L’inflation, ou le moment de réinventer encore ses pratiques achats
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
La première rencontre du Club Planète Sourcing de l’année 2023 a rassemblé près d’une trentaine de directeurs et directrices achats grands groupes. Dans une ambiance animée et conviviale, ils sont revenus sur le besoin de réorienter la fonction en ces temps d’inflation galopante.
L’étude menée par le cabinet Agile Buyer l’affirme : l’indice de bonheur des acheteurs en France est au beau fixe ; et pour cause, quelque 82 % des interrogés déclarent être heureux dans leur vie professionnelle. Pourtant, jamais les Achats n’ont semblé autant sollicités et sous pression. « Nos équipes sont mises fortement à contribution depuis trois ans », lâche un directeur achats d’un acteur majeur de l’agroalimentaire.
Si elles ne sont pas déprimées, mes équipes connaissent une très forte pression
« Si elles ne sont pas déprimées, mes équipes connaissent une très forte pression », poursuit l’une des convives. Bref, le son de cloche est le même ou presque pour tous : les acheteurs, bien que fondamentaux pour maintenir à flot l’entreprise, s’échinent pour tenir face à une tendance haussière somme toute colossale.
Une occasion rêver de repenser la fonction
Pour autant, le contexte inflationniste pourrait se révéler comme l’opportunité rêvée de réorienter la fonction achats. « C’est le moment parfait pour travailler sur la valeur », explique une figure majeure de la ligne de métier en France. « Cette situation nous oblige à trouver des solutions à long terme à des problématiques court terme », poursuit-il. Néanmoins, s’ils prennent une place de plus en plus prépondérante dans l’entreprise, les acheteurs peinent encore à être réellement loués en interne. « Il faut que l’entreprise trouve des moyens de valoriser les efforts de négociations des acheteurs », clame d’ailleurs l’une des invités.
Les Achats, une réinvention sur d’autres réinventions
Au centre du dispositif donc, les acheteurs traitent davantage désormais des sujets de fonds, opérationnels et stratégiques. Un rêve ou presque pour une directrice achats présente. « Les Achats arrivent enfin à travailler sur la demande ! C’est bien plus sympathique et valorisant de travailler avec les vendeurs pour ajuster l’offre », se félicite-t-elle. Désormais, la fonction achats n’est plus cantonnée à la simple gestion des coûts. Elle a dorénavant tout le loisir de se balader sur l’ensemble de la chaîne de valeur et d’intervenir en amont sur bien des sujets.
Nous avons sans cesse jonglé avec différents rôles
Un statut et un droit qu’elle a gagné ces dernières années après avoir démontré tout son savoir-faire d’abord au plus fort de la pandémie de Covid et maintenant avec l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie. « Nous avons sans cesse jonglé avec différents rôles, comme celui de logisticien et d’approvisionneur. Nous avons durant la crise Covid piloté la relation fournisseur au plus près. Puis, nous avons dû gérer une forte demande dans un contexte de pénurie marqué », rappelle l’un des invités, directeur achats d’un spécialiste de l’ameublement.
Faire preuve de flexibilité ou rester ferme
Si la bienveillance et des relations partenariales servent sans aucun doute en temps d’inflation, certains acteurs n’hésitent pas à manifester leur ténacité. L’une des convives indiquent que ses contrats portent tous sur trois ans et sont basés sur des prix fixes et fermes. Une posture assumée, alors que beaucoup de directions des achats considère qu’elles font l’objet de demandes d’augmentation opportunistes de la part de fournisseurs « profiteurs ». « Pour motiver nos fournisseurs, nous leur assurons le maximum de business et misons sur la massification. Et pour éviter qu’ils lèvent le stylo, nous trouvons des doubles sources », révèle-t-elle.
La gestion des priorités pour demeurer efficaces
Sans doute surmenés, les acheteurs ne peuvent être efficaces sur tous les sujets. Charge alors au directeur achats de définir au mieux les priorités de ses troupes. Le but ? Leur permettre de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée. « Le rôle du CPO reste d’équilibrer les sujets structurels liés à l’activité de l’entreprise et les urgences à gérer. Il faut qu’il puisse fixer des objectifs ambitieux et attrayants à ses équipes, quitte à arrêter certaines tâches sans intérêt », expose l’un des convives. « La crise permet de faire des choses dont nous rêvions, comme relocaliser et rapprocher nos sources d’approvisionnement », ajoute-t-il. « Le directeur des achats doit donner de l’inspiration », acquiesce une autre convive.