UniHA monte en cadence sur le sujet de la durabilité
Par Mehdi Arhab | Le | Environnement
À l’occasion du PRINTEMPS de l’achat durable en santé, dont la journée se tenait ce mercredi 20 mars, Pascale Mocaër, présidente d’UniHA et directrice générale du CHU de Limoges, ainsi que Walid Ben Brahim, directeur général du groupement de coopération sanitaire ont tenu une conférence presse lors de laquelle ils sont revenus sur quelques initiatives de la centrale d’achat permettant à ses établissements de santé adhérents de réduire leur empreinte sur l’environnement.
Alors que, selon les dernières données du Think Thank « The Shift Project », l’empreinte carbone du secteur de la santé pèse pour environ 8 % des émissions nettes françaises (environ 5 % des émissions nettes au niveau mondial, soit l’équivalent d’un peu plus de deux gigatonnes de dioxyde de carbone), de nombreux acteurs se mettent en ordre de marche pour inverser la tendance. Et pour cause, les émissions carbones du secteur en France représentent quelque 49 millions de tonnes en équivalent CO2. Les établissements hospitaliers représentent, à eux seuls, 38 % des émissions du secteur. À en croire le rapport du Shift Project, encore, les achats représentent 32 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit plus de 65 % des émissions du secteur. Les achats de médicaments et autres dispositifs de santé et médicaux pèsent donc pour plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé. De fait, les achats sont un levier plus que majeur de réduction de l’empreinte carbone.
UniHA, premier acheteur public du secteur de la santé en France, qui pilote les achats de plus de 1 300 établissements hospitaliers, dont 122 GHT et ce pour un montant d’achats qui a avoisiné 6,7 milliards d’euros en 2023, a fait du développement durable et, plus précisément, de la décarbonation des hôpitaux les enjeux prioritaires de sa politique d’achats. Si les contours de sa nouvelle feuille de route restent encore à définir et seront présentés dans le courant de l’année, UniHA n’attend pas pour agir, bien au contraire. Walid Ben Brahim a d’ailleurs communiqué sur quelques cibles que le groupement s’est fixées, en lien avec les grandes directives imposées par la loi Climat et Résilience. « Nous avons intégré des caractéristiques environnementales dans nos critères d’attribution dans 30 % de nos marchés. Cette année, ce taux devrait atteindre 75 % et d’ici à la fin d’année prochaine, 100 % de nos marchés en contiendront ». UniHA a d’ailleurs tout récemment annoncé la création d’une nouvelle filière « Innovation et achat durable » dont la mission principale sera de développer l’accès des hôpitaux aux techniques et dispositifs durables et innovants. Cette filière devra à la fois coordonner des actions transversales au sein d’UniHA et produire des marchés spécifiques.
Un travail important avec les fournisseurs de médicaments
Preuve, finalement, qu’au même titre que l’innovation et la sécurisation des approvisionnements, la durabilité est pour UniHA un axe pour le moins stratégique, vecteur de valeur et de performance, achats, mais aussi sur tous les autres plans. « Cette recherche de performance extra financière est inscrite dans notre ADN depuis de nombreuses années », a rappelé Walid Ben Brahim. « La notion de responsabilité nous anime et c’est un axe que nous voulons porter, a de son côté commenté la présidente d’UniHA. La responsabilité des établissements hospitaliers et par ricochet, la nôtre, est immense, car notre activité touche des enjeux qui nous dépassent : la santé publique et l’environnement qui nous entoure. Cette responsabilité est multiple. Nous nous devons de proposer des marchés, services et expertises de haut niveau à destination des établissements et des patients. Plus qu’un groupement d’achats, UniHA est un groupement de coopération sanitaire. Il existe parce qu’il compte des établissements adhérents et parce qu’il est à leur service. C’est sa raison d’être ».
