Les grands groupes français sont de plus en plus nombreux à se laisser tenter par les freelances
Par Mehdi Arhab | Le | Prestations intellectuelles
La plateforme française Malt, spécialisée dans la mise en relation de Freelances et d’entreprises, qui a flirté avec le milliard d’euros de volume d’affaires en 2023, a publié son étude Freelancing in Europe. Il en ressort notamment que les employeurs, notamment les plus grands, ont largement revu leur stratégie de recrutement et d’intégrations des freelances.
Le freelancing gagne du terrain, encore et encore. Dans sa dernière édition de son édition Freelancing in Europe, Malt indique d’ailleurs que les grandes entreprises, du CAC 40, ont révisé leur approche en matière de recrutement et d’intégration des freelances. Pour Malt, il paraît évident que les mastodontes de l’économie française « exploitent désormais les compétences, les connaissances et l’expertise des freelances de manière plus stratégique que jamais ». En deux ans seulement, entre 2022 et 2024, le temps de travail annuel des freelances avec les grandes entreprises a bondi, de 73 % en France.
En Espagne, il a même (plus que) explosé, l’augmentation étant de 220 %. Cela marque une bascule : les entreprises ne comblent non plus un manque de ressources, mais viennent plutôt dénicher les compétences là où elles sont. En somme, les freelances ne sont plus recherchés pour jouer les pompiers de service, mais réellement pour leur expertise et leurs compétences novatrices. Et cela, quelque soit leur fonction : tech & data, conseil, communication, marketing, graphisme … « Auparavant, les entreprises palliaient un certain manque de ressources, satisfaisaient un besoin court terme ou un projet très spécifique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, l’approche des grandes entreprises est beaucoup plus stratégique et réfléchie », a expliqué Perrine Ferrault, chief community officer chez Malt, au cours d’une conférence de presse de présentation.
Les freelances, des talents fidèles, les plus internes des externes
Toutefois, malgré cette progression, les grandes entreprises ne représentent encore « que 26 % du temps de travail des freelances », note Alexandre Fretti, co-directeur général de Malt. Mais il est à noter que les entreprises, notamment les plus grandes, se démènent pour maintenir leur pool de freelances dans leur giron. En effet, elles sont nombreuses à les faire travailler sur plusieurs missions, sur un temps long. Une manière pour elles de profiter de compétences pointues, de réduire le temps d’onboarding et de créer du lien entre les salariés et le groupe de freelances assignés à leur côté.
La fidélisation des talents, qu’ils soient salariés ou freelances, est un enjeu de tout premier ordre pour les entreprises. Certaines ont pris le sujet en main et défini une stratégie en la matière
« La fidélisation des talents, qu’ils soient salariés ou freelances, est un enjeu de tout premier ordre pour les entreprises. Certaines ont pris le sujet en main et défini une stratégie en la matière », commente Perrine Ferrault. Ainsi, selon cette dernière, de plus en plus de donneurs d’ordre offrent aux freelances une prime en fin de mission. D’autres communiquent en amont à ce sujet, pour attirer évidemment. Un peu plus de la moitié (54 %) des freelances à temps plein sur Malt ont d’ailleurs réalisé plus d’une mission avec le même client en l’espace de deux ans. Un taux conséquent et qui se traduit derrière dans le fait, que sept répondants sur dix à l’enquête de Malt font de l’établissement de relations durables avec leurs clients leur priorité́ absolue. Ils sont tout autant (74 %) à affirmer accepter des missions avec des clients qui correspondent à leurs propres valeurs.
Les freelances ont des atouts que les autres n’ont (n’auraient) pas
Et comme évoquer plus haut, si les entreprises se tournent vers ces profils, c’est avant tout pour leur expertise, leur expérience, aussi. La grande majorité des freelances (93 %) commencent leur parcours après avoir exercé une activité salariée à temps plein. En France, ils sont quelque 92 % à être diplômés d’études supérieures. Plus de la moitié (53 %) des freelances à temps plein ont travaillé en tant que salariés pendant sept ans ou plus, et 76 % d’entre eux peuvent se targuer d’avoir moins trois ans d’expertise dans leur domaine.
Ils consacrent en outre, en moyenne, quatre à six heures de leur temps chaque semaine au développement de leurs compétences pour rester compétitifs et mettre en avant la nature disruptive de leur travail. Leur soif d’apprendre et leurs méthodes de travail, parfois disruptives, séduisent. Et pas qu’un peu. « Leur valeur ajoutée, c’est cette expertise, clame Perrine Ferrault. Ils cultivent cet avantage compétitif ». Pour les freelances, il s’agit probablement avant tout d’un moyen d’accroître, encore et encore, leurs compétences et de diversifier leur gamme de services dans un contexte de travail qui s’est largement tendu.
Les freelances ont confiance en leur avenir et n’envisagent pas, pour l’écrasante majorité, de revenir au salariat
Et de toutes les manières, pour profiter de leur(s) talent(s), les entreprises n’ont plus vraiment d’autres choix que de les intégrer. Pour une raison en particulier : neuf répondants sur dix indiquent ne pas chercher un emploi salarié à temps plein, ce qui fait du freelancing leur choix de carrière. Le CDI ne séduit plus autant et pour les entreprises, c’est une donnée (majeure) à prendre en considération. « Les freelances ont confiance en leur avenir et n’envisagent pas, pour l’écrasante majorité, de revenir au salariat », confirme Perrine Ferrault, qui poursuit. « Les entreprises, même les plus grandes, ne sont pas en mesure d’internaliser toutes les compétences », rappelle d’ailleurs Perrine Ferrault. Plus de la moitié des plus de 5 000 freelances interrogés (contre 3 000 deux ans auparavant) ont ainsi déclaré ne pas subir de ralentissement de leur activité, ce qui signifie que leur charge de travail reste la même, voire a augmenté́ au cours de l’année écoulée.
Une hausse mesurée des TJM qui ne vient pas dégrader la réputation des freelances
De plus, compte-tenu de leur abattage et de leurs compétences, les freelancing ne reviennent pas si chers à une entreprise. Ils sont même jugés comme assez rentables. « Les clients peuvent compter sur eux sur le long terme pour obtenir des services de hautes qualités, ce qui s’avère particulièrement intéressant dans un contexte où de nombreuses entreprises ont à cœur de maîtriser leurs budgets », écrit Malt dans son étude. À peine plus de la moitié des freelances (55 %) ont d’ailleurs aligné leurs taux journaliers sur l’inflation. Cette augmentation des tarifs a été plus marquée en Espagne, où 75 % des freelances à temps plein y ont eu recours, contre seulement 39 % en France et 56 % en Allemagne. « Cela peut notamment s’expliquer par le fait que les freelances espagnols ont toujours pratiqué des prix inférieurs à la moyenne ». Une tendance de fond s’affirme : la vague du freelancing n’est pas prête de s’arrêter de déferler.