Stratégie ha

Ucanss : « Nous devons consolider notre activité et déployer de nouveaux segments d’achat »

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Patrick Badard, directeur de l’immobilier, de la RSO et des achats de L’Union des caisses nationales de Sécurité sociale, revient sur les objectifs de la centrale d’achat. Le développement de ses activités à destination des organismes de la Sécurité sociale et l’obtention d’effets de massification constituent deux de ses enjeux majeurs.

Patrick Badard, directeur de l’immobilier, de la RSO et des achats de l’Ucanss - © www.franckbeloncle.com
Patrick Badard, directeur de l’immobilier, de la RSO et des achats de l’Ucanss - © www.franckbeloncle.com

Vous avez été DSI pour différents groupes et entités publiques. Pourquoi vous êtes-vous orienté vers les Achats ?

Le hasard ! Lorsque j’étais DSI de l’Université Pierre et Marie Curie, une collègue m’a averti du fait que la Direction des Achats de l’Etat recrutait un chef de bureau pour les achats informatiques. Cela m’a intéressé, car j’avais effectué des achats de ce type durant mon parcours dans le public. Je pensais avoir fait le tour du métier et j’ai donc décidé de tenter l’expérience. Les processus et projets d’achats ont beaucoup en commun avec les projets informatiques. Les deux métiers réclament la même rigueur, la même organisation et le même niveau de coopération avec les différentes lignes de métiers pour réussir.

Comment définiriez-vous le rôle de l’Ucanss ?

L’Ucanss est une entité chargée d’assurer des tâches d’intérêt commun pour les acteurs de la Sécurité sociale, à savoir les Caisses primaires d’Assurance maladie, les Caisses d’Allocations familiales, les Caisses de retraite, les Urssaf, etc., en lien avec leurs Caisses nationales. À l’origine, l’Ucanss a été créée pour négocier et gérer, avec les organisations syndicales, les conventions collectives qui couvrent les salariés du régime général de la Sécurité Sociale.

Nous agissons désormais en impulsion nationale sur de nombreux champs et également comme une centrale d’achat

Nous agissons désormais en impulsion nationale sur de nombreux champs (appui juridique, développement RH, formation, politiques RSE-RSO …) et également comme une centrale d’achat, en mutualisant certaines passations de marchés publics pour ces organismes. Il nous a été confié aussi d’autres missions, autour de l’immobilier notamment. 

Nous devons aujourd’hui consolider, développer notre activité, la professionnaliser, ouvrir et déployer de nouveaux segments d’achat auprès de l’ensemble de nos clients. Ces organismes de droit privé sont autonomes dans leur gestion et ne sont de fait pas juridiquement contraints de passer par nos services pour effectuer leurs achats. Néanmoins, nous jouissons de taux d’adhésion extrêmement élevés, proche des 100 % sur une grande majorité de nos marchés. Nous venons par ailleurs de signer notre Convention d’objectifs et de gestion avec l’État ; un document qui orientera nos actions pour les cinq prochaines années.

Quelles en sont les grandes lignes ? 

Il nous est demandé d’obtenir des effets de massification et de développer plus largement la centrale d’achats au sein des Achats de la Sécurité sociale,

Il nous est demandé d’obtenir des effets de massification et de développer plus largement la centrale d’achats au sein des Achats de la Sécurité sociale, qui représentent un total annuel de deux milliards d’euros. Le chiffre d’affaires de la centrale d’achat en 2021 s’élève à 400 millions d’euros et nous avons enregistré au premier semestre 2022 un chiffre d’affaires de 240 millions d’euros. De plus en plus d’organismes de la Sécurité sociale font appel à nos services et la progression de notre chiffre d’affaires passera par la mutualisation autour de nouvelles familles d’achat, à commencer par les achats informatiques. Compte tenu de l’importance des systèmes d’information et des bases de données gérés, ceux-ci pèsent pour un tiers des achats de la Sécurité Sociale.