Sur les achats d’antibiotiques, nous nous sommes rapprochés de nos fournisseurs pour qu’ils produisent, selon une méthodologie définie en amont, des analyses de cycle de vie. Cela nous permet de mesurer l’incidence environnementale de nos achats
En ce sens, UniHA veille à proposer à ses adhérents des solutions concrètes et bien pensées, afin qu’ils puissent derrière diminuer largement leur bilan carbone. Pas une mince affaire mais de nombreuses leur ont été présentées par UniHA. Alors que les achats de médicaments et de dispositifs médicaux représentent 60 % de son activité et constituent son principal volume d’achats, le groupement de coopération sanitaire, conscient de la dégradation des écosystèmes et que le dérèglement climatique a des conséquences importantes sur la santé des populations, travaillent main dans la main avec ses partenaires industriels pour limiter, en amont, l’incidence environnementale des médicaments et dispositifs de santé achetés. « L’idée est de calquer nos actions à la feuille de route du ministère de la santé au sujet de la transition écologique. Sur les achats d’antibiotiques, nous nous sommes rapprochés de nos fournisseurs pour qu’ils produisent, selon une méthodologie définie en amont et conjointement, des analyses de cycle de vie, de façon concrète et opérationnelle. Cela nous permet de mesurer l’incidence environnementale de nos achats et de travailler sur des mesures et plans d’action pour en réduire l’incidence », a expliqué Walid Ben Brahim.
Pour mener cette démarche qui nécessite, tout de même, de repenser le cycle de production, UniHA a resserré le pilotage de la relation fournisseurs. « Il y a une volonté marquée d’avancer ensemble. Cela nécessite une importante articulation, un travail d’ingénierie contractuelle conséquente. Les industriels, contrairement aux idées reçues, font preuve de beaucoup de transparence et jouent le jeu. Les analyses de cycle de vie produites par les industriels sont d’ailleurs auditées par un tiers, expert et agréé, qui valide lesdites analyses. Cela permet derrière à nos adhérents de réduire en partie leur empreinte carbone », a poursuivi Walid Ben Brahim. Cette approche a déjà été déployée sur un contrat d’achat d’antibiothérapie.
Pour ce qui concerne son dernier marché de tubes et piquants, lié à la fourniture de matériel de prélèvement biologiques, publié en 2023, UniHA a aussi imposé aux industriels de mesurer l’empreinte environnementale de leur offre. Grâce à sa nouvelle approche, qui s’appuie sur une analyse de cycle de vie poussée du produit, le groupement va permettre à ses adhérents, sur ce marché, d’éviter 1 150 tonnes d’équivalent CO2 sur les quatre années prévues dudit marché. « Nous avons choisi un partenaire industriel donc les outils de production sont établis en Europe », a précisé Walid Ben Brahim.
Souveraineté sanitaire, sécurité des appros et durabilité : des éléments liés
Et justement, UniHA ne le cache pas : le groupement se réserve, comme le permet désormais le Code de la commande publique, la possibilité de ne choisir que des fournisseurs européens pour toutes les molécules et tous les produits jugés critiques. Pour rappel, à son entrée en fonction en fin d’année 2022, Walid Ben Brahim avait fait a fait de la sécurisation et de la souveraineté des approvisionnements une priorité absolue. Celles-ci sont d’ailleurs désormais partie intégrante des critères de choix exprimés dans les appels d’offres d’UniHA. Un impératif pour contrer les perturbations rencontrées sur les chaînes d’approvisionnement depuis quelques années. La gestion des ruptures des chaînes d’approvisionnement s’est ainsi révélée comme la question centrale du réseau. UniHA a, comme rappelé par Pascale Mocaër précédemment, toujours placé la satisfaction de ses adhérents en tête des enjeux qu’elle a à relever. La structure a de fait développé une expertise en matière d’achat lui permettant d’identifier et d’anticiper au mieux les risques de rupture pour mieux les gérer dans la durée.
