Électricité solaire : le Groupe ADP place ses pions pour décarboner le secteur aérien
En 2018, le Groupe ADP s’est tourné vers un PPA pour s’assurer des accès à des sources d’énergie verte. À travers ce premier contrat, l’opérateur a couvert 10 % des besoins en électricité de ses trois aéroports parisiens. L’inflation sur les prix de l’énergie est ensuite venue légitimer sur le plan financier sa stratégie, renforcée en 2022 par un nouveau PPA. Il s’intéresse désormais à l’autoproduction. Marc Levasseur, chief environmental & social responsibility purchasing officer du groupe, a témoigné à ce sujet au cours de l’atelier, « #Energies renouvelables : le point sur les PPA et l’auto-production », qui s’est tenu le mardi 4 mars lors des HA ! Days - Achats Responsables.

Cela fait déjà quelques années que le marché des PPA (Power Purchase agreement) en France bouillonne. Les PPA sont des contrats innovants d’achat direct d’électricité renouvelable de longue durée entre une entreprise consommatrice et directement les parcs d’énergies renouvelables. Nombre d’acteurs tricolores de la grande distribution, ou encore de l’industrie, se sont laissé séduire et ont décidé de profiter des (nombreux) avantages qu’ils offrent. De plus en plus d’entreprises s’affairent donc pour sceller des accords de ce type, lesquels garantissent des capacités et un prix fixe (ou du moins, quasi-fixe) à long terme sur de l’électricité décarbonée. Plus récemment, le groupement Les Mousquetaires, Fnac Darty également, mais aussi l’enseigne E. Leclerc, L’Oréal et Renault, ou encore Leroy Merlin ont tous sauté dans le grand bain et ont opté pour cette méthode d’approvisionnement.
Une manière pour tous ces grands noms de maîtriser leurs coûts en matière d’achat d’énergie et de se prémunir aussi de la fluctuation des prix, qui a parfois été colossale par suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le Groupe ADP, dont la maison mère est Aéroports de Paris SA, opérateur aéroportuaire international de renom, n’a pas attendu cet événement géopolitique majeur pour se lancer dans le grand bain du PPA. Il fut l’un des premiers à étudier la question, faisant appel à un AMO auprès de Capgemini en 2018. Et bien lui en a pris.
Après avoir lancé sa consultation au cours de l’année 2019, le groupe avait annoncé un an plus tard que les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget seront alimentés en énergie solaire par le développeur de projets Urbasolar et le fournisseur d’énergie GazelEnergie dans le cadre d’un PPA de 21 ans autour de trois nouvelles centrales photovoltaïques construites par Urbasolar dans les départements du Gard, du Var et de la Charente. Une fois en mesure de tourner à plein régime, les trois parcs, dont l’emprise au sol est de 40 hectares pour une production totale de 47 GWh par an, permettront de fournir 10 % de l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les trois aéroports parisiens, soit près de la moitié de leurs besoins en éclairage. Un choix qui confirme l’orientation du groupe : décarboner en masse.
Les objectifs de décarbonation du Groupe ADP
L’entreprise a récemment communiqué ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixés dans le cadre de sa feuille de route 2025 Pioneers. La trajectoire des aéroports franciliens pour atteindre zéro émission nette sur toute la chaîne de valeur en 2050 a récemment été validée par l’organisme indépendant Science Based Targets initiative (SBTi).
Ces objectifs couvrent évidemment les émissions internes liées à son activité aéroportuaire directe (scope 1 et 2) et les émissions externes, liées à l’activité aéroportuaire, incluant l’ensemble des entreprises intervenant sur la plateforme, et notamment les émissions avion au sol, et en phase de décollage et atterrissage, jusqu’à 3000 pieds (scope 3).
Le Groupe ADP s’est ainsi engagé à réduire, pour ses trois aéroports franciliens, ses émissions directes de 68 % d’ici 2030 et 90 % d’ici 2035 par rapport à l’année de référence 2019, et les émissions des parties prenantes de 27,5 % en 2030 et de 90 % en 2050, soit un objectif zéro émission nette de CO2 sur toute la chaîne de valeur. Les émissions de gaz à effet de serre résiduelles seront quant à elles compensées par des méthodes de séquestration.
Une stratégie 360° qui implique PPA, voire autoconsommation
Cette ambitieuse trajectoire de décarbonation va fortement impacter les consommations d’électricité avec l’électrification massive de plusieurs procédés carbonés : mise à disposition de climatiseurs électriques pour les aéronefs qui sont au contact des postes, déploiement de bornes de recharges pour les véhicules électriques et les engins d’assistance en escale, déploiement d’une géothermie profonde à 1 800 m de profondeur sur le Dogger. Avec une consommation d’électricité en 2024 de 450 GWh/ an, les besoins des plateformes devraient augmenter de 50 % d’ici 2030-2035. La réussite de cette transition énergétique passera par un approvisionnement énergétique avec un coût stable et compétitif dans la durée.
