Onet : « L’urgence climatique pourrait clairement nous emmener vers plus d’innovation fournisseur »
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Olga Guyot, directrice des achats du groupe Onet, défend l’importance des démarches d’innovations fournisseurs et de co-construction pour générer de la valeur. Mais au sein d’une organisation achats centralisée relativement jeune et pour le moment en pleine expansion, elle s’applique encore à établir des process et règles robustes avant de se jeter pleinement dans l’aventure.
Comment les Achats se positionnent-ils par rapport à la grande variété des activités de votre groupe ?
Onet est une entreprise familiale française, marseillaise de l’ingénierie et de services. Nous œuvrons sur de nombreux métiers : la propreté, notre métier historique, mais aussi la logistique, la sécurité humaine et électronique, la maintenance, l’ingénierie et la formation dans le domaine du nucléaire et les services aéroportuaires. L’entreprise compte un peu plus de 70 000 salariés, la majorité étant basée en France et les autres sont répartis sur nos filiales aux Etats-Unis, au Brésil, en Espagne, au Luxembourg et au Maroc.
La société est organisée par branche et, d’une certaine manière, les Achats avaient été aussi organisés de la sorte dans un premier temps. Il y a encore trois ans et demi, au moment de mon arrivée, l’entreprise n’était pas pourvue en organisation achats centrale ; hormis une structure basée au siège qui administrait les achats indirects - services généraux. Mon poste à la tête de la direction des achats et moyens généraux a été créé en 2019. La fonction au sein du groupe a alors été complètement repensée et transformée, avec d’une part l’ensemble des achats métiers, en rattachement fonctionnel et d’autre part les achats indirects, en rattachement hiérarchique.
Comment pilotez-vous la problématique de l’innovation fournisseur et quel est votre plan de performance en la matière ?
L’innovation fournisseur est un sujet qui revêt une certaine importance, avec beaucoup de potentiel et sur lequel nous sommes encore en quête de trouvailles. Nous posons pour le moment les bases et fondamentaux, mettons en place des process et des règles avant de nous pencher pleinement sur le sujet de l’innovation. Il est évident que le sujet nous intéresse. Par ailleurs, le contexte inflationniste nous pousse progressivement à plonger dans le grand bain. L’innovation fournisseur et la notion de partenariat deviennent cruciales. Nous avons d’ailleurs mené quelques actions ponctuelles : le premier exemple qui me vient à l’esprit concerne la gestion de notre flotte automobile, qui représente une dépense annuelle d’environ 25 millions d’euros.
Avec nos fournisseurs automobiles et loueurs, nous avons réfléchi à différentes pistes pour tourner la situation en notre faveur, optimiser notre parc et assurer les livraisons des véhicules à nos équipes
Nous avons un parc conséquent de 4000 véhicules légers. Nous avons, ces dernières années, fait face à des pénuries et des soucis importants liés aux difficultés des constructeurs automobiles (fermeture des usines, pénurie de composants, etc.) Certains modèles n’étaient plus produits et disponibles, les prix sont passés du simple au double et les délais de livraison se sont fortement allongés. De fait, avec nos quelques fournisseurs automobiles et loueurs, nous avons réfléchi à différentes pistes pour tourner la situation en notre faveur, optimiser notre parc et assurer les livraisons des véhicules à nos équipes dans les meilleurs délais. Nous avons ainsi fait le choix de l’électrification de notre parc. Pour tout avouer, cela intervenait aussi dans la suite du programme Mobilité Responsable que nous avons lancé en 2019 avec la directrice du développement responsable du groupe. C’était l’occasion de renforcer la chose. D’ailleurs, le 25 octobre prochain, nous organiserons un événement test grandeur nature lors duquel les collaborateurs du siège d’Onet pourront essayer les dernières innovations de nos fournisseurs automobiles - à savoir les tous derniers modèles de véhicules électriques qui sortent sur le marché.
Que ressort-il de cette action ?
Je pense que nous jouissons des vrais avancements en ce qui concerne l’intégration du développement durable dans nos achats, en pleine cohérence avec la stratégie du Groupe Onet qui vise à être une entreprise à impact. Pour reprendre l’exemple de la flotte automobile, en 2019, notre catalogue de véhicules était à 95 % diesel. Aujourd’hui, il est composé à plus de 50 % de véhicules verts.
Nous avons opté pour l’intégration de nombreux critères développement durable dans nos appels d’offres
D’autres avancées ont aussi été réalisées, notamment sur les vêtements de travail que nous achetons pour les plusieurs dizaines de milliers de salariés que nous devons équiper en uniforme. Nous avons opté pour l’intégration de nombreux critères développement durable dans nos appels d’offres, notamment celui de la BU Sécurité Humaine que nous avons récemment mené. Un autre de nos appels d’offres récent concernant la restauration d’entreprise intégrait également des critères RSE, tels que le circuit court ou encore la filière biologique.
Vous parliez de l’inflation, y a-t-il d’autres causes qui vous poussent vers l’innovation fournisseur ? Quels sont les autres postes de dépenses que vous pourriez toucher ?
L’urgence climatique est un sujet qui pourrait clairement nous emmener vers plus d’innovation fournisseur. Sur l’exemple de notre flotte, le prix et les tensions du marché sont autant de raisons qui nous ont amenés à changer d’approche. Il y en a d’autres : la réglementation et les ZFE, qui sont très contraignantes et nous ont obligés à revoir notre plan d’action, trouver de nouvelles solutions y compris avec nos fournisseurs de longue date. Sur les autres postes de dépenses que nous comptons, les plus importants sont l’intérim et l’informatique. Si nous avons des leviers importants sur la flotte auto, ils me paraissent pour le moment bien moindres sur l’intérim. Mais peut-être y aura-t-il à terme quelque chose qui sortira de l’ordinaire et sera bénéfique pour notre activité. L’innovation est aussi quelque chose dont nous ne soupçonnons pas l’existence à l’instant présent.
Nouer des partenariats est-il une piste ?
J’y crois très fortement, cela permettant de réduire les risques ainsi que nos coûts. Je passais il y a peu au Comex pour évoquer le contexte actuel, le rôle des Achats au sein de l’entreprise et je rappelais ma conviction sur l’existence de cycle. Il y a quelques années, les acheteurs étaient vus comme des cost killer et cela était difficilement contestable.
Il me paraît évident que pour survivre et innover, il faut construire des partenariats
Je pense que l’époque et le marché le réclamaient. Pour autant, aujourd’hui, nous vivons un autre cycle qui demande la création de partenariat et d’actions de co-construction pour générer de la valeur. Je ne pense pas que ce soit véritablement une évolution ; un nouveau cycle émergera sans doute à la surface à un moment. Seulement, ce cycle de partenariat qui durera le temps qu’il faudra et apportera sa pierre à l’édifice, laissera sa place à un autre. Dans le contexte actuel, il me paraît évident que pour survivre et innover, il faut construire des partenariats.