Pour elle, la recherche de durabilité permettra forcément d’aider ses adhérents à sécuriser leurs approvisionnements. « Tout est lié et il faut être en mesure de jouer sur de nombreux critères. Néanmoins, nous ne devons en aucun cas sacrifier le multi sourcing et la multi-attribution au risque de devenir dépendant auprès d’un fournisseur, prévient Walid Ben Brahim. Nous veillons à garder à chaque fois plusieurs sources d’approvisionnement. C’est comme cela et en travaillant sur la durabilité que nous pourrons travailler sereinement sur la notion de souveraineté sanitaire ».
Notre volume de sourcing sur des productions françaises est conséquent. Nous proposons près de 100 % de produits français sur certaines gammes, notamment la viande et le lait
Le groupement mise plus globalement sur l’achat en proximité, d’une part pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de ses achats mais aussi pour faire vivre le tissu entrepreneurial local. Cette approche contribue à diminuer les coûts du transport et limiter ses émissions carbones bien sûr. Une manière de s’inscrire dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale globale. Sur la filière restauration, depuis le 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi Egalim, les hôpitaux ont l’obligation d’acheter 50 % de produits dits qualitatifs et durables, dont au moins 20 % d’origine biologique. En ce sens, UniHA a intégré des critères de proximité dans ses marchés. « Notre volume de sourcing sur des productions françaises est conséquent. Nous proposons près de 100 % de produits français sur certaines gammes, notamment la viande et le lait », a exposé Walid Ben Brahim. Sur la filière blanchisserie, les bassins de sourcing d’UniHA sont essentiellement européens, se conformant aux normes continentales sur le rejet de substances toxiques dans l’eau. « Les productions asiatiques sont lointaines, incertaines et beaucoup plus polluantes », a soufflé Walid Ben Brahim.
Relamping, IT reconditionné … des initiatives nombreuses
Nous avons longuement travaillé sur des offres de matériels informatiques reconditionnés. Elles commencent d’ailleurs, peu à peu, à rencontrer du succès auprès de nos adhérents
UniHA ne s’est pas arrêté en si bon chemin, multipliant les démarches : réduction des déchets, économie circulaire, réemploi … Sur ce point, UniHA, aux côtés de la CAIH, sa centrale sœur, a déployé des marchés qui permettent aux établissements qui le souhaitent de recourir à du matériel informatique reconditionné. Et le groupement a été particulièrement regardant sur le sujet, notamment pour des questions de sécurité ; les achats informatiques, en particulier dans le secteur hospitalier, doivent faire face à des enjeux potentiellement vitaux. « Nous avons longuement travaillé sur des offres de matériels informatiques reconditionnés. Elles commencent d’ailleurs, peu à peu, à rencontrer du succès auprès de nos adhérents. Nous travaillons également sur la manière dont nous pourrions allonger la durée de vie de certains matériels et sur les indices de réparabilité », a indiqué Walid Ben Brahim.
Le groupement a également engagé une réflexion sur le stockage des données, souhaitant, là encore, en diminuer au maximum l’incidence sur l’environnement. Pour ce faire, elle échange régulièrement avec ses fournisseurs, les poussant à proposer des solutions novatrices. « Le stockage réclame beaucoup d’énergie. C’est un élément très énergivore et nous voulons en réduire la consommation », a commenté Walid Ben Brahim, qui note également une demande grandissante de matériel médical reconditionné lui aussi. « Ils s’engagent vers une trajectoire de responsabilité », a-t-il noté.
En matière d’achats d’énergie, UniHA a créé un pôle spécifique, basé à Bordeaux, pour adresser le sujet et afin de garantir à ses adhérents les meilleurs contrats en la matière au meilleur prix possible. Le groupement achetait, en fin d’année 2022, autant d’énergie que de solutions d’efficacité énergétique. UniHA compte d’ailleurs une équipe dédiée, aussi importante que celle qui administre les sujets liés aux achats d’énergie. La première, avec le soutien de la Banque des territoires, a construit un marché afin d’inciter ses adhérents à adopter des solutions d’éclairage plus durables, via, au demeurant, un dispositif de financement extrêmement intéressant. « Les établissements seront remboursés sur la base des économies d’énergie qu’ils vont réaliser », a révélé Walid Ben Brahim.