Kiloutou : « Digitaliser nos procédures d’appels d’offres nous permet d’optimiser notre prix d’achat »
Amaury Delepoulle est le directeur achats et directeur des ventes de matériels d’occasion du groupe Kiloutou. Il a piloté, récemment, le déploiement de la plateforme Isybuy afin de simplifier et sécuriser ses procédures d’appels d’offres. Les résultats sont déjà significatifs, notamment grâce à des gains de temps, plus de transparence et de profondeur dans les échanges avec les fournisseurs.

Propos recueillis par Stéphanie Gallo Triouleyre
Quelle est l’organisation opérationnelle des Achats chez Kiloutou ?
Je gère les achats directs, et nous avons en parallèle une Direction des Achats indirects. Pour ma part, je pilote une équipe constituée de cinq acheteurs matériels et un acheteur pour les pièces détachées. Ils sont tous situés en France et couvrent l’ensemble des pays et des business unit du groupe.
Quel est le lien entre votre casquette de directeur achats matériels et l’activité vente de matériels d’occasion que vous pilotez également depuis 2020 ?
Je vois les matériels lorsque je les achète neuf, et je vois leur sortie de notre parc lorsque nous les revendons d’occasion. Cela facilite notre stratégie d’achat basée sur une logique de TCO (Total Cost of Ownership).
Que représentent les achats de matériels dont vous avez la responsabilité ?
Nous proposons 1 000 références environ de matériels différents pour différents besoins des entreprises sur les chantiers. En 2024, nous avons investi 200 millions d’euros, au niveau du groupe, dans l’acquisition de nouveaux matériels. Pour 2025, malgré un contexte économique difficile, nous serons sur la même lignée. Depuis 2019, ces achats sont pilotés, pour tous les pays, au niveau groupe alors qu’ils étaient jusqu’ici décentralisés.
30 % de notre volume d’affaires sera généré, d’ici 2030, par le digital, contre 10 % actuellement environ
Depuis quelques mois, vous utilisez un nouvel outil pour vos appels d’offres concernant ces acquisitions de nouveaux matériels, le logiciel Isibuy. Pourquoi cette évolution, quels étaient les enjeux ?
Ce projet de dématérialisation de nos achats fait partie d’un plan beaucoup plus vaste puisqu’à l’échelle du groupe, 30 % de notre volume d’affaires sera généré, d’ici 2030, par le digital, contre 10 % actuellement environ. Cela signifie que le digital infuse aujourd’hui par capillarité à tous les niveaux de l’entreprise. Le dossier porté avec l’éditeur iSYBUY et le cabinet Axys Consutlants est important pour la direction des achats car il s’agit de notre premier projet digital.
Quels étaient vos objectifs en vous lançant dans ce projet de dématérialisation ?
Ils étaient nombreux. Le premier, il est important de le rappeler, c’était bien sûr de digitaliser et de moderniser notre processus d’appel d’offres pour les achats des matériels que nous mettons à disposition de nos clients. Il s’agit d’achats stratégiques pour l’entreprise. Ce processus était par le passé entièrement manuel, nous souhaitions l’automatiser afin de sécuriser nos engagements. Nous cherchions une solution qui soit simple, rapide à déployer et intuitive. Pour nous mais aussi pour nos constructeurs fournisseurs. Nous visions vraiment une adoption rapide par l’ensemble des utilisateurs.
Autre enjeu important : la fiabilisation des informations que nous échangions dans le cadre de ces appels d’offres. Il faut comprendre que dans ces processus, nous partageons énormément d’informations avec de multiples constructeurs. Tout cela était géré jusqu’à présent de manière individuelle et manuelle, sur des tableurs, archivé et stocké sur les ordinateurs de chaque collaborateur. Nous avions besoin de fiabiliser et sécuriser ces données pour éviter les erreurs et les pertes de données. Cette plateforme permet de centraliser l’information dans un seul et même outil, en mode SaaS. Cela permet d’améliorer la qualité des échanges avec les constructeurs.
D’autres attendus ?
L’outil retenu devait aussi nous permettre de mieux suivre nos engagements auprès de nos constructeurs, ce qui permettra in fine de piloter avec plus de précision nos investissements.
Je tenais à que à ce que nos fournisseurs partenaires soient impliqués dès cette phase de sélection
Quel a été le calendrier de définition de votre besoin de et de choix du bon logiciel ?
