Les achats de prestations intellectuelles de France Travail, véritable levier d’inclusion
Par Mehdi Arhab | Le | Prestations intellectuelles
Lors de la dernière réunion du Brapi, le département achats de la DSI de France Travail a expliqué la manière dont elle fait de ses achats de prestations intellectuelles informatiques un formidable levier d’inclusion. Exposé de Gilles Collet, responsable des achats et du juridique de la DSI de France Travail, Cécile Bleton, responsable de l’architecture d’entreprise, transformation du SI et de la RSE et Sandra Charrier responsable RSE de la DSI.
Avec la fin d’année qui approche à grands pas, le Club Brapi s’est réuni une dernière fois en ce mois de décembre 2024 pour échanger et débattre autour des achats de prestations intellectuelles. L’occasion pour Gilles Collet, responsable des achats et du juridique de la DSI de France Travail, Cécile Bleton, responsable de l’architecture d’entreprise, transformation du SI et de la RSE et Sandra Charrier responsable RSE de la DSI de France Travail, de présenter un de leurs projets phares. Pour rappel, France Travail (ex-Pôle Emploi) est le service public de l’emploi en France. Son rôle est d’indemniser les demandeurs d’emploi et de les accompagner vers le retour à la vie active, tout en guidant, en parallèle, les entreprises dans leurs recrutements. Des missions portées par plus de 55 000 agents.
Le SI de France Travail constitue en somme une grosse machine. Et pour cause, celui sert l’ensemble des acteurs du réseau pour l’emploi : conseils départementaux, les missions locales, les caps emplois … « Cela augmente forcément l’usage de notre SI », pose d’emblée Cécile Bleton. « En termes d’achats, on retrouve aussi bien de l’hébergement que bon nombre de prestations », complète Sandra Charrier. Du fait de son rôle et de ses missions, France Travail se positionne comme un acteur majeur de l’insertion en France. Et (ses achats de) les prestations intellectuelles sont un moyen de faire vivre des structures du STPA et plus globalement, des personnes éloignées de l’emploi.
L’intérêt est d’accompagner l’insertion des personnes éloignées de l’emploi via un volume d’heures
France Travail a ainsi mis en place un dispositif qui impose un certain nombre d’insertion. « Le département RSE de la DSI cherche à voir ce qu’il est possible de faire, en matière de décarbonation et/ou d’insertion, par segment d’achats », explique Sandra Charrier. « Les prestations de services intellectuelles offrent un certain niveau d’accessibilité pour des profils développeurs éloignés de l’emploi », complète-t-elle. « L’intérêt est d’accompagner l’insertion des personnes éloignées de l’emploi via un volume d’heures », raconte de son côté Gilles Collet.
Une relation partenariale
Le département achats de la DSI a opté pour une approche douce, constructive et bienveillante. « Quand il le faut et que nous le pouvons, nous aidons les titulaires des marchés à trouver des profils qui correspondent », précise Cécile Bleton. Ce dispositif, qui n’est pas obligatoire, prévoit in fine que France Travail épaule ses prestataires ESN lorsqu’elles éprouvent quelques difficultés à sourcer les bons profils dits « RSE ». L’insertion n’est en rien un réflexe des ESN et encore moins une de leur spécialité. Mais pour satisfaire à la clause, elles doivent se plier aux exigences très lourdes de la DSI de France Travail.
« Au regard du nombre d’insertion que nous réclamons, notamment sur nos marchés les plus importants, il est parfois complexe pour nos titulaires de chercher et fournir les ressources. Tous font la chasse plus ou moins au même moment. Nous avons donc réfléchi avec différents acteurs - ESN, réseau d’entreprises adaptées … - à la manière dont France Travail pouvait passer un cap en matière d’insertion et améliorer l’employabilité des personnes éloignées de l’emploi », relate Gilles Collet. « Ils peuvent aussi évidemment recourir à France Travail, s’amuse par la suite l’intéressé. Le tout étant que les ESN cherchent les profils les plus proches de l’emploi visé, or, ils ne le sont pas toujours. Se pose alors pour nous la question de savoir comment l’ESN va l’accompagner ».
Acheter des points de QI concentre en somme de plus en plus d’enjeux pour beaucoup d’entreprises et d’établissements publics, dont France Travail. Les projets pullulent et pourtant, les donneurs d’ordre endurent de grandes difficultés au moment de définir précisément le besoin et de recruter les bons sachants. Mais cette difficulté rejaillit en premier lieu sur les grandes ESN « Ce que l’on recrute, c’est avant tout du savoir et des compétences. Comme beaucoup j’imagine, nous sommes confrontés à des prescripteurs qui ont des demandes précises. Et leur proposer des profils comme ceux que l’on décrit ne leur convient pas toujours, par crainte parfois », a regretté Gilles Collet.
