La gestion des priorités, entre urgences et importance incontestable
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
À l’occasion du Club Managers Achats du mois de février, une vingtaine de responsables et directeurs des achats sont revenus sur la manière de prioriser leurs sujets avec des ressources limitées. La chose, bien que difficile, pousse les patrons d’achat à faire preuve d’inventivité. Compte-rendu, non exhaustif bien sûr.
Et si les priorités achats n’étaient pas les bonnes ? Ne pas les hiérarchiser correctement ses sujets peut engendrer de grands risques, de très grands même. Et pour cause, les enjeux sont nombreux, extrêmement importants pour l’entreprise. Longtemps cantonnée à un rôle, beaucoup trop réducteur, de cost killing, la fonction achats est parvenue depuis quelques années à tirer son épingle du jeu et à s’éloigner de cette image désoxydante. La fonction est aujourd’hui reconnue par beaucoup comme stratégique. Encore faut-il définir ce qu’est une ligne de métier réellement stratégique et peut-être arrêter d’employer ce terme à toutes les sauces. Mais là n’est pas vraiment le sujet non plus.
Lorsque l’on a autant de priorités, nous n’avons en réalité plus aucune priorité
Entre les savings, la recherche d’innovation, l’apport de performance et de résultats (sur tous les plans) ou encore, la RSE, les priorités des directions achats peuvent être nombreuses. Les impondérables sont ceux qu’ils sont. D’aucuns diront qu’il y en a énormément. « Lorsque l’on a autant de priorités, nous n’avons en réalité plus aucune priorité », s’amuse l’un des convives, directeur des achats d’un grand établissement public. Les bonnes pratiques voudraient que les objectifs des acheteurs soient déclinés au millimètre sur les priorités de l’entreprise. Mais le quotidien ne permet pas toujours de satisfaire ce vœu (pieux). Dans un monde où la fonction se rêve comme une source incontestable et incontestée de création de valeur, elle se doit de faire (encore) ses preuves pour faire taire les derniers sceptiques à son sujet. Elle a évidemment évolué en profondeur et se positionne comme un business partner de premier plan. Mais est-ce bien suffisant ? Et a-t-elle, surtout, le moyen de ses ambitions ? Rien n’est moins sûr.
Multiplication des sujets, quelle priorité prioritaire ?
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de faire des achats et de générer simplement des petites économies ici et là, mais bien d’aider l’entreprise à se développer comme il se doit, à mon échelle
Après s’être longtemps concentré, sur demande, sur l’optimisation, voire la réduction, des coûts, les directions achats ont opté pour un modèle resserré de pilotage des ressources externes. Il n’y a finalement qu’un pas entre les deux. Et cela n’échappe plus à personne. Mais chaque modèle d’entreprise est différent et la nature de l’actionnariat d’une entreprise oriente forcément les priorités des directions achats. Une entreprise sous LBO se doit de poursuivre sa quête : celle d’une forte rentabilité. « Nous avons besoin d’être super flexible pour traiter le maximum de sujets, en France et à l’international », explique un directeur achats d’une entreprise dans ce cas. Voilà qui oriente donc les actions de la direction achats. Mais est-ce que cela la condamne à agir uniquement sur la performance financière ? Bien sûr que non. « La RSE nous permet aujourd’hui de sortir du sacro-saint des Achats », commente par exemple l’un des invités. « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de faire des achats et de générer simplement des petites économies ici et là, mais bien d’aider l’entreprise à se développer comme il se doit, à mon échelle », embraye un autre. « Dans un groupe familial, les savings sont importants mais loin d’être une priorité. Le plus important est de parvenir à cultiver son panel fournisseurs, de veiller à ce qu’il accompagne l’entreprise, d’éviter les ruptures pour assurer la croissance », continue un autre. Preuve sans doute que les directions des achats et leurs patrons souhaitent ardemment que leurs actions donnent lieu à de la valeur ajoutée.
Et dans un contexte où les risques grandissent et la réglementation est de plus en plus contraignante, la mise sous contrôle de ces aspects est un vaste défi, très consommateur de temps. « Si nous n’arrivons pas à répondre aux besoins de l’entreprise, nous devenons sans intérêt », assure l’un des convives. Mais beaucoup d’entre avouent justement ne pas avoir assez de temps, les urgences s’accumulant, encore et encore. « Quand tout est urgent, plus rien ne l’est finalement », affirme l’une des convives. Mais alors, comment libérer du temps à l’acheteur, les équipes étant rarement extensibles à souhait ? La digitalisation est là pour aider. Autant d’opportunité pour les Achats d’automatiser ce qui ne revêt pas une très grande importance stratégique. « Sur cette question des ressources limitées, tous les outils d’IA pourraient nous aider, fait savoir une directrice des achats présente lors du débat. J’ai demandé que tous nos collaborateurs soient équipés de ChatGPT Enterprise au sein duquel se cache un module negotiator. Cela permet de laisser la main et d’aider l’opérationnel sur les achats non stratégiques et nous offre l’opportunité de nous concentrer sur des projets réellement stratégiques pour l’entreprise. Ce n’est pas négligeable ».
La digitalisation, le meilleur moyen pour gagner du temps d’acheteur
Dans la mouvance des évolutions technologiques, les plateformes collaboratives apparaissent comme une véritable aubaine en mesure d’apporter une aide précieuse aux démarches de pilotage des dossiers d’achat. Ces outils répondent aussi à des exigences internes, d’agilité notamment et permettent de repenser sa manière d’opérer. « Le fait d’externaliser est une idée », glisse un autre. Mais là encore, vient la question des moyens et du budget.
Pour pouvoir agir efficacement, une direction des achats a nécessairement besoin de moyens, mais comment trouver les bons arguments pour décider la direction générale à investir dans son organisation achats ? « Il faut être malin et avoir fait preuve d’intelligence dans l’utilisation des moyens à disposition, être proactif et force de proposition. Cela prend du temps, évidemment, mais c’est nécessaire pour qu’on nous affecte des ressources et nous permette de dégager des résultats », assure un directeur achats. « Nous avons des projets et nous avons besoin de moyens, c’est obligatoire. Si l’on serre la vis et que l’on n’investit pas pour l’avenir, il est évident que cela sera difficile de prioriser ce qui doit l’être », conclut une convive.