Nous avons lancé un appel d’offres en janvier 2024, pour lequel nous avons été accompagnés en interne par la Direction des systèmes d’information qui est rompu à ce type d’exercice. Cela signifie rédaction d’un cahier des charges en amont, consultation des cinq ou six principaux acteurs du marché. Nous avons ensuite shortlisté trois éditeurs et nous sommes partis sur un POC (Proof of Concept) avec deux d’entre eux au printemps 2024. Nous avons testé leur solution et nous avons embarqué avec nous quelques constructeurs car je tenais à que à ce que nos fournisseurs partenaires soient impliqués dès cette phase de sélection. À l’issue de cet essai, en juin 2024, Isibuy est clairement sortie du lot comme étant la plus intuitive, la plus à même de répondre à nos besoins.
… et les grandes étapes du déploiement ?
Après la sélection de l’outil, nous avons pris trois mois pour le déployer. Et finalement, nous avons été opérationnels pour la campagne d’investissement 2025, c’est-à-dire celle que nous avons menée à l’automne dernier. En tout cas, pour une partie de nos appels d’offres. Je rappelle que nous avons de nombreuses familles de matériels, il n’était pas possible de tout déployer en même temps, donc nous avons retenu en priorité les six familles les plus importantes en valeur pour nous : pelles, groupes électrogènes, abris de chantiers etc.
Où en êtes-vous actuellement ?
Ce premier déploiement a très bien fonctionné. A présent, nous sommes sur une phase de généralisation à l’ensemble des familles de matériels. Nous nous sommes donné trois exercices pour un déploiement total. Il faut comprendre que le déploiement passe par une étape de configuration pour chacune des catégories afin de pouvoir déterminer un prix par matériel, par pays et par constructeur. C’est un point majeur de cette digitalisation.
Un matériel est constitué d’un grand nombre d’options (jusqu’à une quarantaine) et cet outil nous permet de nous adapter aux spécificités de chaque territoire
Pourquoi par pays ? Les propositions des constructeurs diffèrent selon l’affectation du matériel vendu ?
Oui, en tout cas chez Kiloutou. Nos constructeurs répondent pour l’ensemble de nos filiales, avec des configurations générales, mais chaque pays a ses spécificités locales. Par exemple, on comprend facilement qu’en Espagne ou en Italie, nos clients vont plus facilement demander de la climatisation pour les matériels fermés qu’ils vont louer. Alors qu’en Pologne ou au Danemark, celle-ci est moins nécessaire. Un matériel est constitué d’un grand nombre d’options (jusqu’à une quarantaine) et cet outil nous permet de nous adapter aux spécificités de chaque territoire.
En amont du déploiement de l’outil, il y a donc un travail important de recueil d’informations auprès de nos équipes dans les pays où nous sommes présents pour déterminer précisément le besoin, matériel par matériel.
Comment gériez-vous ces spécificités locales jusqu’ici ?
Nous le faisions manuellement, via de multiples échanges avec les fournisseurs après leur première réponse générale. Donc vous imaginez bien que c’était extrêmement lourd et chronophage. Cet outil nous permet d’accélérer considérablement le traitement en ligne des offres et surtout, il nous permet de faciliter grandement la comparaison entre les différents acteurs.
Ce temps, nous l’utilisons pour augmenter le nombre de tours de négociation et d’interactions avec les constructeurs afin d’aboutir à une offre qui réponde parfaitement à notre besoin
Avez-vous mesuré combien de temps justement cette digitalisation vous fait gagner ?
Pas précisément mais indéniablement, nous avons gagné du temps. Ce temps, nous l’utilisons pour augmenter le nombre de tours de négociation et d’interactions avec les constructeurs afin d’aboutir à une offre qui réponde parfaitement à notre besoin. Et puis, évidemment, si vous augmentez le nombre de tours de négociations avec un constructeur, in fine, vous êtes sûr d’atteindre le prix optimum. Nous parvenons donc à un prix vraiment optimisé par matériel et par constructeur, nous avons amélioré la qualité de la négociation.
