Frédéric Puche (SAP) : « les Achats n’ont plus à se limiter aux données transactionnelles »
Par Guillaume Trecan | Le | Si ha
Le directeur de l’innovation de SAP fait le point sur les capacités offertes par les nouvelles technologies d’exploitation des datas. Il est temps, selon lui, de passer d’un mode où les process génèrent des datas à un mode où l’analyse des datas définit les meilleurs process. Un témoignage unique en avant phase du dîner du Club Planet Sourcing du 18 novembre.
Quel est l’état de l’art en matière de gestion des datas aux Achats ?
Si l’on considère la première étape du traitement de la donnée, celle de la collecte, les Achats n’ont plus à se limiter aux données transactionnelles. Au-delà des articles, des quantités, des montants, un nouveau type de données non structuré peut être exploité : du texte dans des zones de commentaire, de description, des e-mails, mais aussi des images, des vidéos, etc. Des solutions algorithmiques embarquées sur un drone permettent par exemple de faire du vidéo processing sur une zone et de déclencher directement des achats. Selon le même principe Data Driven, cela peut aussi être fait via des objets connectés.
A l’étape suivante, celle du stockage, la création de bases de données en mémoire a énormément repoussé les limites technologiques et permet à un directeur achats de faire de l’analytique en temps réel, directement dans son système d’information. Les choses ont aussi beaucoup évolué à l’étape de l’exploration de la donnée. L’analytique permet de mettre au jour des informations que l’on ne cherche pas. On peut aussi interagir avec son analytique et le piloter en lui posant des questions. Dans un SI achat on peut par exemple calculer un délai prédictif compte tenu d’un historique avec un fournisseur.
Le monde des Achats aujourd’hui est un monde qui interopère, ce qui nous conduit à une notion de business network
Le dernier étage de la fusée concerne le process mining, qui permet d’analyser un process achats pour définir comment l’améliorer, en actionnant des leviers de professionnalisation ou d’automatisation via du RPA. Ces nouvelles technologies donnent corps à des notions d’interaction digitale, des chatbot qui ne sont pas simplement là pour renseigner mais aussi pour générer du transactionnel. Le monde des Achats aujourd’hui est un monde qui interopère, ce qui nous conduit à une notion de business network. On passe d’un ERP (Enterprise Resource Planning) à un NRP (Network Resource Planning) qui permet d’interagir avec ses fournisseurs et au-delà avec tout l’écosystème de l’entreprise.
La première étape que vous citez, celle de la collecte, n’est-elle pas un palier ardu à franchir pour beaucoup d’entreprises chez qui cohabitent encore de multiples systèmes d’information et des process non alignés ?
Nous avons créé des systèmes qui permettent d’agréger la donnée, de la nettoyer et de faire correspondre les perceptions locales et centrales d’un fournisseur. Le process mining peut également permettre à un directeur achats d’appréhender globalement le process achats en fonction de ses principaux indicateurs de performance, indépendamment des spécificités de différents ERP. La réponse passe par des Datas Warehouse d’entreprise, dans lesquels on consolide la donnée pour faire du reporting et de la simulation ou encore pour analyser les process.
Les nouvelles capacités de collecte à partir de datas non structurées affranchissent-elles les directions achats du travail de nettoyage et d’harmonisation de la donnée ?
On estime que l’analyse de texte dans l’entreprise, par exemple à partir d’e-mails, permet de mieux comprendre une situation et de gagner en moyenne une vingtaine de pourcents supplémentaires d’intelligence. Mais en général, si on lit les commentaires et les descriptions qu’il y a dans des demandes d’achats, la plupart ne sont pas analysés.
Nous avons créé des outils permettant à nos clients de bâtir des marketplaces pour monétiser la data
Est-ce que, à travers les données générées par les éléments qu’ils achètent, les Achats peuvent devenir eux-mêmes vendeurs de données ?
Comme nous collectons et nous stockons de la donnée, nous avons créé des outils permettant à nos clients de bâtir des marketplaces pour monétiser la data. Jusqu’ici les entreprises qui y sont actives vendent plutôt de la data dans le cadre de business modèles de gestion d’abonnement ou de facturation à l’usage. Mais, en effet, on pourrait aussi aller vers une monétisation des données d’achats. Dans le cadre du business network, nous avons créé un réseau d’asset connectés, où l’on retrouve les datas des machines livrées par des fournisseurs qui produisent des données de monitoring pour fournir des services aux usagers de ces machines.
Le niveau de connaissance de ces questions de data en France est-il un frein à leur exploitation ?
Les entreprises disposent d’une grande quantité de datas mais, en général, elles ne savent pas par quel bout les prendre pour en tirer une substantifique intelligence. Notre métier a été de développer cette intelligence de façon transparente pour l’utilisateur afin qu’il puisse l’exploiter qu’il soit Data Scientist ou pas. La dimension humaine est néanmoins fondamentale dans la mesure où un Machine Learning a toujours besoin d’être guidé. C’est particulièrement vrai dans les Achats où la question de gestion de communauté est très importante.
Quels collaborateurs sont passés d’un fonctionnement Process Driven à un fonctionnement Data Driven ?
Si le niveau de connaissance n’est pas si important, qu’en est-il du niveau d’acculturation ?
Qui aujourd’hui fait suffisamment confiance en la machine pour se dire qu’elle va l’aider ? Quels collaborateurs sont passés d’un fonctionnement Process Driven à un fonctionnement Data Driven ? Autrement dit, est-ce que l’on continue à faire du processus qui génère de la data que l’on analyse ensuite ou a-t-on inversé les choses en faisant découler les processus de l’analyse des datas qui sont placées au service de la prise de décision ? J’ai bien peur que l’on n’ait pas encore effectué ce virage.