Jeumont Electric fait des Achats un levier de choix dans sa recherche de performance
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Racheté en tout début d’année par Framatome et Naval Group, Jeumont Electric entame un nouveau chapitre de son histoire. Ce groupe, fournisseur pour l’industrie nucléaire ainsi que pour le secteur de la défense, place les achats au centre de son renouveau. Vincent Blomme en est le patron depuis le mois de janvier 2024 et rapporte au nouveau président Renaud Moretti. Au cœur de ses priorités : la sécurisation des appros, la standardisation et le management des risques.
Jeumont Electric, entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de convertisseurs, moteurs électriques et alternateurs, écrit depuis le début d’année 2024 un nouveau chapitre de sa belle et (très) longue histoire. Et pour cause, Framatome et Naval Group ont annoncé en janvier dernier la finalisation de l’acquisition de cette société industrielle emblématique et historique fondée en 1898 par un ingénieur belge du nom de Julien Dulait. Un projet de rachat dont les racines remontent à l’été 2023 ; l’opération, une première fois retoquée par la Commission européenne, avait été repoussée de quelques mois. Le savoir-faire, les compétences pointues et les technologies novatrices de Jeumont Electric ont grandement séduit les deux mastodontes de l’économie française, qui ont acquis respectivement 68 % et 32 % des parts de l’entreprise, dont le fief est situé, comme son nom l’indique, à Jeumont (59), dans le nord de la France. Pour eux, c’est aussi l’occasion de sécuriser leur propre supply chain amont ; Jeumont Electric étant un fournisseur stratégique pour l’industrie nucléaire ainsi que pour le secteur de l’énergie et de la défense, notamment la marine militaire. Ces deux marchés constituent d’ailleurs depuis de nombreuses années les deux piliers du développement de cet équipementier.
Un nouveau président, Renaud Moretti, ancien directeur des opérations de Framatome, a pour l’occasion été dépêché. Son objectif : amorcer un nouveau cycle et faire passer une nouvelle échelle à l’entreprise qui a enregistré 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Il a, pour ce faire, défini un nouveau plan de marche des plus ambitieux. En somme, Jeumont Electric - qui emploie un peu plus de 600 personnes et qui compte quatre sites industriels en France (à Jeumont, à Carquefou et dans la commune de Champagne-sur-Seine) et en Inde (à Jarod, dans le district de Vadodara) - entame sa nouvelle vie avec beaucoup d’espoirs et de nombreuses certitudes. Son carnet de commandes est d’ailleurs plein, son tour de main, lui, reste intact.
Du côté de la direction des achats, les enjeux sont bien entendu nombreux. Vincent Blomme, 55 ans, en a pris la tête au mois de janvier dernier. Rattaché à Renaud Moretti, lui connaît la maison depuis bien longtemps. Entré au sein du groupe en 2001, il en a même déjà été le directeur des achats de 2007 à 2014. Il est devenu par la suite directeur des projets du groupe, avant, en 2022, de prendre la destinée de la direction industrielle. Son retour aux Achats, « ses premières amours » comme il les décrit, représente un défi de tout premier choix.
Une position centrale au sein de l’entreprise
Vincent Blomme conduit une équipe qui comprend un peu moins d’une vingtaine de personnes : une dizaine d’acheteurs, six approvisionneurs et un expéditeur récemment embauché. Cette équipe devrait encore s’étoffer dans les semaines qui viennent, comme nous l’explique très simplement le directeur des achats. « Des postes d’acheteurs sont à pourvoir. Nous voulons attirer des pépites et faire grandir l’équipe. »
La fonction achats est associée dans les choix structurants du groupe, qu’ils touchent la supply chain, les questions de make or buy et bien d’autres. Cela nous apporte une visibilité importante et une certaine forme de sérénité
Sa voix au comité de direction et son rattachement hiérarchique en disent long sur l’importance de la fonction dans l’entreprise. Et pour cause, cela lui octroie en effet une vision d’ensemble et l’aide à avoir une bonne lecture du fonctionnement de l’entreprise et de ses enjeux. Le rattachement des Achats à la direction générale, assez rare pour être souligné, contribue de fait à les positionner au bon niveau dans l’organisation. Outre la lecture directe, sans filtre, de la vision stratégique de la gouvernance, Vincent Blomme peut s’enrichir d’éléments de réflexion qui touchent bien des aspects qui dépassent le seul cadre opérationnel. Et cela n’a pas de prix. « Les Achats sont pleinement impliqués dans la stratégie d’entreprise et en est un moteur. La fonction est associée dans les choix structurants du groupe, qu’ils touchent la supply chain, les questions de make or buy et bien d’autres. Cela nous apporte une visibilité importante et une certaine forme de sérénité », estime Vincent Blomme.
Au regard de son parcours au sein de l’entreprise, ce dernier est en mesure de faire profiter à ses équipes d’une vision holistique. Et il ne compte pas s’en priver pour les faire grandir. « J’espère bien apporter à mes équipes une expertise et une vision transverse, qui dépassent bien le seul cadre de la supply chain », fait-il savoir.