Quels sont les retours de vos constructeurs ? Ce prix optimisé, comme vous dites, ne fait pas forcément leurs affaires…
Ils ont quand même des avantages à utiliser cette solution car elle leur fait gagner un temps considérable à eux aussi. Ils peuvent aussi désormais nous communiquer davantage d’informations : tout ce qui touche aux données produits, à leur offre, à la performance des matériels… Cela nous permet de bien analyser toute cette information. Ils ont donc l’assurance que nous prendrons la bonne décision. Cela concourt grandement à l’amélioration de la transparence dans le processus d’appel d’offres, et donc à la construction d’une relation de confiance. Le seul critère n’étant pas, je le précise, le prix. Beaucoup d’autres facteurs sont pris en considération, par exemple la notion de garantie.
Comment avez-vous assuré la formation à l’utilisation de cet outil ?
Le déploiement a servi de formation à mon équipe d’acheteurs. Côté constructeurs, nous avons organisé quelques visioconférences pour donner les explications et puis nous leur avions fourni un support. Mais, très honnêtement, l’outil est très intuitif et nécessite peu de formation en réalité.
Quels indicateurs surveillez-vous à la suite de cette digitalisation ?
Nous avons deux KPI’s principaux. Le premier concerne l’amélioration des prix d’achat, après chaque tour de négociation. Cela permet de mesurer les efforts successifs réalisés par les fournisseurs. Et puis le KPI par excellence, c’est la comparaison du prix d’achat de l’année N versus le prix d’achat de l’année N-1. Je ne peux pas entrer dans les détails, c’est évidemment confidentiel, mais je peux vous confirmer que l’outil a permis d’optimiser le prix d’achat.
Au-delà de la digitalisation, quels sont aujourd’hui les autres défis de la Direction Achats matériels ?
Le groupe mène actuellement un projet de mise en place d’un ERP commun à l’ensemble de nos pays. Cela va m’impacter directement. L’accès à la donnée « Achats », et donc son analyse, devrait mettre grandement faciliter. Le déploiement démarrera à partir de juin 2025.
Au niveau des achats, nous sommes par ailleurs impactés par toute nouvelle opportunité de croissance. Or, Kiloutou grandit beaucoup par acquisition et se diversifie énormément. Par exemple, nous venons de mettre en place une offre à destination du rail. Cela signifie de nouvelles négociations à mener avec des constructeurs qui ne nous sont pas toujours familiers.
Kiloutou a une ambition assez forte : se hisser dans le top 3 dans chacun des pays dans lesquels nous sommes présents
Au-delà de la diversification, toute acquisition impacte les Achats. Kiloutou a une ambition assez forte : se hisser dans le top 3 dans chacun des pays dans lesquels nous sommes présents. En Espagne, nous avons par exemple réalisé trois acquisitions importantes fin 2024. Cela nous a fait passer du top 5 au top 3 et donc forcément avec un impact sur les volumes négociés en renforçant notre présence chez certains constructeurs.
Côté environnemental, quelle est votre feuille de route ?
Nous avons attaqué notre transition environnementale depuis quelques années déjà. Nous portons des objectifs ambitieux à horizon 2030 avec une réduction de 42 % de nos émissions directes et de 25 % de nos émissions indirectes. Cela passe par la transition énergétique de nos matériels. Les Achats sont donc en première ligne. Chaque année, nous investissons pour basculer des matériels avec une motorisation thermique vers une motorisation électrique ou hybride.
Et sur l’empreinte carbone plus générale des matériels ?
Nous allons nous y atteler dès cette année. Nous allons commencer à mener des discussions avec nos fournisseurs sur les matériaux utilisés, leur process de fabrication afin d’évaluer l’empreinte carbone. Demain, ces critères rentreront en ligne de compte de manière plus évidente.
Repères
Créé en 1980, Kiloutou est le 3e loueur européen de matériel, il réalise 98 % de son chiffre d’affaires en B2B en s’appuyant sur 600 agences dans sept pays : France, Danemark, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, L’Allemagne et la Pologne.
Effectif total : 7 000 personnes
Chiffre d’affaires (2024) : 1,25 Md d’€
Montant des achats de matériel : 200 M d’€
1 000 références au catalogue soit 350 000 matériels
Portrait
Ingénieur de formation, Amaury Delepoulle a rejoint Kiloutou en 2016 pour prendre la responsabilité des achats matériels France puis, à partir de fin 2019, la responsabilité des achats matériels pour l’ensemble du groupe. Il a aussi la responsabilité de la vente des matériels d’occasion.