Les achats responsables ou l’occasion de concrétiser sa politique RSE
Par Mehdi Arhab | Le | Ha inclusif
Au cours d’un webinar organisé par Paris Region Business Club, Gobilab et l’ANRH ont témoigné de la manière dont la politique RSE peut être concrétisée par une démarche d’achats responsables.
Depuis quelques années et plus particulièrement depuis la pandémie qui a généré des questionnements et réflexions stratégiques, la tendance semble très nette : les achats socialement et environnementalement responsables gagnent de plus en plus de terrain. En effet, la chaîne d’approvisionnement peut, selon le secteur d’activité et la taille de l’entreprise, représenter jusqu’à 80 % de l’incidence environnementale d’une organisation. Les résultats du Baromètre de l’Observatoire des Achats responsables 2022 pointent l’omniprésence de la RSE dans les politiques privées et publiques d’achats. En 2021 déjà, 77 % des structures interrogées indiquaient avoir mis en place une stratégie Achats Responsables, dont 21 % depuis moins de deux ans.
Les démarches d’achats responsables sont révélatrices d’un changement de paradigme
Pour plus de la moitié des entreprises sondées, cela constituait même une priorité. En outre, le phénomène ne touche pas que de grands groupes, puisque 35 % de PME affirmaient avoir instauré une politique d’achats responsables. « Les démarches d’achats responsables sont révélatrices d’un changement de paradigme », glisse Sylvie Mariaud, vice-présidente de la région Île-de-France en charge de l’économie sociale et solidaire et des achats responsables.
Réponse à un cadre légal et des enjeux concrets
Outre les nombreuses évolutions législatives et réglementaires portées par la puissance publique, la mise en place d’une stratégie achats responsables permet de répondre à nombre d’enjeux sociaux et environnementaux et constitue un élément différenciant. Le plus important d’entre eux reste sans doute la maîtrise des risques - droits humains, conditions de travail des tiers, pollution et incidence sur l’environnement. « La démarche d’une politique achats responsables répond également à l’amélioration de l’image employeur et éventuellement à des problématiques de recrutement », rappelle-t-on au cours de la réunion.
Pour Gobilab, l’alliage d’une démarche environnementalement et socialement responsable
La startup française Gobilab, fondée en 2010, fabrique sur le territoire hexagonal des gourdes réutilisables et écoconçues, lesquelles sont destinées à remplacer bouteilles et gobelets en plastique. À cette initiative d’écoconception préventive a été ajoutée la volonté de proposer un produit sûr du point de vue sanitaire et d’inclure dans le processus de fabrication des publics traditionnellement éloignés de l’emploi. Œuvrant avec Microplast, un injecteur de plastique, Gobilab s’est appuyée dès 2013 sur une structure de l’ESS, l’Esat de Rosebrie ; une action qui a engendré la création d’un peu plus de 70 emplois. Le rapprochement fut tout naturel, puisque Microplast et la structure d’inclusion travaillaient déjà ensemble.
Il était logique de travailler avec des partenaires français, plutôt que dans un pays à bas coûts, en rajoutant le transport et des conditions sociales de fabrication non maîtrisées
« Nous avions commencé à travailler avec des prestataires du Val-de-Marne à la création de l’entreprise, que nous avons fondée à Paris. Il était important pour nous, retrace Samuel Degrémont, cofondateur et directeur général de l’entreprise. Il était logique de travailler avec des partenaires français, plutôt que dans un pays à bas coûts, en rajoutant le transport et des conditions sociales de fabrication non maîtrisées ». Afin d’avancer en mode projet et soutenir la filière, la rédaction d’un cahier des charges, spécifiant les actions nécessaires au montage, jusqu’au conditionnement final, a été entrepris. « Le but était d’adapter le processus de montage à la spécificité de l’Esat », explique le directeur général.
Un richesse humaine considérable
En 2019, Gobilab affronte une hausse spectaculaire de ses commandes. Le détachement d’un salarié de Gobilab à temps plein au sein de l’Esat a alors été décidé, afin de s’appliquer aux tâches administratives. « En 2020, la signature d’un contrat avec l’Esat a été conclue pour définir un certain niveau de qualité et un nombre de commandes. Avant cela, nous fonctionnions à la confiance », développe Samuel Degrémont. Dans le même temps, Gobilab a introduit un nouveau produit en verre, dont l’Esat a admis ne pas pouvoir assurer le conditionnement. Un nouveau prestataire, Atelier Sans Frontières, qui vise à favoriser l’insertion sociale et professionnelle de jeunes et adultes en situation d’exclusion, a alors été sondé.
À la faveur de ces multiples collaborations, Gobilab s’avance aujourd’hui vers la labellisation entreprise de l’économie sociale et solidaire. « Nous profitons d’une véritable richesse humaine. Chaque nouveau collaborateur se rend dans les Esat pour observer leur fonction et travailler au montage de gourdes », se réjouit Samuel Degrémont.
Pour l’ANRH, un projet de co-construction
De son côté l’ANRH (Association pour l’insertion et la Réinsertion professionnelle et humaine des Handicapés), entreprise associative reconnue d’utilité publique, favorise l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap au moyen de création d’emploi, d’une politique de formation et d’accompagnement. Comptant 26 établissements, elle recense 2000 clients dont Air France, pour qui elle traite et nettoie les plaids de ses vols long-courriers en partance des aéroports de Roissy et Orly. Ce partenariat, enclenché en 2009 fait suite au souhait de la compagnie aérienne de mobiliser le secteur du handicap sur certains marchés, notamment celui de la blanchisserie.
Nous avons montré face à de gros acteurs du secteur que nous pouvions être compétitifs à tous les niveaux, particulièrement sur la qualité et les prix
« Aucun acteur du milieu du handicap n’avait la capacité de traiter ces volumes colossaux, se remémore Arnaud Pascal, directeur adjoint du développement de l’ANRH. Nous avons décidé de nous positionner, sans même connaître quoi que ce soit à la blanchisserie ». Pour soutenir la filière, Air France a financé une partie du matériel de blanchisserie à l’ANRH, qui quant à elle s’est payé des bâtiments. L’ANRH a d’abord garanti 30 % des volumes pour les vols long-courriers d’Air France partant de Roissy. Deux ans plus tard, a suivi un appel d’offre, remporté par l’ANRH. « Nous avons montré, face à de gros acteurs du secteur, que nous pouvions être compétitifs à tous les niveaux, particulièrement sur la qualité et les prix », expose Arnaud Pascal.
100 % des plaids d’Air France traités par une Esat
Depuis juin 2022, l’ANRH traite et nettoie même 100 % des plaids de la compagnie aérienne pour ses vols long-courriers en partance des deux grands aéroports de la région parisienne. Face à cette montée en puissance, la structure, se situant à Tremblay-en-France, s’est fournie en matériel supplémentaire et fonctionne sept jours sur sept, en trois-huit.
Désormais, l’ANRH ambitionne de relocaliser une autre filière industrielle, propre au secteur de la santé. « Nous souhaitons mettre à disposition de partenaires que nous cherchons des ateliers de travail pour conditionner et assembler divers produits de santé, comme des respirateurs. C’est un projet de millions d’euros, qui doit se concrétiser dans les trois années à venir », conte Arnaud Pascal.