Une réflexion se pose également sur les achats de services dits « locaux », comme l’entretien des bâtiments - représentant 4,5 millions de mpour près de 3 000 immeubles - et des espaces verts. Le marché fournisseurs y est souvent atomisé et nous peinons encore à adresser cette famille. L’objectif étant là encore de créer des effets de mutualisation et de massification au niveau local, pour améliorer de façon importante la performance achats des organismes de la Sécurité Sociale. 

De quelle manière s’organise la direction des achats de l’Ucanss ?

Notre service achats est bâti autour de trois pôles et chacun d’eux est piloté par un manager. Cette organisation administre les achats de la centrale d’achats, pour le compte des organismes de la Sécurité sociale d’une part et, d’autre part, les achats propres à l’Ucanss. Cela ne représente qu’un volume marginal de notre activité, mais un grand nombre de procédures.

Le premier, avec à sa tête un responsable achats, est composé de six acheteurs, qui interviennent sur différents marchés. L’un d’eux est spécialisé sur la famille d’achat énergie ; une catégorie extrêmement complexe. Une autre de nos collaboratrices est quant à elle experte sur la famille des imprimés, une activité historique de l’Ucanss qui touche l’ensemble de nos concitoyens, avec l’impression, notamment, des feuilles de soin ou des fiches d’arrêt de travail.

Le deuxième pôle est organisé autour de trois juristes commande publique. Ils s’assurent de la conformité juridique des procédures pour rédiger les cahiers des clauses administratives particulières (CCAP) et les règlements de consultation (RC). Le dernier pôle est une sorte de service après-vente, dans lequel six personnes opèrent. Elles suivent l’exécution des marchés, pilotent la relation fournisseur et, le plus important, guident les organismes qui rencontrent des difficultés sur nos marchés. 

Quels sont vos marchés emblématiques ?

Nous comptons une trentaine d’offres de services ; une offre de services pouvant couvrir plusieurs marchés. Les premiers marchés qui nous sont confiés par les organismes de Sécurité sociale sont les plus techniques ; l’élaboration du cahier des charges et les techniques d’achats à mettre en œuvre étant complexes. Cela concerne en premier lieu les marchés d’énergie - électricité et gaz - pour l’ensemble des organismes de la Sécurité sociale, ainsi que la maintenance des ascenseurs ; un marché épineux et difficile à exécuter. Nous gérons également le plan national d’assurance de la Sécurité sociale, qui réclame une technicité forte.

Ayant historiquement la charge de la gestion des conventions collectives du Régime général de la Sécurité sociale, nous comptons de nombreux marchés dans le domaine RH. Nous y retrouvons les marchés relatifs à l’achat de titres-restaurant et les marchés d’intérim administratif et informatique. La mobilité est aussi un segment d’achat majeur, avec notamment un marché d’agence de voyage pour les déplacements professionnels ou les marchés de carte-carburant pour l’approvisionnement des salariés de la Sécurité sociale qui doivent se déplacer. Les marchés d’imprimés sont également notables. D’autres marchés plus spécifiques, comme celui de l’accueil téléphonique des personnes sourdes et malentendantes ou celui de la vérification périodique des bâtiments, s’avèrent particulièrement importants.

Deux de vos principaux marchés concernent l’énergie et le papier. Comment les appréhendez-vous ?

La priorité est d’assurer l’approvisionnement de nos organismes. C’est l’un de nos gros enjeux et nous savons qu’un certain nombre d’établissements et d’entités du secteur public ont rencontré des difficultés avec leurs fournisseurs, les obligeant à réagir dans l’urgence. Nous veillons en premier lieu à travailler avec des fournisseurs solides. Pour ce qui est de la hausse des prix, nous la subissons comme tout le monde. Sur l’énergie, nous tentons de lisser les évolutions du marché, en achetant nos lots de manière progressive. Cela impose de suivre les cours avec beaucoup d’attention pour s’assurer d’acheter ou de « cliquer » au moment le plus opportun.

