Benoit Avril (JC Decaux) : « Même subjective, la donnée fournisseur est vitale pour l’entreprise »
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Le directeur achats, stocks et production du groupe JC Decaux étend désormais aux achats indirects les moyens qu’il a déjà mis en œuvre pour suivre les données des achats directs. Il revient également sur l’importance de prendre en compte les données non quantifiables dans la gestion des relations fournisseurs.
Quel type de données collectez-vous ?
Nous collectons, nous exploitons et nous stockons évidemment des données transactionnelles : commandes, contrats, tout ce qui tient à la relation clients fournisseurs. Nous nous intéressons également à ce qui ressort des audits, des évaluations annuelles et des codes de conduite fournisseurs. Au-delà du quantifiable, cela concerne tout ce que nous sommes susceptibles de percevoir quand nous recevons un fournisseur ou que nous allons le visiter. Même subjective, la donnée fournisseur est vitale pour l’entreprise. Par exemple comprendre, derrière un retard de livraison, que le capacitaire d’un fournisseur est saturé et qu’il faudra, à l’avenir, lui confier un volume de commandes limité. Lorsqu’il se déplace pour auditer un fournisseur, le travail de l’acheteur consiste aussi à voir, écouter et ressentir ces signaux qui montrent si le fournisseur est en bonne santé, en croissance, en pleine activité. Il est de sa responsabilité de connaître ses fournisseurs au-delà du rapport financier ; savoir s’il y a un bon climat social dans l’entreprise, si des investissements industriels ont été effectués… 90 % de la donnée fournisseurs est quantifiable et quantifiée, mais ce petit plus est extrêmement important.
S’il fut un temps où les achats indirects pouvaient être considérés comme moins stratégiques, il est clair que ce n’est plus vrai aujourd’hui
Considérez-vous que vous disposez des bons outils pour exploiter vos données… du moins les données quantifiables ?
L’outil est une conséquence. Le process vient avant et nous avons en effet les process, l’organisation et les outils adéquats pour exploiter les données de nos achats directs. Sur la partie achats indirects, jusqu’ici, nous pouvions collecter la donnée, mais il n’y avait pas vraiment d’outils pour la retraiter et la stocker. Nous sommes en train de nous outiller et de mettre en place des process pour atteindre le même niveau de maturité que sur les achats directs.
S’il fut un temps où les achats indirects pouvaient être considérés comme moins stratégiques, il est clair que ce n’est plus vrai aujourd’hui. Si l’on considère par exemple l’envolée actuelle des prix de l’électricité, avoir une stratégie d’anticipation et de diversification sur cette catégorie est extrêmement important. Il est fondamental d’être capable de collecter, de traiter et d’exploiter des données pertinentes sur un marché hyper fragmenté où chaque pays a ses propres réglementations et ses propres sources d’énergie.
Nous collectons les données de nos fournisseurs, entre autres sur l’empreinte carbone, via des audits ou encore des formulaires
Partagez-vous ces données avec le reste de l’entreprise ?
Nous les partageons avec tous les prescripteurs internes qui en ont besoin. J’en prends pour preuve ce que nous faisons avec le développement durable. Toute une partie de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) à laquelle nous sommes soumis est liée à la performance RSE des fournisseurs. Nous collectons les données de nos fournisseurs, entre autres sur l’empreinte carbone, via des audits ou encore des formulaires. Regrouper, concaténer, retraiter l’ensemble de ces données fournisseurs et suivre son évolution au fil du temps est une tâche dévolue aux Achats mais qui intéresse toute l’entreprise, en particulier nos collègues du développement durable qui la mettent en forme dans le DPEF.
Est-ce que vous vous intéressez également à des données produites par d’autres départements en interne ?
JC Decaux a créé il y a maintenant trois ans une direction de la data. A ce stade, elle est focalisée autour de la donnée client. Il existe pour l’instant peu d’interface entre elle et les données plus en amont : production, fournisseur, supply chain et achats. A terme, nous devrions travailler ensemble pour mieux automatiser la remontée de la donnée qui émane de nos fournisseurs. Comprendre ce que veulent nos clients internes, aller chercher la donnée, la retraiter et leur livrer sous une forme simple nécessite encore beaucoup de ressources et de temps.