Une feuille de route centrée autour de la notion d’entreprise élargie
Nous devons mettre en avant notre panel fournisseurs, avec qui nous travaillons depuis de nombreuses années. Il se caractérise par ses compétences techniques et il faut tout faire pour retenir les meilleurs, tout en attirant de nouveaux
Les achats chez Jeumont Electric se décomposent, pour l’essentiel, en capex et opex. La direction des achats est composée de quatre pôles : mécanique, matériels électriques, isolants et achats indirects. Tous, autour de Vincent Blomme, vont s’attacher à intégrer plus en amont les fournisseurs stratégiques du groupe afin d’accompagner les affaires de bout en bout. Le renforcement du pilotage de la relation fournisseurs est en effet un élément central de la feuille de route de Vincent Blomme. Pour lui, le constat est simple : les fournisseurs et sous-traitants contribuent à la bonne santé de l’entreprise. L’important étant que la relation soit équitable et profitable à tous. « Nous devons mettre en avant notre panel fournisseurs, avec qui nous travaillons depuis de nombreuses années. Il se caractérise par ses compétences techniques et il faut tout faire pour retenir les meilleurs, tout en attirant de nouveaux », indique-t-il. Ainsi, comme il le sous-entend, le sourcing occupera de fait une place de choix dans les activités de ses équipes. « Il est impératif de développer notre panel », poursuit-il.
Si Vincent Blomme entend très largement renforcer la coopération avec les fournisseurs du groupe c’est avant tout pour, d’une part, dénicher auprès d’une communauté de partenaires stratégiques les dernières innovations en date et d’autre part, sécuriser les approvisionnements des sites. Dans un environnement technique et aussi pointu, c’est pour le directeur des achats la moindre des choses. En outre, la massification, la standardisation et la gestion des risques figurent également au cœur de ses priorités. Jeumont Electric s’appuie principalement sur des bassins de sourcing en proche import et ce, pour des raisons bien précises.
« La maîtrise des risques de la supply chain sur les notions de qualité, de coût et de délai est une nécessité. Nous avons été, comme tout le monde, soumis à des tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Compte tenu de notre activité, nous visons une certaine forme de souveraineté nationale, a minima, européenne. De la sorte, nous limitons déjà notre exposition aux bassins de sourcing asiatiques sur lesquels les risques peuvent être plus élevés. Mais nous devons rester vigilants sur d’autres sujets aussi, celui de l’inflation notamment. La fluctuation des prix de certaines matières comme la tôle, le cuivre ou l’acier, liée à la spéculation, peut en effet encore être problématique. Il nous faut donc anticiper les évolutions des prix à travers les offres clients, la matrice des coûts achats et la sécurisation des volumes achetés. Pour produire en quantité suffisante, il faut être certain de pouvoir approvisionner nos sites en quantité suffisante. »
La direction des achats est donc en première ligne. C’est à elle de s’assurer que le fournisseur a la capacité d’alimenter la chaîne de production. « Ce qui nous préoccupe, c’est de pouvoir réserver de la capacité chez nos fournisseurs pour répondre à notre croissance. C’est aussi pour cette raison que nous développons des contrats-cadres et que nous nous inscrivons dans des relations partenariales sur le long terme, comme le font les acteurs de l’industrie automobile », confirme Vincent Blomme. Pour concrétiser encore plus profondément cette pensée, le directeur des achats de Jeumont Electric espère doter son organisation d’un Si achat. Un outil de ce type serait effectivement plus que bienvenu pour consolider la chaîne d’approvisionnement à travers davantage de communication et plus de partage d’informations. « Nous avons un ERP avec lequel nous parvenons à travailler de façon très satisfaisante. Nous avons développé ces derniers mois une solution d’interaction avec Power BI. Désormais, nous réfléchissons à intégrer des outils spécifiques aux achats pour piloter plus finement notre action », révèle Vincent Blomme.
Montée en puissance attendue sur la RSE
Nous avons investi dans un nouveau quai de chargement fluvial sur notre site de Jeumont afin d’augmenter sensiblement la part du multimodal
À tous ces sujets qui animent l’esprit de Vincent Blomme s’ajoute également un dernier élément et non des moindres : la RSE. Il le clame : elle doit irriguer les enjeux achats tout du long, aussi bien lorsqu’il est question de la qualification des partenaires que de leur évolution dans le panel. « Nous réfléchissons également au retraitement et à la réutilisation de nos produits, à la manière dont nous pourrions recycler nos machines, à la redéfinition du mix énergétique de notre flotte de véhicules et de nos schémas de transport », complète le directeur des achats.
Sur ce dernier point, Jeumont Electric peut déjà se targuer de quelques belles réalisations. La plus marquante : l’agencement d’une plateforme de chargement sur son site emblématique de Jeumont, rattaché à la Sambre, une rivière franco-belge, affluent de la Meuse, de près de 200 kilomètres. « Nous avons commencé à investir dans notre outil industriel et sur les sujets liés au transport. Nous avons investi dans un nouveau quai de chargement fluvial sur notre site de Jeumont afin d’augmenter sensiblement la part du multimodal. Nos moteurs, qui pèsent plusieurs tonnes, sont ainsi acheminés par voie fluviale et voie ferrée pour certains de nos clients. Cela nous permet de limiter grandement notre empreinte carbone sur le volet transport », précise Vincent Blomme, qui promet d’autres avancées.