Notre réussite réside dans le fait d’avoir le maximum de visibilité sur un marché dont le niveau de variabilité est sans précédent

Ce travail de suivi et de lissage de nos achats est un mécanisme qui permet de réduire quelque peu les impacts de cette tendance haussière. Notre réussite réside dans le fait d’avoir le maximum de visibilité sur un marché dont le niveau de variabilité est sans précédent. Concernant le papier, la hausse des prix de la pâte à papier et des prix du transport ne nous arrangent pas. Nous opérons avec nos fournisseurs, une petite dizaine d’imprimeries, toutes des PME, pour comprendre ce qu’il en est et où elles en sont, afin, si nécessaire, de trouver des solutions, qui doivent néanmoins rester conformes au Code de la commande publique. 

Justement, quel est votre rapport aux PME ? 

Notre objectif n’est pas de les favoriser, car nous n’en avons pas le droit, mais de veiller à ce que nos marchés leur permettent de répondre via des allotissements. Nous découpons, autant que possible, nos marchés de manière à s’assurer qu’une partie puissent atterrir dans leurs mains. Sur l’exemple des imprimés, nous aurions pu monter un marché de plusieurs dizaines de millions d’euros, mais nous avons privilégié une découpe par types d’imprimés, afin de permettre à des petites structures spécialisées de se positionner. 

Quelles ambitions portez-vous en matière d’achats responsables ?

Nous sommes soumis à une ardente obligation en la matière. La commande Publique est un levier qui aide à l’insertion sociale et permet d’appuyer le développement territorial. En 2021, 65 % de nos marchés disposaient d’une clause environnementale et 35 % une clause sociale. Par ailleurs, près de 60 % de nos marchés ont été attribués à des PME.

L’achat responsable est une préoccupation quotidienne (…) et nous avançons pour l’année qui vient vers la labellisation

L’achat responsable est une préoccupation quotidienne et c’est un instrument de développement certain. Nous sommes signataires de la Charte Relations fournisseurs et achats responsables et avançons pour l’année qui vient vers la labellisation. Elle se matérialisera notamment par la systématisation de clauses environnementales dans nos marchés et par le développement de nos achats auprès d’EA et Esat. Nous sommes porteurs d’une convention avec le Réseau Gesat, qui nous propose également une place de marché sur laquelle nous publions nos besoins. Celle-ci permet à tous les organismes de la Sécurité sociale d’aborder l’ensemble EA et Esat sur le territoire. 

L’économie circulaire et la seconde main constituent un axe structurant, sur lequel nous avons commencé à travailler à travers le marché relatif aux machines à affranchir. Il prévoit l’utilisation de matériaux reconditionnés. Le marché de l’IT, sur lequel nous souhaitons nous développer, peut être une source importante d’économie circulaire à activer. Et pour certains marchés, nous réfléchissons même à acheter uniquement du matériel reconditionné.

Où en est votre feuille de route digitale ?

Nous n’avons pas de SI achats et c’est un axe sur lequel nous devons travailler. Nous avons prévu d’en acquérir un, que nous pourrons partager avec tous les organismes de la Sécurité sociale. L’intérêt reste de partager les données et les informations de manière fluide entre toutes les parties prenantes. Sur la phase de sourcing, à titre d’illustration, nous n’avons pas encore d’outil permettant de digitaliser cette tâche. 

Néanmoins, nous disposons d’un certain nombre d’outils de l’État. Nous publions nos marchés sur la plateforme « PLACE » et nous avons fait migrer tous les organismes de la Sécurité sociale sur la plateforme Chorus Pro pour la partie facturation. Nous travaillons sur ces sujets avec l’État, qui est porteur d’outils adaptés à notre mode de fonctionnement. Beaucoup de parties du processus sont déjà numérisées et digitalisées, notamment sur les parties publication, notification et exécution.