays ?

JL : En Amérique du Nord, Nexans a sans conteste un rôle de leader. Nous innovons en matière de RSE et nous entraînons nos partenaires dans notre sillage. Notre stratégie de partenariat à long terme avec nos fournisseurs stratégiques nous permet également d’embarquer des fournisseurs plus importants que nous. Cela étant, dans tous les pays, nos clients sont de plus en plus attentifs à la tenue de nos performances environnementales. De plus en plus nos discussions portent sur des questions d’alignement stratégique, d’alignement culturel, de co-innovation… Nous nous auditons aussi mutuellement pour effectuer les adaptations sur nos process industriels impliqués par les innovations proposées. C’est un sujet de collaboration qui inclut des boucles permanentes indispensable dans la succession de crises que nous devons traverser.

Comment convaincre des fournisseurs chez qui vous ne représentez pas un poids significatif de bouger ?

JC : C’est une raison pour laquelle, dans nos Suppliers Day nous mettons en avant le business. L’an dernier, nous avons mis en avant nos clients. Cette fois, nous donnons la parole à des patrons de business, qui sont les clients des fournisseurs. Nous invitons en face les senior managers de nos fournisseurs. Nous voulons que la relation raisonne à haut niveau. Le marché de l’électrification sur lequel nous nous projetons est un facteur d’attractivité.

Faire changer le fournisseur implique parfois un changement de notre part

Comment accompagnez-vous dans le changement vos fournisseurs qui en ont besoin ?

ER : Faire changer le fournisseur implique parfois un changement de notre part. Nos plans d’action incluent des engagements de nos deux parties. En effet, bien souvent, les sujets sur lesquels nos fournisseurs n’arrivent pas à avancer sont des sujets sur lesquels nous n’avons pas transmis l’information nécessaire. Faire changer le fournisseur implique aussi un changement dans les rôles de nos acheteurs. Nos acheteurs sont devenus des contributeurs à la création de valeur. Le dispositif que l’on met en place est vraiment important pour la suite. Nos fournisseurs doivent travailler à des niveaux plus stratégiques encore que ce qu’ils ont fait jusqu’ici. Ils peuvent notamment encore être plus impliqués dans du redesign to cost.