Sourcer à proximité, une évidence pour la marque de textile Asphalte
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Asphalte fonctionne sur le principe de la co-création et de la pré-commande pour ses vêtements. Ce business modèle s’appuie sur des relations stratégiques avec des fournisseurs de proximité. Des relations particulièrement précieuses dans le contexte actuel d’inflation sur les matières et de tension sur les approvisionnements.
Créé en 2016, Asphalte questionne ses clients sur leurs besoins entre quatre jours et plusieurs mois, puis lance la production. Trois mois plus tard en moyenne les clients reçoivent leur produit. Un délai qui peut paraître long mais qui est en réalité parfaitement optimisé quand on sait que le délai moyen pour la seule production de matière peut être de trois mois. Pour arriver à ce résultat, la responsable production, achats et impact d’Asphalte, Constance Chassany - qui gère en 2021 à dix millions d’euros dont 45 % d’achats de matières premières et accessoires - a bâti sa supply chain sur des relations de confiance avec des fournisseurs de proximité. « Nous n’anticipons jamais la confection mais il nous arrive d’anticiper les achats de matières et de négocier avec nos fournisseurs pour organiser des réassorts très rapides de matières premières », précise-t-elle.
A l’exception de son fournisseur japonais de denim, ses fournisseurs sont principalement en Europe. Les fournisseurs de matières premières sont en grande majorité en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni et en France. Les sous-traitants en confection sont basés au Portugal, ainsi qu’en Roumanie et en Bulgarie.
Des fournisseurs visitables dans la journée
Le choix de ne pas recourir à des fournisseurs asiatiques résulte à la fois de contraintes opérationnelles et d’une volonté de positionner la marque comme un acteur responsable. Etant donnée les contraintes de réactivité imposées par son business modèle, le recours à des fournisseurs asiatiques imposerait de recourir à l’avion. « La proximité nous apporte plus de réactivité et nous permet de mieux connaître nos fournisseurs. Nous pouvons nous déplacer chez eux du jour au lendemain si nous avons le moindre problème de production. Le choix de travailler en Europe répond aussi à notre volonté de travailler selon des normes sociales et environnementales plus strictes », explique Constance Chassany.
Nous arrivons donc au bout du modèle avec les matières japonaises, mais il n’en reste pas moins qu’ils détiennent un vrai savoir-faire sur le denim
Jusqu’ici, ce modèle a également permis à la marque de faire face plus sereinement aux tensions sur les matières premières. La situation impose pour autant quelques remises en question, à commencer par le sourcing du denim au Japon. La pénurie de containers a fait passer le délai de transport de ces produits de six semaines à trois mois, ce qui, dans un contexte d’accroissement des volumes commandés par Asphalte, n’est plus tenable. « Pour aller chercher de nouveaux clients nous améliorions nos délais de livraison. Nous arrivons donc au bout du modèle avec les matières japonaises, mais il n’en reste pas moins qu’ils détiennent un vrai savoir-faire sur le denim que nous avons du mal à trouver en Europe », tempère la responsable production, achats et impact.
Du long terme et de la croissance
Dans le pilotage de ses relations fournisseurs, Constance Chassany est guidée par trois principes inscrits dans son intitulé de poste : les coûts, les délais et la RSE. Mais son horizon est résolument long-termiste, ce qui lui permet également de peser dans la relation. « Dès le début, le discours que nous tenons à nos fournisseurs c’est que si la relation fonctionne sur de bonnes bases, ce qui se profile, ce sont des années de collaboration avec des volumes croissants. Beaucoup de nos fournisseurs voient le potentiel d’une marque comme la nôtre et on envie d’avoir une relation privilégiée avec nous », assure-t-elle.
Plus nous attendons, plus les prix augmentent, c’est même perceptible de semaine en semaine
Ces relations collaboratives avec les fournisseurs ont été précieuses jusqu’ici mais face au contexte inflationniste, Asphalte doit accepter de faire quelques compromis sur son business modèle. « Nos fournisseurs subissent aussi le contexte actuel et nous demandent de nous engager sur des volumes sur l’année 2022. Ce que nous avons beaucoup de mal à faire », reconnait Constance Chassany. Elle résume ainsi l’équilibre à trouver : « Il va falloir, que nous nous décidions soit à faire des paris sur les volumes et éventuellement gérer du stock - ce que nous n’avons pas envie de faire et qui est contraire à notre modèle de précommande -, soit à prendre plus de marge sur les délais. Nos marges financières risquent d’en pâtir parce que, plus nous attendons, plus les prix augmentent c’est même perceptible de semaine en semaine », explique-t-elle.
Dans cette quête du bon équilibre, deux solutions se profilent : s’engager avec les plus gros fournisseurs sur le premier semestre et avancer à vue sur le reste de l’année en s’appuyant sur l’équipe analyse de la donnée créée par Asphalte cette année pour gagner en visibilité sur les plannings et les besoins à venir.
En chiffres
Chiffre d’affaires : 13 M d’€
Effectif total : 53 personnes
Montant des achats : 10 M d’€
Effectif achats, production, impact : deux acheteurs, et quatre responsable sourcing et stratégie de collection