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Hauts de Seine/Yvelines : « nous avons désormais une politique achat interdépartementale »

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Nicolas Lallemand, directeur de la commande publique unifiée des Conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines, témoigne des avantages de la convergence des achats entre les deux collectivités. Il revient également sur ce qu’elle a impliqué en matière d’organisation et expose ce qu’elle procure dans ce contexte de crise et de guerre des talents.

Nicolas Lallemand, directeur de la commande publique unifiée des Conseils départementaux du 92 et 78 - © CD92/Olivier RAVOIRE.
Nicolas Lallemand, directeur de la commande publique unifiée des Conseils départementaux du 92 et 78 - © CD92/Olivier RAVOIRE.

Pour quelles raisons la fonction achats a-t-elle constitué un vecteur de convergence entre les Yvelines et les Hauts-de-Seine ?

Les deux Départements se caractérisent par une pratique de coopération importante et des projets communs depuis de nombreuses années. Le projet de convergence de la commande publique a été lancé en 2018 et porté politiquement par les Présidents des deux Conseils Départementaux. Il poursuivait trois objectifs : atteindre une plus grande efficacité administrative, dégager des gains budgétaires et offrir une plus grande visibilité des achats pour les acteurs économiques, sachant que le volume d’achats combiné des deux départements représente plus de 650 millions d’euros par an, dont les 2/3 en investissement. Cet historique et ces objectifs communs ont favorisé la réussite de ce projet.

Qu’est-ce que cela implique en matière d’organisation et de conduite du changement ?

Une feuille de route a été élaborée en amont afin de créer une direction de la commande publique unifiée, tout en conservant des équipes dans chaque département afin de maintenir une relation de proximité avec les directions opérationnelles. Je suis arrivé en tant que directeur mutualisé en 2019 pour mener ce projet aux côtés de Dorine Derouault et Albane Pitois, respectivement directrices adjointes dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines, qui ont joué un rôle très important pour fédérer les équipes. Pour fonctionner convenablement, nous avons revu l’ensemble de nos processus qui ont été harmonisés entre les deux Départements. Ce chantier a conduit à organiser une cinquantaine de réunions de travail, réunissant des agents de la commande publique et des représentants des directions opérationnelles. Pas moins de 13 nouveaux processus communs ont été rédigés ainsi qu’une vingtaine de procédures et fiches techniques. Dans le même temps, nous avons déployé un SI achat commun, en s’appuyant sur le logiciel SIS Marchés, déjà utilisé auparavant dans les Yvelines.

Pour accompagner la conduite de changement, nous avons mis en place des formations sur les nouveaux processus et des ateliers d’accompagnement sur le SI achats

Nous avons donc étendu son utilisation dans les Hauts-de-Seine en le paramétrant à l’aune des nouveaux processus. Concrètement, cela a permis aux agents de travailler de manière automatisée sur des éditions correspondant aux modèles de documents issus du projet de convergence. Ce déploiement nous a permis de gagner en efficience, tant sur le plan de la méthode de travail que des outils et renforcer les relations opérationnelles des acheteurs avec les prescripteurs.

Pour accompagner la conduite de changement, nous avons mis en place des formations sur les nouveaux processus et des ateliers d’accompagnement sur le SI achats pour les agents des directions opérationnelles impliqués dans les achats. Parallèlement, nous avons fait monter en compétence les acheteurs en leur proposant des formations sur les techniques d’achat telles que le sourcing, les stratégies d’achats, les relations avec les fournisseurs ou encore la négociation. Notre objectif était de renforcer leur professionnalisation de manière à ce qu’ils se concentrent sur le dialogue et l’accompagnement des prescripteurs, pour lesquels nous avons également démarré des formations sur l’expression du besoin et l’analyse des offres. Enfin, il convient de souligner que l’adhésion des équipes a constitué un facteur facilitateur dans le pilotage du projet.

Comment tout cela se traduit-il aujourd’hui ?

Nous avons désormais une politique achat interdépartementale qui se concrétise à travers un Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement Responsables (SPASER), adopté en décembre dernier par les Assemblées des deux Départements. Celui-ci a été construit autour de quatre axes : une fonction achats efficiente et innovante, la proximité, la solidarité et des achats durables et décarbonés. Ces axes ont ensuite été déclinés en 15 objectifs et 27 actions.

En ce qui concerne l’activité de marchés, la convergence de la commande publique a conduit à la mise en place de 33 groupements de commandes couvrant des familles d’achat très diverses telles que l’entretien et la rénovation des voiries et ouvrages d’art, la fourniture d’équipements de protection individuels, la prévention des risques professionnels ou bien encore la fourniture de logiciels.

En quoi était-ce important de vous fonder sur l’aspect proximité ?

