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La conformité au cœur des préoccupations des grands groupes

Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité

Au cours d’une matinale organisée à la Défense par Altares, députés, avocats et décideurs ont rappelé l’importance de la compliance. Avec la pandémie et l’éclosion du chaos en Ukraine dans la foulée de son invasion par la Russie, le sujet occupe en effet fortement les esprits des grands groupes.  

La conformité au cœur des préoccupations des grands groupes
La conformité au cœur des préoccupations des grands groupes

Dans ces temps troublés, les donneurs d’ordres tentent de contrôler davantage leur environnement et leur écosystème. En effet, la multiplication des risques liés aux tiers éprouve la quasi-totalité des organisations professionnelles. Comme indiqué par Pascal Aerens, co-fondateur du service Neterium, spécialisé dans le screening, « la perception des risques par les dirigeants a changé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». 

La pandémie de Covid apparaît presque lointaine et les risques pour la chaîne d’approvisionnement n’ont peut-être jamais été aussi importants. « Le risque d’être confronté à une entité sanctionnée directement ou indirectement est majeur », prévient-il. De ce fait, le risque réputationnel et en termes d’image auprès de l’opinion public grandit. Et dès lors, l’analyse des risques fournisseurs est de plus en plus pressante. Les grands groupes, souhaitant se défaire de process manuels fastidieux et chronophages, s’outillent pour répondre à cette problématique grandissante.  

Pour Covéa, un contrôle de la conformité massif

En ce sens, Raphaël Grandgerard, responsable de la conformité du groupe Covéa est revenu sur les bienfaits de la solution IndueD d’Altares. Celle-ci est consacrée aux enjeux de la conformité. Au sein du géant français de l’assurance-mutuelle a été instaurée une évaluation des tiers en fonction de leur catégorie, à savoir fournisseurs et autres intermédiaires d’assurance - tels que les courtiers en assurance par exemple. Un travail important, qui incombe au seul responsable du département, ou presque. « Je suis seul au sein de ma direction, explique-t-il. Néanmoins, sur la partie fournisseur, la direction des achats procède elle aussi à des contrôles », poursuit-il.  

Le nombre de fournisseurs étant estimé à 13 000, leur qualification est faite en fonction de leurs risques (géographiques, etc.). En fonction des risques présentés, la direction de la conformité et la direction des achats soumettent un questionnaire au tiers. S’agissant des autres, qui présenteraient des risques moindres, elles opèrent un criblage, lequel, selon les résultats, peut là aussi mener à l’envoie d’un questionnaire au tiers concerné. « Le questionnaire intervient en amont et en aval du screening, en fonction de l’importance du risque fournisseur », développe Raphaël Grandgerard. 

Ainsi, Covéa parvient à passer au crible bon nombre de ses partenaires, effectuant ses propres contrôles de conformité et créant une piste d’audit. La solution IndueD permet à la direction de la conformité de vérifier rapidement les informations sur les entreprises et leurs filiales. En assurant une veille continue sur les données des tiers, le groupe est parvenu à mieux appréhender les entreprises avec lesquelles elle œuvre. Ergonomique et des plus simples d’utilisation, IndueD fournit d’ailleurs une solution personnalisable, permettant de gérer bien entendu les risques dans le respect de la législation en vigueur.  

Un bilan mitigé pour la loi Sapin 2

Si la Loi Sapin 2 a permis une progression dans le domaine du secteur privé, il est difficile de dire que la lutte contre la corruption ait réellement avancé

Avant cela Daphné Latour, avocate au barreau de Paris depuis près de quinze ans et Raphaël Gauvain, lui aussi avocat et ancien député LREM, ont tiré un bilan de la Loi Sapin 2 relative à la lutte anticorruption, près de six ans après sa promulgation. Ce dernier avait d’ailleurs évalué durant six mois cette disposition législative. S’ils en tirent en globalité un bilan positif à bien des égards, quelques situations restent toutefois bien plus contrastées. « Si la Loi Sapin 2 a permis une progression dans le domaine du secteur privé, il est difficile de dire que la lutte contre la corruption ait réellement avancé, dans le sens où la corruption est toujours présente. Le phénomène corruptif persiste encore », tempère Daphné Latour, qui salue néanmoins la nette amélioration dans la mise en place de programmes de prévention et de lutte anticorruption au sein des entreprises.  

En effet, celles-ci ont semble-t-il bien assimilé leurs obligations liées aux plans de prévention de la corruption. Cependant, l’avocate se désole qu’une culture de la conformité, plutôt qu’une culture de l’intégrité, ait pris le pas dans de nombreuses organisations.« La loi n’est pas parfaitement implémentée », regrette-t-elle. Selon une étude Grant Thornton réalisée en 2019 auprès de 3 000 décideurs, seules 6 % des entreprises étaient conformes. La même étude indiquait que 60 % des entreprises disposaient d’une cartographie des risques partielle ou non conforme. La mise en place du RGPD peut selon Daphné Latour expliquer ces difficultés.  

Il existe un véritable fossé entre secteur public et secteur privé. La différence de culture est grande.

De son côté, lorsqu’il était député, Raphaël Gauvain avait formulé cinquante propositions, parmi lesquelles une réorganisation institutionnelle avec le transfert de certaines missions de l’Agence française anticorruption (AFA) ou encore des obligations des administrations en matière de prévention anticorruption. « Il existe un véritable fossé entre secteur public et secteur privé, avance-t-il. La différence de culture est grande. Il y a eu un véritable choc de la compliance au sein des entreprises ». Si la mise à niveau des entreprises avance dans le bon sens, celle des collectivités doit être étendue. Les deux intervenants pointent le manque de culture anticorruption pour les acteurs publics. Si la majorité des grandes collectivités territoriales se sont dotées de plans de prévention, les collectivités de petite et moyenne taille, elles, peinent encore à véritablement se sensibiliser.