Les Achats et la Direction du Développement Durable ne voulaient pas rater ces solutions novatrices
« Ce sont des actions pionnières qui se sont concrétisées en 2020. Les Achats et la Direction du Développement Durable ne voulaient pas rater ces solutions novatrices. Une autre initiative a été lancée en 2022 et s’est concrétisée l’année qui suit, démontrant notre montée en puissance sur les sujets des PPA », introduit Marc Levasseur, chief environmental & social responsibility purchasing officer du groupe ADP. D’ici 2030, le groupe souhaite que les trois aéroports franciliens couvrent au moins 30 % de leurs besoins en électricité par des sources d’énergie renouvelable. Pour être plus précis, la part de l’énergie en provenance des PPA de la consommation annuelle d’Aéroports de Paris SA a atteint 9 % en 2024, devrait s’établir à environ 16 % en 2025, puis 25 % en 2026. Pour sécuriser son approvisionnement électrique à hauteur de 30 % d’ici 2030, Aéroports de Paris SA a contractualisé de nouveaux power purchase agreement avec Urbasolar et Photosol.

En ce sens, le Groupe ADP réfléchit actuellement également à définir la meilleure façon d’appliquer la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite « APER » ; sur l’équipement de ses nombreuses surfaces de parkings, en ombrières photovoltaïques. « L’idée, pour l’avenir, est d’essayer également de tirer parti des divers espaces qui peuvent être équipés en conséquence et ainsi parvenir à s’appuyer sur des moyens de production en électricité verte sur nos sites », rapporte Marc Levasseur.
Une politique volontariste
En définitive, l’opérateur aéroportuaire français ne ménage pas ses efforts. Et pour cause, le groupe trouve dans ces démarches un intérêt économique certain. Et il ne s’en cache pas d’ailleurs, d’autant que ces initiatives lui ont permis de poursuivre sur sa lancée en matière de décarbonation, à moindre prix donc.
Pour autant, au moment où l’opérateur s’est lancé dans cette aventure, les prix des PPA étaient supérieurs au cours du marché. Envers et contre tout, le groupe ADP a maintenu sa trajectoire, celle de faire croître sa part de PPA de 10 % pour tendre vers 30 % ; malgré cet écart avec les prix du marché donc, l’opérateur français n’a pas trahi son désir, celui de participer à la décarbonation du secteur. Une stratégie qui s’avère pour le moins payante puisque le Groupe ADP s’assure à travers ses PPA des capacités (vertes, propres et en propre) sans finalement toucher davantage à son porte-monnaie. Et pour cause, les PPA ont en effet joué un rôle d’amortisseur pendant la crise et amènent à l’opérateur des prix stables pour les années à venir.
Si nous avons eu de la chance de nous y prendre aussi tôt, quelques années avant la flambée des prix que l’on connaît et sans essuyer les plâtres pour les autres, on peut tout de même se targuer d’avoir conduit nos PPA à des prix extrêmement compétitifs
« Cette approche budgétaire nous apporte une plus grande visibilité. Les prix de l’énergie ont beaucoup augmenté ces dernières années. Et si nous avons eu de la chance de nous y prendre aussi tôt, quelques années avant la flambée des prix que l’on connaît et sans essuyer les plâtres pour les autres, on peut tout de même se targuer d’avoir conduit nos PPA à des prix extrêmement compétitifs. Sécuriser nos appros sur le temps long à des prix fixes dans ce contexte est plus que bénéfique », se félicite Marc Levasseur. Et l’évolution des prix de l’électricité ces trois dernières années ne lui donne pas vraiment tort.
Mais le groupe montre surtout à travers ces initiatives d’envergure et structurantes à quel point il est volontaire. Son objectif ? Participer massivement à la mue du secteur du transport aérien. ADP a tout mis en œuvre pour avancer comme qui dirait à marche forcée. Sur la période 2009-2019, l’opérateur dit avoir réduit de 71 % les émissions de CO2 par passager. Ainsi, à l’international, six des aéroports du groupe (Izmir, Ankara, Antalya, Delhi, Hyderabad et Amman) revendiquent avoir atteint la neutralité carbone selon les standards du programme de certification de l’ACI (Airports Council International).
Par ailleurs, le Groupe ADP s’attèle notamment depuis quelques années à développer l’usage de carburant alternatifs bien moins polluants. Le groupe s’est également allié à Air Liquide pour fonder une coentreprise baptisée Hydrogen Airport, laquelle a pour rôle d’accompagner les aéroports dans l’accueil et l’intégration de l’hydrogène avion. Cette structure, sortie de terre en 2023, est le fruit d’un long travail mené conjointement avec Airbus en 2021 et portant sur des études de faisabilité pour accompagner l’arrivée des avions à hydrogène dans une trentaine d’aéroports dans le monde. Un projet qui, vraisemblablement, augmentera encore plus les besoins d’ADP en électricité. « GRTgaz (NDLR : devenue NaTran) et notre groupe ont lancé en parallèle une étude conjointe qui doit définir les conditions d’acheminement de l’hydrogène par canalisation vers les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly », précise Marc Levasseur.