Nous essayons de sensibiliser les entreprises locales en organisant chaque année des réunions d’information, pour les encourager à répondre à nos consultations tout en préservant les principes d’égalité de traitement et de liberté d’accès à la commande publique. Pour ce faire, nous veillons à ouvrir le plus souvent la concurrence de telle manière que ces entreprises puissent répondre à nos appels d’offre, en tenant compte de cet objectif dans l’allotissement et la définition des besoins. Nous avons également prévu la mise en place d’une cellule de contact téléphonique à la rentrée pour guider les entreprises qui n’ont pas l’habitude de répondre à des consultations de la commande publique. Nous avons constaté que certaines d’entre elles pouvaient être découragées en raison de la complexité des procédures de passation.

Nous avons engagé une démarche visant à obtenir le label RFAR

Nous avons par ailleurs engagé une démarche visant à obtenir le label « Relations Fournisseurs et Achats Responsables ». Le Département des Hauts-de-Seine s’est vu décerner ce label en décembre 2021 après avoir été en 2017 la première collectivité locale à obtenir le précédent label « Relations Fournisseurs Responsables ». Le Département des Yvelines présentera dans les prochaines semaines une candidature pour l’obtention de ce label sur la base d’un dossier similaire à celui des Hauts-de-Seine en termes d’engagements. Nous estimons qu’il s’agit d’un facteur de maturité et de professionnalisation de notre fonction achats.

Comment adaptez-vous votre volonté de soutenir un achat local et de qualité à la tendance haussière ?

Nous suivons bien entendu les évolutions réglementaires relatives à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières. La circulaire du Premier ministre du 30 mars 2022 nous a offert des marges de manœuvre, mais il serait utile que la réglementation évolue vers davantage de souplesse, notamment sur la question de l’intangibilité des prix. Nous nous tenons à l’écoute des entreprises s’agissant de leurs difficultés, en tentant de trouver des solutions tenant compte de la conjoncture sur la base des justificatifs qu’elles nous présentent. La vraie difficulté est de savoir si ces hausses de prix vont persister dans le temps. L’instabilité est telle qu’il est difficile d’apporter une réponse certaine pour le moment, les prix évoluant de manière aléatoire et à des niveaux jamais connus auparavant. Nous devons donc nous adapter en modifiant dans certains cas par voie d’avenant les marchés en cours pour substituer, par exemple, certaines matières premières par d’autres, sous réserve que cela soit bien sûr réalisable techniquement.

Quelles sont vos problématiques en termes de recrutement et de gestion des talents ?

Nous comptons 70 agents sur les deux Départements. Comme de nombreuses administrations, nous rencontrons des difficultés en termes de recrutements sur des postes d’acheteurs. Cette situation s’explique par le mouvement de professionnalisation de la fonction achats, qui conduit de plus en plus de collectivités à rechercher des acheteurs publics. Par ailleurs, en Île-de-France, les marchés passés pour les Jeux Olympiques et le Grand Paris conduisent à accroître les tensions sur le marché du travail. Pour autant, nous menons une politique de recrutement combative, en tablant sur l’attractivité de notre projet de convergence et de notre politique achats.

Opérer au sein d’un service achats structuré et professionnel comme le nôtre est une réelle opportunité

Ce sont des éléments différenciants en notre faveur vis-à-vis d’autres collectivités et administrations. Nous pensons que les acheteurs, juniors ou seniors, gagnent à nous rejoindre car cela permet d’enrichir leur expérience. Opérer au sein d’un service achats structuré et professionnel comme le nôtre est une réelle opportunité. Ils peuvent y mener des initiatives importantes et travailler sur des projets d’envergure dans le domaine des bâtiments, des mobilités, de la culture ou du sport. Notre chance réside également dans le fait d’œuvrer dans des départements dynamiques, extrêmement bien gérés et qui privilégient l’investissement.

De quelle manière positionnez-vous votre structure face aux défis imposés par le développement durable ?

Nous avons prévu toute une série d’actions parmi lesquelles le fait de passer à 100 % de considérations environnementales et à 30 % de considérations sociales dès 2023, soit avec deux ans d’avance sur les objectifs du PNAD. Pour cela, nous avons rédigé un guide interne des clauses environnementales destiné à tous les agents impliqués dans les processus d’achat dans le cadre d’un groupe de travail animé par les référents développement durable de la commande publique. Ces agents réalisent des veilles permanentes sur les bonnes pratiques d’achats en matière environnemental. Les marchés globaux de performance passés comportent également des objectifs très audacieux en termes de consommation d’énergie. Sur le volet social, nous introduisons dans nos marchés des heures d’insertion destinées à des publics éloignés de l’emploi avec l’appui du GIP Activity. Mais il existe de nombreuses autres actions qui figurent dans notre SPASER et que nous allons décliner en 2022. Notre feuille de route est bien chargée !