Exel Industries fonde son service achats indirects et repense sa stratégie achats d’intérim
Par Mehdi Arhab | Le
Ne comptant pas de service achats centralisé jusqu’à janvier dernier, Exel Industries, ETI française spécialisée dans la pulvérisation agricole et industrielle, a désigné Hernan Diaz comme responsable des achats indirects. Sa mission : structurer le service en central, définir une politique achats indirects groupe et les stratégies par catégories. Et en neuf mois, il a abattu un énorme travail pour optimiser les achats d’intérim du groupe
Né à Épernay en 1952, Exel Industries est un groupe familial français spécialisé dans la pulvérisation agricole et industrielle. L’entreprise - dont les racines remontent à 1946 lorsque Vincent Ballu, son fondateur, a inventé le tracteur enjambeur pour vignes étroites - intervient également sur d’autres marchés, fabriquant et commercialisant des outils de jardin. Exel Industries a construit ses succès au fil du temps, doucement mais sûrement, et s’est développée au gré d’opérations de croissance externe, intégrant dans ses rangs diverses PME et ETI aux compétences riches et complémentaires.
Entrée en Bourse en 1997 sur Euronext, à Paris, Exel Industries est plus précisément une fédération d’entreprises autonomes qui emploie près de 3 800 personnes, et qui s’appuie sur une vingtaine d’implantations industrielles dans le monde. Présente dans 23 pays, elle a enregistré 977 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, contre 876 millions d’euros en 2021, soit une augmentation de 11,4 %, et devrait sans nul doute dépasser la barre symbolique du milliard d’euros de chiffre d’affaires sur son prochain exercice fiscal.
L’intérim, ou le symbole des achats indirects chez Exel Industries
Sur le plan des Achats, le groupe ne comptait, jusqu’au mois de janvier dernier, aucune structure achats centralisée. Voilà qui pourrait surprendre, mais qui, au regard du modèle de l’entreprise, pouvait aisément s’entendre. « Exel Industries est un agrégat d’entreprises autonomes. Les fonctions supports sont avant tout présentes pour consolider les activités et non pour tout bousculer. Chaque filiale est très indépendante et maître de ses choix. De fait, elles l’étaient également sur leurs achats », explique Hernan Diaz. Après avoir mené un audit et des recommandations sur les achats indirects pour le compte d’Exel Industries, il a été débauché du cabinet Robert Walters par le groupe en début d’année. Il rapporte au directeur de la transformation durable, Patrick Tristani, et est chargé de structurer le service des achats indirects en central et de définir une politique achats groupe, ainsi que les stratégies d’achats qui en découlent. Accompagné par un gestionnaire de base de données, il anime un réseau de référents achats, de responsable achats et supply chain en France et à l’échelle internationale.
Contrairement aux achats de production qui touchent à l’identité des filiales et à des savoirs technologiques profonds, les achats indirects ne sont pas des éléments qui enflamment leur nature
Après neuf mois, la transformation se poursuit et prend forme. « Contrairement aux achats de production qui touchent à l’identité des filiales et à des savoirs technologiques profonds, les achats indirects ne sont pas des éléments qui enflamment leur nature. De plus, le pilotage de la relation fournisseurs s’agissant des sujets d’achat de production et des achats indirects n’est pas appréhendé de la même manière. La transformation au niveau des achats indirects s’est de ce fait imposée tout naturellement », avance-t-il. Sur le total des dépenses liées aux différentes catégories d’achats indirects chaque année, l’intérim pèse près de 20 %. Un taux qui en fait de facto un poste de stratégique, aux problématiques nombreuses, d’autant que l’emploi temporaire représente 10 % des ressources humaines d’Exel Industries. Les prestations intellectuelles (consulting, P2I, honoraires) constituent une famille d’achats à part entière et sont traitées indépendamment.
Les besoins de chaque filiale diffèrent ; les prestations proposées sont donc diverses et plus ou moins longues. Mais toutes font face à la même difficulté : trouver les profils adéquats, les bonnes compétences et ce dans un temps imparti parfois très court, du fait de la saisonnalité de certaines de leurs activités. Pour les Achats, l’enjeu premier est donc de trouver le partenaire qui puisse ensuite dénicher la perle rare aux filiales. Mais la conjoncture vient mettre son grain de sel. « C’est un challenge de tous les instants, décrit Hernan Diaz. Pour les filiales, ce qui prime, c’est la disponibilité de la ressource. Or, le marché est frappé par une pénurie de main d’œuvre importante. À cela s’ajoutent les aspirations des travailleurs temporaires ».
Un référencement élargi
Pas une mince affaire donc, malgré le fait que marché de l’intérim se caractérise par une certaine forme de maturité, en témoigne les quelque 11 000 agences que compte le territoire français. Fluctuant selon les baisses et hausses du climat économique, il ne représente toutefois qu’une infime partie de l’emploi salarié (2 à 3 % en moyenne selon les données de la DARES). Les grands acteurs du secteur - Adecco, Randstad et Manpower - sont bien identifiés. Néanmoins, depuis quelques années maintenant, ils affrontent la concurrence des agences d’intérim digitales, qui tentent de leur faire de l’ombre. En fin observateur, Hernan s’applique à faire profiter ses clients internes de leurs innovations pour accompagner au mieux l’accroissement des activités du groupe.
