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Les niveaux des défaillances d’entreprise dans le monde augmentent de façon inquiétante

Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité

La conjoncture et la fin des aides généralisées dans certains pays du monde ont semble-t-il accéléré les niveaux de défaillances d’entreprise. Dans son étude, Altares fait effectivement état de chiffres assez préoccupants : décryptage.

Les niveaux des défaillances d’entreprise dans le monde augmentent de façon inquiétante
Les niveaux des défaillances d’entreprise dans le monde augmentent de façon inquiétante

Plus rien, ou du moins, plus grand-chose ne semble pouvoir empêcher la vague de déferler. Tous les pays font face désormais au même problème : le nombre de déclarations de faillites augmente de façon exponentielle. La tendance ne cesse de s’affirmer depuis près de deux ans désormais. Un signe, s’il en fallait d’ailleurs, d’un contexte économique qui se dégrade partout dans le monde. Si le risque de défaillance avait été de prime abord endigué grâce aux différents dispositifs d’aides publiques mis en place à la suite de l’apparition du Covid-19, le tsunami a désormais gagné en puissance. Et il pourrait persister encore quelque temps, avec de nouvelles hausses généralisées dans les mois, voire années à venir.

Et ce n’est pas étonnant, puisqu’historiquement les ralentissements économiques s’accompagnent d’une augmentation précipitée des faillites d’entreprises. Les mesures fiscales, l’assouplissement des politiques monétaires, l’accès à des liquidités à faible coût et l’indulgence des créanciers, avaient permis à de nombreuses entreprises de se maintenir à flot. Or ces leviers, qui avaient maintenu les faillites à des niveaux artificiellement bas disparaissent peu à peu du paysage. Ce n’était donc finalement qu’une question de temps comme le montre Altares, dans son étude sur les défaillances d’entreprise dans le monde.

Des hausses historiques dans bon nombre de région

En 2022, le nombre de faillites a cru de manière plus ou moins importante dans un peu plus de 60 % des pays suivis par Altare. Parmi eux, 13 ont connu des records en matière de défauts d’entreprises et 14 ont fait état d’une augmentation des faillites supérieure à 10 % d’une année sur l’autre. En tout et pour tout, les faillites dans le monde ont augmenté de 10,8 % en 2022. En Autriche, en France et au Royaume-Uni, elles ont même augmenté de près de 50 %. L’Indonésie a enregistré de son côté une hausse de 100 %. Les perspectives de la région Asie-Pacifique se sont néanmoins (très) légèrement améliorées, principalement grâce à la réouverture de la Chine continentale.

Justement, de son côté, la Chine a, entre janvier et novembre 2022, vu le nombre de faillites d’entreprises augmenter de 23 % vs la même période en 2021. Une hausse qui s’explique notamment par les retombées négatives du conflit russo-ukrainien sur l’économie mondiale et l’aggravation de la crise du désendettement dans le secteur de l’immobilier que rencontre le pays. La Corée du Sud fait pour ce qui la concerne office de bon élève, puisque le pays a enregistré pour la deuxième année consécutive, une baisse des faillites d’entreprise. Du côté de l’ Afrique subsaharienne, les faillites bondissent, en raison des difficultés d’accès au crédit et à des sources de financement. Altares indique que les « les entreprises mondiales doivent dès lors reconnaître que le paysage économique actuel nécessite une approche plus proactive dans l’atténuation du risque de crédit et prendre en compte les liens de leur supply chain pour gagner en visibilité ». L’Australie rencontre elle aussi des difficultés, puisqu’elle a quant à elle vu bondir de 30 % les faillites d’entreprise. Le pays avait pourtant enregistré en 2021 son plus bas niveau en la matière depuis 2015. En Europe, les défaillances d’entreprises ont bondi, notamment au quatrième trimestre 2022, qui s’est révélé particulièrement rugueux.

L’Europe en difficulté 

En Pologne, les faillites ont augmenté de 32 %. L’Espagne, pour ce qui la concerne, a par exemple promulgué une loi qui laisse désormais aux entreprises du royaume la possibilité de négocier plus facilement leurs dettes devant les tribunaux, entraînant ainsi une hausse significative des procédures collectives. En Italie, en Allemagne et en France, pour qui la situation reste préoccupante, les niveaux de faillites sont encore inférieurs aux niveaux d’avant pandémie. En Allemagne, les faillites n’ont augmenté que de 4 points par exemple, le gouvernement ayant aussi maintenu son soutien économique aux entreprises (et les ménages). Toutefois, il n’est pas à écarter que les faillites augmentent un peu plus dans les mois qui viennent, tout en restant à des niveaux soutenables. En Italie et au Pays-Bas, le niveau a même chuté respectivement de 20 % et 13 %, notamment (aussi) grâce à des mesures de soutien. 

Au Canada, la hausse du nombre de faillites en 2022 ne reflète peut-être pas une détérioration générale de la situation économique. Mais compte tenu de perspectives économiques moins favorables, les entreprises du pays seront selon toute vraisemblance soumises à des pressions opérationnelles plus fortes que ces dernières années. Aux États-Unis, les faillites d’entreprises ont baissé de deux points, taux qui témoigne de l’efficacité des mesures de soutien à la lutte contre la pandémie.

Des causes bien identifiées 

Les causes de ce fracas général sont, bien-sûr, bien identifiés : la hausse des prix des matières premières, l’explosion des coûts de l’énergie, qui entraînent derrière une hausse sans commune mesure des coûts d’exploitation. La crise des chaînes d’approvisionnement et les sanctions imposées à la Russie à la suite de son invasion de l’Ukraine ont provoqué une hausse massive des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, de l’eau et de l’énergie éolienne. Ainsi, comme le rappelle Altares, le prix des denrées alimentaires, des métaux et des minéraux ont atteint des sommets jamais observés dans l’histoire.

Les prix de matières premières telles que l’aluminium, le zinc, le charbon, le gaz naturel, l’urée, l’huile de palme, l’huile de soja, le tourteau de soja, le maïs et le blé ont tout simplement explosé de manière significative. Cette escalade des prix sans précédent s’est observée dans des économies pourtant robustes : le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, la France, l’Allemagne et l’Italie. Pour freiner - autant que faire se peut - l’inflation, les banques centrales du monde entier se sont empressées de relever leurs taux d’intérêt. Sans grand succès il faut l’avouer. Cela a finalement (et surtout) marqué la fin d’une ère d’endettement à faible coût et d’abondance de liquidités sur le marché. Aucun secteur n’est vraiment épargné aujourd’hui par la conjoncture.