Ce n’est pas aux ESN ou à France Travail de former ces personnes. En revanche les premières doivent s’assurer qu’elles soient bien prêtes à assurer leurs missions une fois intégrées
Considérant que ce n’est ni à France Travail ni aux ESN de former les profils dits RSE, les Achats ont en définitive décidé de s’appuyer sur des réseaux et associations spécialisées. Ainsi, toutes les heures durant lesquelles lesdits profils sont formés et accompagnés en amont sont décomptées au crédit des prestataires ESN de France Travail. « Ce n’est pas aux ESN ou à France Travail de former ces personnes. En revanche les premières doivent s’assurer qu’elles soient bien prêtes à assurer leurs missions une fois intégrées », explique Gilles Collet. « Les ESN doivent identifier en amont les profils qui pourront exercer pour le compte de France Travail, s’adosser sur une ou plusieurs entreprises ou associations et confier à celles-ci le soin de former les profils destinés à exercer pour France Travail sous les environnements de France Travail », poursuit le même Gilles Collet.
Cet effort consenti par les ESN se répercute quoi qu’il arrive pour France Travail en surcoût à absorber. Une conséquence qu’elle accepte d’endurer sans détour. « Les ESN ne font rien gratuitement et la RSE a un coût, aussi parce qu’il faut la suivre », rappelle Gilles Collet. Ainsi, dès lors que ce montant est inscrit par les répondants qui adhèrent au dispositif, France Travail s’engage à payer le prix d’unité d’œuvre majoré de la somme indiquée au titre de l’insertion. « Lorsque les prix nous sont donnés au moment des appels d’offres, nous demandons aux répondants ce que représente 5 % de charges exécutés par un profil « RSE » de moins d’un an d’expérience en termes financiers », enseigne Gilles Collet.
« Nous nous positionnons comme un partenaire et, tout au long de la durée des marchés, nous nous donnons la possibilité de les faire évoluer sur des thématiques qui nous animent et que nous aurons calées conjointement dans un DCE ou lors du démarrage », expose de son côté Sandra Charrier. « Nous laissons l’initiative aux ESN de sourcer les profils qu’elles jugent intéressants, aux entreprises qui les accompagnent de les former comme il se doit sur le temps qu’elles jugent là aussi nécessaire », embraye le responsable des achats. L’accompagnement peut durer jusqu’à 12 mois si besoin, soit 1 600 heures à rapporter au crédit des ESN. Au-delà de requérir, la DSI et son service achats doivent suivre finement ses marchés pour voir si ce qu’elle a « imposé » est bien introduit dans leurs marchés. « Lorsque nous lançons nos marchés, nous souhaitons avoir des preuves et un suivi précis de façon à bien percevoir les niveaux atteints par nos fournisseurs », indique Sandra Charrier.
Des chiffres impressionnants
Les répondants qui confieront certaines activités, comme la gestion des incidents ou de la recette, à des entreprises du STPA au bénéfice de France Travail verront ces heures décomptées de leur débit au titre de leur engagement
Le recours à la sous-traitance (ou à la co-traitance) par les titulaires de ses marchés, qui peuvent, s’ils le souhaitent, confier à une ou plusieurs entreprises adaptées tierces l’exécution d’une partie de leur contrat, peut aussi contribuer à satisfaire les heures d’insertion à réaliser. « Les répondants qui confieront certaines activités, comme la gestion des incidents ou de la recette, à des entreprises du STPA au bénéfice de France Travail verront ces heures décomptées de leur débit au titre de leur engagement », confirme Gilles Collet.
La DSI compte aujourd’hui 34 marchés sur lesquels des clauses d’insertion sont inscrites. Pas moins de 240 000 heures d’insertion ont été réalisées à ce jour pour la DSI, soit plus de la moitié des heures d’insertion réalisées (un peu plus de 400 000) pour le compte de France Travail. « Le problème de l’insertion sociale dans les prestations intellectuelles reste un sujet important, y compris au niveau des critères à intégrer lorsque l’on juge de la promesse qui nous est faite au départ. C’est pour cela que nous sommes plutôt allés vers des clauses et la mise en place de ce dispositif, avec un engagement réclamé aux titulaires : celui de réaliser obligatoirement un volume d’heures d’insertion », embraye Gilles Collet.
Un marché en cours de publication, qui sera attribué en janvier prochain et dont la surface (plusieurs centaines de millions d’euros sur 4 ans), permettra selon toute vraisemblance d’obtenir des résultats concrets. Les Achats de la DSI de France Travail ont dans le marché quelque 1 500 heures d’insertion aux répondants tous les deux millions d’euros TTC commandés ; soit l’équivalent d’environ 180 personnes en insertion (sur une cohorte de 1 400 travailleurs qui viendront répondre aux besoins de la DSI de France Travail). « Les répondants devront se structurer, d’un point de vue sourcing, pour chercher des profils opérationnels à même de réaliser des activités qui nous sont utiles », prévient Gilles Collet. Ce dernier révèle que si des défauts sont constatés par la DSI, France Travail a prévu l’instauration de pénalités pour le moins dissuasives. Leur montant : 500 euros par jour de retard.