Un marché des prestations intellectuelles toujours plus dense et un peu plus favorable aux Achats
Le dernier club Brapi a été l’occasion d’en apprendre davantage sur les tendances du marché du recrutement qui continue à se détendre après une longue période d’inflation. Les tensions sur le recrutement, elles, n’ont pas encore disparues.

Pour le premier club Brapi de l’année 2025, François Tourrette, son fondateur a brossé le dernier portrait du marché des prestations intellectuelles, décrivant ses principales tendances. Et une tendance déjà observée par le passé ne se dément (toujours) pas : le nombre de plateformes et sociétés d’intermédiation ne cesse d’augmenter d’année en année. Le président du Brapi en a identifié une nouvelle fois une multitude qu’il interroge notamment dans le cadre de son référencement annuel.
Sur le front des métiers les plus représentés, l’informatique continue de se tailler, ou presque, la part du lion. LeHibou, Opteamis ou encore Comet font notamment office de référence sur ce marché. De nombreuses autres sociétés d’intermédiation sont parvenues aussi à se faire une place, en portant des freelances des métiers de la cybersécurité (Yogosha, Quorum Cyber) ; certaines des professionnels de la finance (Qwincy, Finstart) ; d’autres encore des experts du conseil stratégique (Colibee, Wegrow, Bloomco…). « On observe ces dernières années l’émergence de nombreuses sociétés d’intermédiation spécialisées dans différents domaines », a confirmé François Tourrette.
L’ensemble des sociétés d’intermédiation et plateformes pèse environ 3,2 milliards d’euros en France. Un chiffre qui commence à être vraiment significatif. Pour beaucoup, leur chiffre d’affaires a explosé
Les plateformes d’intermédiation généralistes, les premières à avoir émergé sur le marché, n’en continuent pas moins de croître de façon importante en surfant sur le mouvement de fond de l’accroissement du nombre de travailleurs indépendants. On y retrouve, pêle-mêle, Malt, Freelance.com, ou encore Little Big Connection. « L’ensemble des sociétés d’intermédiation et plateformes pèse environ 3,2 milliards d’euros en France. Un chiffre qui commence à être vraiment significatif. Pour beaucoup, leur chiffre d’affaires a explosé. De nombreuses sociétés d’intermédiation ont montré à leurs clients qu’elles étaient capables de bien gérer les indépendants qu’elles mettent à disposition », a commenté le fondateur du Brapi. « Les donneurs d’ordre ne peuvent plus aujourd’hui se passer des indépendants et, de facto, des indépendants », a-t-il ajouté. En somme, ce chiffre démontre que les bons profils et les bonnes compétences ne sont plus la propriété exclusive et unique des ESN.
Un marché plus favorable aux acheteurs qu’il y a deux ans
Les ESN et ICT représentent entre 600 000 et 650 000 ETP en France en moyenne chaque année. Il est toutefois important de noter que leurs perspectives de croissance en 2025 ne sont pas réjouissantes
Mais malgré quelques difficultés rencontrées ces dernières années, les ESN n’ont pas dit leur dernier mot. Bien au contraire. Elles continuent évidemment de faire figure de mastodonte. « Le marché des ESN en France est estimé à 35 milliards d’euros en 2024, pour une marge brute de 30 à 35 % en moyenne », a exposé François Tourrette. Un chiffre auquel il faut également ajouter le poids des sociétés d’ICT (NDLR : ingénierie et conseil en technologie), lesquelles pèsent quelque 8 milliards d’euros environ. « Les noms les plus connus sur ce segment sont Altran, Segula ou encore Alten », précise François Tourrette. « Les ESN et ICT représentent entre 600 000 et 650 000 ETP en France en moyenne chaque année. Il est toutefois important de noter que leurs perspectives de croissance en 2025 ne sont pas réjouissantes », a-t-il poursuivi.
Le marché de l’intérim français, véritable thermomètre de la situation économique du pays, a subi de son côté un contrecoup important (de l’ordre de 7 %) en 2024, reflétant bien les incertitudes économiques et politiques du pays. Et la tendance en 2025 ne devrait pas s’arranger. Le début d’année ne semble effectivement guère encourageant. Le marché, estimé à 30 milliards d’euros, pourrait faire face « à une baisse de 5 % », avance François Tourrette. Un chiffre toutefois bien au-dessus du portage salarial, dont le marché est évalué à 2 milliards d’euros, tandis que le management de transition ne dépasse pas la barre symbolique du milliard d’euros.
En ce qui concerne le sujet des TJM, en revanche, après plusieurs mois, même années d’inflation - + 5,2 % en 2022 et + 4,9 % en 2023 - la tendance observée en 2024 devrait se répéter. La hausse des prix devrait une nouvelle fois être bien moins vigoureuse. « Beaucoup de fournisseurs sont enclins à négocier leur taux journalier à la baisse pour être référencé auprès des donneurs d’ordre. Cela s’explique par le fait aussi que la demande baisse de plusieurs points depuis un moment désormais », indique François Tourette.
Une bonne nouvelle pour les acheteurs, dont les budgets ne sont pas vraiment à la hausse selon les premiers retours qu’il a donc recueillis. Cette détente est donc plus que bienvenue pour les acheteurs de prestations intellectuelles. Les prestataires, eux, font devoir faire face à un peu plus de difficultés qu’auparavant donc.
Selon le patron du Brapi, les donneurs d’ordres ne semblent pas vraiment disposés à s’engager sur le temps long, quand bien même leurs besoins restent particulièrement importants. La transformation digitale demeure en effet une obligation ; les missions spécifiques au sein des grandes entreprises, comme des ETI, continuent de pulluler. Mais sans doute plus autant que l’on a pu l’observer par le passé. Les donneurs d’ordre n’en ont quoi qu’il en soit pas fini d’endurer d’importantes difficultés au moment de recruter les bons sachants et les bons experts. Ceci quelles que soient les compétences et profils recherchés. Pour y remédier, ils sont de plus en plus nombreux à avoir décidé d’élargir leurs horizons. « Beaucoup sont tout de même tentés par le nearshoring. La Pologne, la Roumanie, l’Espagne, le Portugal, la Tchéquie offrent de belles perspectives. L’offshore - Brésil, Mexique, Inde - en offre également pour certains », a conclu François Tourrette qui accueillait notamment Julien Machenaud, directeur des achats indirects du groupe Lacoste ainsi que Christophe de Becdelièvre, fondateur et CEO de la société LeHibou.