Ceux-ci, qui travaillaient jusqu’ici majoritairement avec l’un des trois Majors cités, ont vu leur manière d’opérer être bousculée. En effet, après un appel d’offres mené il y a quelques mois, le référencement a été ouvert aux petits trublions du marché. « L’intérim est en évolution et se digitalise. Les grands acteurs du secteur n’ont pas pris assez vite le train en marche et accusent une petite dette technique. Leur modèle est dans un entre-deux. En plus de leurs outils, sur lesquels elles placent leurs espoirs de rentabilité et de croissance, les agences d’intérim digitales misent désormais sur une présence physique auprès de leurs clients, via l’implant sur site de l’un de leurs collaborateurs. Outre le fait de proposer des taux de marge toujours moins élevés et plus compétitifs que les agences traditionnelles, elles ont revu leur approche stratégique. La relation client a ainsi gagné en proximité et c’est ce qui nous a séduit », détaille le responsable des achats indirects du groupe.
Il est extrêmement important d’explorer l’ensemble des pistes qui s’offrent à pour pallier ces problématiques de main d’œuvre
Ce dernier n’exclut toutefois pas de travailler à terme avec les deux autres leaders du marché, qui ne servent pour le moment pas les besoins en intérim des filiales. Mais il juge les nouveaux acteurs en meilleure position pour satisfaire les besoins de ses prescripteurs. « En s’attaquant au sujet de l’intérim, nous avons touché les habitudes de nos clients internes des RH. Nous restons bien entendu à leur écoute et à l’écoute du marché aussi. Il est de notre responsabilité de faire comprendre aux métiers ce qu’ils peuvent tirer des nouveaux modèles à disposition, de leur expliquer en quoi y recourir enrichit le panel historique. Il est extrêmement important d’explorer l’ensemble des pistes qui s’offrent à eux pour pallier ces problématiques de main d’œuvre ».
De l’inventivité pour attirer
Nous tâchons de travailler avec des partenaires bien implantés en région et dans nos pays à l’international pour dénicher le bon profil intérimaire
Et pourtant, même en œuvrant de la sorte, le service des achats n’a pas l’assurance de contenter ses filiales, en lui obtenant les ressources souhaitées. Cela pour une autre raison : la localisation géographique de certaines missions. « Les missions proposées sont parfois très éloignées des agglomérations. Nous tâchons de travailler avec des partenaires bien implantés en région et dans nos pays à l’international pour dénicher le bon profil intérimaire », précise Hernan Diaz. Pour attirer du personnel en travail temporaire, Exel Industries s’appuie sur des implants des agences d’intérim sur ses sites. « Ils sont très flexibles, s’adaptent à nos demandes, à notre temporalité et assurent le travail de recrutement ainsi que le suivi des missions. Ils s’assurent que l’intérimaire soit correctement qualifié pour la mission, qu’il soit équipé de ses EPI et l’informent de toutes les dispositions de sécurité du site », déroule le responsable achats indirects.
Le groupe mise également sur ses engagements en matière de RSE et l’une de ses valeurs fondatrices, « le comportement responsable ». Il propose à ses clients différentes solutions qui leur permettent de réduire leur empreinte environnementale et développe des systèmes de pulvérisation de haute précision, afin de déposer la bonne dose au bon endroit au bon moment. Au demeurant, Exel Industries décline ses engagements par des plans d’action autour de l’apprentissage, l’absentéisme, les accidents de travail, la mixité et la formation. Sur ce point, Achats, clients internes et agences d’intérim travaillent main dans la main pour organiser des campagnes d’information et des journées de visites sur site. « Cela contribue à façonner notre marque employeur, à nous faire gagner en attractivité vis-à-vis de ressources externes », témoigne Hernan Diaz.
La maîtrise des dépenses n’est pas impossible
L’intérim est une famille d’achat à fort enjeu social, qui touche profondément à l’humain
En cela, l’intérim, marché de main d’œuvre par excellence, aux ressorts spécifiques, n’est pas un sujet comme un autre. Les marges de manœuvre, bien qu’elles existent, sont beaucoup plus étroites. Bien que plus difficile que sur d’autres catégories d’achats, optimiser les dépenses n’est pas illusoire. Et ce, sans déssécher les populations les plus fragiles qui recourent au travail temporaire. « L’intérim est une famille d’achat à fort enjeu social, qui touche profondément à l’humain. Il faut intégrer ces composantes, sans quoi nous ne pourrions pas bien adresser cette famille d’achat. C’est un sujet délicat, mais sur lequel il faut, j’en suis persuadé, sortir des sentiers battus », développe Hernan Diaz.
Le coût d’un intérimaire équivaut, peu ou prou, à deux fois son salaire de base. Il faut en effet y ajouter les indemnités de fin de mission, les congés payés, les cotisations sociales qui varient selon les niveaux de salaires, les coefficients de recrutement et de gestion et, enfin, les frais de fonctionnement et la marge de l’agence. Une fois cette structure de coût bien appréhendée, Hernan Diaz sait sur quoi il doit appuyer. « Notre valeur ajoutée est ici : connaître le marché fournisseurs, ses innovations ; décomposer la structure de coût et optimiser nos dépenses en actionnant les bons leviers de négociation. Nous ne pouvons jouer sur l’augmentation du SMIC et les cotisations sociales, ces hausses doivent être absorbées de fait. En revanche, nous pouvons engager des discussions sereines et agir sur les frais de fonctionnement de l’agence, son taux de marge » résume-t-il.