La conformité déontologique des usines dans les pays à bas coûts chute fortement
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
Qima, entreprise hongkongaise proposant des services d’audit fournisseur, assure dans son baromètre du premier trimestre 2022 que près d’un tiers (29 %) des usines sont non conformes éthiquement. Dans son bilan complet portant sur l’année 2021, la société experte révèle que les manquements ont été nombreux et recommande aux acteurs d’opérer des changements de conduite.
Effectué sur une base de 300 millions de données récoltées sur l’ensemble de l’année 2021, ce baromètre se structure principalement sur l’examen de critères liés aux conditions de travail et à l’âge des travailleurs (charge et horaires de travail, niveau salarial, lutte contre le travail des enfants …). Il concerne essentiellement les usines chinoises, indiennes et vietnamiennes. Les unités du Moyen-Orient et du pourtour méditerranéen ont également été prises en compte. Les demandes d’inspection et d’audit ont d’ailleurs connu une forte croissance sur l’année 2021, comme le note Qima dans son étude (+13 % par rapport à 2019 sur les sites chinois, +11,5 % par rapport à 2019 sur les usines turques et 81 % par rapport à 2019 sur les usines de la région Moyen-Orient et Méditerranée).
Les secteurs de la santé et de la sécurité en mauvais élèves
Celle-ci signale au demeurant que les infractions à l’éthique dans les usines de production n’avaient jamais été aussi nombreuses depuis l’année 2017. La conformité des chaînes d’approvisionnement s’est lourdement dégradée, indique effectivement Qima dans ce baromètre. En cause, les lourdes perturbations provoquées par la pandémie et la crise. Celles-ci s’avèrent tout bonnement désastreuses pour les droits de l’homme et la sécurité des travailleurs, expose notamment le spécialiste de l’audit dans son rapport.
Les résultats récoltés ne sont donc pas brillants, bien au contraire. En effet, le score éthique moyen des usines auditées par Qima sur l’année 2021 est de 7,92/10. La note moyenne s’abaisse ainsi de -0,38 point par rapport à celle de l’année 2020. Les violations ont été relevées en grande majorité dans les secteurs de la santé et de la sécurité. Leur score moyen de l’année 2021 sont en chute libre, en témoigne la dégradation de 7,5 % par rapport à l’année 2020.
Les horaires de travail et les salaires menacés
Les nombreuses transgressions soulevées par Qima étaient en grande partie rattachées à des questions d’horaires de travail et de non-conformité des salaires. L’entreprise d’audit hongkongaise affirme aussi que les risques liés à l’esclavage moderne et aux violations diverses des droits de l’homme dans diverses régions, comme l’Asie du Sud-Est, sont importants et n’ont de cesse de s’accroître. Les méfaits dans la région sont nombreux ; cela occasionnant de fait la chute de ses scores éthiques.
Une non surprise du reste, tant la pandémie a entraîné les entreprises dans de nombreuses dérives, remarque Qima. Ces dernières ont été bien plus soucieuses des questions de coûts que du bien-être de leurs collaborateurs, poursuit la société d’audit au vu des données récoltées.
À cela s’ajoute de surcroît des pénuries de matières premières, des difficultés logistiques et bien d’autres choses. L’année 2021 n’aura donc pas été l’année du retour aux standards pré-pandémie. Pour autant, à l’heure actuelle, les perspectives d’améliorations peinent à émerger. La tendance pourrait même se prolonger, interpelle Qima.
Les acheteurs attentifs vis-à-vis de la Chine
Le baromètre Qima note également que les acheteurs occidentaux sont restés prudents à l’égard de la Chine tout au long de l’année 2021. Néanmoins, il semblerait que nombre d’entre eux, maintiennent par habitude leurs achats avec leurs fournisseurs chinois. Le Vietnam connaît quant à lui des temps difficiles. Après avoir enregistré de bons résultats sur la première partie de l’année 2021, le pays voit ses usines à la peine par suite de l’apparition du variant Delta. La pénurie de main-d’œuvre se fait lourdement ressentir et les usines ne parviennent pas à rebondir. Fin novembre, plus d’un tiers des usines vietnamiennes fonctionnaient à moins de 80 % de leur capacité maximale, entraînant ainsi de longs retards de production. Le secteur de l’habillement a en ce sens particulièrement été touché.
L’Inde, de son côté, constitue une alternative sérieuse pour les acheteurs américains, comme le démontre le baromètre. Le pays continue ainsi de se poser comme un acteur majeur. Reste à savoir désormais si le pays, en proie à de nouvelles menaces (variant Omicron), pourra maintenir sa dynamique.