Etam développe son sourcing dans le bassin méditerranéen
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Etam opte pour un repositionnement stratégique de son sourcing en proche import. Un raccourcissement de sa chaîne d’approvisionnement qui lui permettra de gagner en réactivité ; une aptitude perdue depuis quelques années, en raison des difficultés d’approvisionnement et de l’allongement des délais d’acheminement de ses pièces.
Après avoir transféré la quasi-totalité de sa production en Asie au tournant des années 2000, comme l’immense majorité des acteurs de la filière textile, Etam prévoit désormais de réduire sa dépendance aux importations asiatiques dans les trois ans. Le groupe, qui détient la marque éponyme ainsi qu’Undiz, Ysé, Livy et Maison 123, constate en effet que son leadtime se dégrade fortement. Une situation provoquée par le Covid notamment et qui l’oblige à prendre le taureau par les cornes. Et pour cause, le gain de marge obtenu est aujourd’hui souvent perdu en démarque et en surstock. Or, l’envoi des différents produits vers les 1 500 magasins du groupe doit être coordonné au mieux pour pouvoir les agencer en magasin de la meilleure manière qui soit.
Le modèle actuel ne peut plus nous convenir, étant sur des zones de sourcing très éloignées, notre lead time est désormais beaucoup trop long
Ainsi, le groupe a décidé de créer une filiale en Tunisie consacrée à toutes ses marques, huit ans après avoir ouvert une usine en Turquie. « Le modèle actuel ne peut plus nous convenir, étant sur des zones de sourcing très éloignées, notre lead time est désormais beaucoup trop long. La latence entre le lancement et l’achèvement du processus nous prive de toute réactivité. Et contrairement à d’autres produits textiles qui nécessitent deux ou trois composants principaux, nos soutiens-gorges en contiennent une vingtaine. Cela complexifie un peu plus la gestion des chaînes d’approvisionnement », explique Benjamin Durand-Servoingt, directeur des opérations du groupe.
Une approche nouvelle
Chaque année, le groupe achète plus de 70 millions de pièces finies de lingeries et de vêtements. Celles-ci sont commandées au moins six mois à l’avance, avec planification pour le démarrage de chaque saison. Le volume de production des pièces de lingeries des cinq marques du groupe est centralisé pour près de 90 % en Asie (au Bangladesh et en Chine principalement). Le reste est manufacturé en Europe et dans le bassin méditerranéen. Ce ratio devrait à terme évoluer, avec une résolution : celle de voir la production du groupe doubler, voire tripler, en Turquie, en Tunisie et au Maroc à l’horizon 2025-2026. Des plaques géographiques où le groupe compte nombre de partenaires historiques, parmi lesquels des façonniers et confectionneurs.
Etam s’est, dès lors, résolu à s’inscrire à leurs côtés dans des relations partenariales de premier plan, avec contractualisation à l’année d’un certain nombre de lignes de production dédiées. Le groupe s’engage également à investir plusieurs millions d’euros, avec l’établissement d’un programme commun d’amélioration continue. L’entreprise met à disposition de ses fournisseurs des équipes sur site, pour identifier des axes d’amélioration et des leviers de progrès. « Pour donner quelques exemples, cela peut porter sur le fait de revoir le setup de la ligne de production, suggérer des procédés différents ou des prototypages et modélismes différents d’un produit », expose Benjamin Durand-Servoingt.
Les équipes locales ont la charge de piloter l’activité au quotidien et d’être le relais entre le Groupe Etam et le personnel de l’usine
Autre point sur lequel Etam attire l’attention : le lien qui doit unir les équipes styles et les équipes achats avec le personnel des usines pour les faire monter en cadence et satisfaire des commandes de centaines de milliers de pièces. À raison d’une fois par mois, des membres des départements précédemment cités se présenteront chez les fournisseurs du groupe pour travailler et concevoir de nouvelles pièces de lingeries. « Les équipes locales ont la charge de piloter l’activité au quotidien et d’être le relais entre le Groupe Etam et le personnel de l’usine », insiste le directeur des opérations.
L’importance de l’innovation
Afin de renforcer encore sa réactivité, « un élément déterminant, eu égard aux évolutions des attentes des clientes et à l’imprévisibilité du marché », rappelle Benjamin Durand-Servoingt, Etam mise également sur son centre R&D, établi dans le nord de la France. Une structure qui s’attache à développer d’innombrables innovations, qui aideront in fine à parfaire les outils de production des sous-traitants de groupe dans le bassin méditerranéen.
L’agrégation de plusieurs de ces innovations nous permet dorénavant d’être sur des horizons de lead time de production de deux à trois semaines
L’une des plus symboliques : la suppression du processus de teinture des produits, long de huit semaines en moyenne dans la fabrication de dentelles. « Cette innovation nous permet de donner sa propriété finale au tissu en quelques heures seulement désormais. L’agrégation de plusieurs de ces innovations nous permet dorénavant d’être sur des horizons de lead time de production de deux à trois semaines », se félicite Benjamin Durand-Servoingt.
Opérant dans un secteur segmenté qui regroupe une multitude d’acteurs, Etam a par ailleurs fait le choix de tout regrouper dans ses usines pour pouvoir gagner en maîtrise, avec une production 100 % verticalisée de tous les grands inputs (matière principale, matière secondaire et autres composants) nécessaires à la confection de ses pièces.
Un surcoût de 20 % à absorber
Pour Etam, le plus important maintenant réside dans sa capacité à demeurer en accord avec les attentes clients sur les prix. Une donnée fondamentale, puisque la différence de prix entre le proche import et l’Asie peut en effet fortement varier, du fait des coûts de la main-d’œuvre notamment, qui sont en moyenne trois fois plus importants dans le bassin méditerranéen qu’en Asie. « L’équation économique est assez différente d’ordinaire. En prix d’achat, le coût d’un produit façonné dans le bassin méditerranéen est plus important que s’il l’était en Asie. Nous perdons, grosso modo, entre 1 à 2 euros par pièce, ce qui représente 20 % de surcoût », note le directeur des opérations du groupe.
Quoi qu’il en soit, cette stratégie est indispensable au regard des besoins de réactivité d’Etam. Conséquemment, l’entreprise poursuit un objectif précis : avoir sur les produits fabriqués à proximité de l’hexagone une démarque inférieure de 30 % à 50 % par rapport à un produit sourcé en Asie ; « tout en générant beaucoup moins de résiduels en fin de saison, de l’ordre de moins de la moitié par rapport à ce à quoi nous sommes confrontés traditionnellement », précise Benjamin Durand-Servoingt. Un constat qui oblige Etam à échanger de nombreuses informations avec ses partenaires et d’intégrer son outil industriel aux informations sur les ventes. Etam devra par ailleurs faire avec la hausse des prix des matières premières. À l’inverse, le groupe pourra tout de même se satisfaire de la réduction d’une partie de ses frais de transport et la disparition de certains frais de douane.
« La notion d’anticipation est importante et notre agilité est déterminante pour ajuster nos demandes sur nos stocks. Dans le cadre d’un produit que nous voudrions lancer six mois avant sa mise en magasin, nous exposons nos ordres de productions à nos fournisseurs asiatiques, tout en tentant d’imaginer les 20 % du produit qui devront être fabriqués dans notre bassin de sourcing proche. Il nous faut donc identifier rapidement une ligne de production et un fournisseur à même de répondre à notre besoin. Au fil des mois, nous lui précisons plus clairement quelle typologie de pièces doit être produite », développe Benjamin Durand-Servoingt.